
Alors que la loi du pays sur "l’égalité professionnelle réelle", a été adoptée en mai au Congrès, le chemin à parcourir pour y parvenir est encore long. C’est ce que la dernière enquête sur "les forces de travail en 2022" [1] de l’Isee (Institut de la statistique et des études économiques) révèle, montrant à quel point les écarts demeurent entre les femmes et les hommes.
Si les Calédoniennes réussissent mieux à l’école, puis dans leurs études, cette logique ne se retrouve plus, ensuite, dans le monde du travail. À titre d’exemple, le taux d’emploi est de 63,3 % chez les hommes, contre seulement 54,1 % chez les femmes, qui sont par ailleurs deux fois plus nombreuses à être inactives. Du moins selon la définition du Bureau international du travail (BIT) qui ne prend pas en compte les activités plus informelles.
Entre 2020 et 2022, plus de 4 000 nouvelles personnes ont rejoint le marché du travail en tant qu’actifs. Mais ces bons résultats profitent davantage aux hommes (+ 3 200 emplois) qu’aux femmes (+ 850).
Les femmes sont plus diplômées que les hommes. Elles sont 43 % des 15-64 ans à être titulaires d’un bac ou d’un diplôme supérieur, contre 36 % pour les hommes.
Pourtant, à niveau de diplôme équivalent, les écarts entre hommes et femmes persistent, en particulier jusqu’au niveau bac où la proportion des femmes en emploi est inférieure à celle des hommes d’au moins 10 points.
Néanmoins, ces inégalités tendent à se réduire à mesure que le niveau de qualification augmente. Ce qui n’empêche pas une constante : quel que soit leur niveau de diplôme, les femmes sont plus souvent "inactives" que les hommes.
Autre enseignement de cette étude, les femmes sont plus souvent en situation de précarité et dans les catégories les moins hautes au sein de la hiérarchie.
Dans le secteur privé, elles occupent 44 % des emplois salariés et sont nettement plus à temps partiel que les hommes, soit 24 %, contre 4 % des hommes. Cette réduction du temps de travail est subie dans la grande majorité des cas, plus encore pour les hommes (72 % des cas) que pour les femmes (64 %).
En parallèle, bien que plus diplômées, elles occupent moins de postes sur des catégories d’emplois intermédiaires ou supérieures (15 % des femmes, contre 24 % des hommes).
Même tendance dans le secteur public, où elles sont pourtant majoritaires, représentant 62 % des emplois. En clair, les hommes sont les plus nombreux dans les postes de catégorie A ou d’encadrement. À l’inverse, les femmes sont les plus représentées dans les postes de catégorie C. Enfin, elles sont davantage à temps partiel (dans 15 % des cas, contre 5 % pour les hommes).
"Les femmes sont en général plus diplômées que les hommes, sauf que leur situation sur le marché du travail est assez curieuse puisqu’elles se trouvent à des postes moins enviables qu’eux", résume Olivier Fagnot, directeur de l’Isee, qui rappelle que "ces écarts ont toujours existé. C’est un processus lent, mais on s’aperçoit que ces différences se résorbent petit à petit, même si elles sont encore bien présentes."
Lorsqu’on cherche à mobiliser le vivier des personnes sans emploi (l’étude de l’Isee a mis en avant que 22 400 Calédoniens sans activité souhaitaient travailler en 2022), les femmes en font partie car elles sont plus souvent sans emploi.
Il y a quelques années, le gouvernement avait par exemple décidé, de manière volontariste, de mettre en formation au moins 50 % de stagiaires femmes sur des métiers dits masculins. La mesure emblématique a concerné la conduite d’engins au centre de formation des mines et des carrières de Poro, à Houaïlou. Au départ, il y a eu certaines réticences de la part des opérateurs économiques et du centre de formation lui-même.
Cette introduction d’un effectif féminin conséquent a eu des effets extrêmement bénéfiques pendant la formation, mais également à l’embauche car les opérateurs miniers se sont aperçus que les femmes étaient plus respectueuses des consignes et du matériel que certains hommes. C’est une opération qui a vraiment eu un franc succès et qui a sans doute permis à la fois aux femmes de comprendre qu’aucun métier ne leur était fermé et aux entreprises de se rendre compte que les femmes peuvent trouver leur place dans des métiers traditionnellement réservés aux hommes.
La difficulté aussi, c’est la représentation que les femmes se font de ces métiers. Il y a un travail à mener autour de cela. Parfois, l’exclusion se fait non pas par l’environnement mais par la personne elle-même. Je pense qu’il faudrait qu’on retravaille sur cette question et que l’on remette en place des dispositifs plus incitatifs que ce qu’il y a aujourd’hui.
La loi sur l’égalité professionnelle hommes-femmes, adoptée par le Congrès, a d’abord été le résultat d’un long travail d’enquête et d’étude de la part des services du gouvernement. Il semblerait, en effet, que dans les entreprises où le nombre de femmes est plus important, y compris et surtout à des postes à responsabilité, le climat social est plus serein que dans les sociétés avec moins de femmes. Et quand l’ambiance de travail est sereine, il y a de toute façon un gain de productivité.