
Ce rêve devenu réalité, c’est d’abord celui de Titouan Bernicot, 25 ans, fondateur et président directeur général de Coral Gardeners depuis 2017, qui a décidé d’agir face à une situation alarmante. "J’ai passé les trois premières années de ma vie à Ahe, aux Tuamotu. Depuis petit, je passe beaucoup de temps dans le lagon. Plus grand, à Moorea, j’ai été choqué par le blanchissement corallien, car le corail est à la base de tout : c’est le récif qui protège nos îles et le tourisme est la première économie du Pays."
"Plus de la moitié de l’oxygène qu’on respire vient des océans, grâce à des écosystèmes en bonne santé. J’ai compris que ce qui était le plus important dans ma vie était en train de disparaître : les coraux sont là depuis 400 millions d’années, or en trente ans, on a quasiment perdu la moitié des récifs coralliens de notre planète bleue. Et si rien n’est fait, en 2025, ils pourraient tous être condamnés, d’après les scientifiques", confie le jeune homme, qui a donc commencé à planter du corail à 16 ans, "après le lycée", avant d’entraîner ses amis surfeurs dans l’aventure pour en faire un métier.
Six ans plus tard, Coral Gardeners a bien grandi, comme ses boutures de coraux. "2023 est une année exceptionnelle pour nous. On finit l’année en ayant atteint le chiffre symbolique de 100 000 coraux plantés autour du monde, dont les trois quarts en Polynésie, en sachant qu’on avait commencé l’année à 35 000 coraux plantés depuis six ans. En 2024, on a prévu d’en planter 300 000", annonce Titouan Bernicot.
En quelques mois, les effectifs ont triplé, passant d’une vingtaine à une soixantaine de personnes. L’équipe de Recherche et Développement dirigée par le docteur Drew Gray se compose d’ingénieurs et de scientifiques de pointe, qui travaillent en lien étroit avec les planteurs sur le terrain. "Chaque semaine, on fait des avancées. Par exemple, on a mis en place des caméras de live stream et on est en train de développer une intelligence artificielle pour suivre l’augmentation de la biodiversité du récif en temps réel. À Tiaia, à Moorea, où on plante des coraux depuis décembre 2020, on est passé de 50 poissons sur zone à plus de 5 000. On a un taux de recolonisation incroyable, parmi les meilleurs résultats au monde dans le domaine".
Les campagnes de communication de Coral Gardeners, dont une avec l’acteur Jason Momoa, alias Aquaman, ont été suivies par des millions d’internautes. Plus récemment, Titouan Bernicot a apporté son soutien au surfeur Matahi Drollet en faveur de la préservation du récif corallien de Teahupo’o, dans un contexte de tensions autour du projet de la tour des juges en aluminium pour les Jeux Olympiques de Paris 2024. Globalement, son message a été entendu jusqu’au siège des Nation Unies, à New York, à l’occasion de la Journée Mondiale des Océans.
Une internationalisation qui s’est concrétisée récemment par l’ouverture d’une antenne aux îles Fidji. "Il y a une équipe de six personnes sur place avec tous les équipements nécessaires, en partenariat avec le gouvernement fidjien, dans le cadre de sa stratégie de développement durable qui vise à planter 1 million de coraux", explique Titouan Bernicot. En 2024, d’autres antennes devraient suivre en Indonésie, aux îles Cook, à l’Île de Pâques ou encore en Thaïlande, où des pêcheurs à la dynamite sont en train d’être reconvertis en jardiniers du corail.
En Polynésie, où la sensibilisation passe par les scolaires et les pêcheurs, mais aussi désormais par les touristes. "On vient de lancer un programme d’écotourisme à Moorea, pour commencer, avec des guides polynésiens formés pour encadrer une randonnée aquatique qui permet d’aller bouturer et planter ses propres coraux. La demande est énorme. Notre programme d’adoption de corail fonctionne très bien aussi."
Titouan Bernicot et son équipe ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. "Notre objectif pour les années à venir, c’est de travailler main dans la main avec le gouvernement polynésien pour instaurer cette filiale d’économie bleue à travers la Polynésie en standardisant les méthodes, et de restaurer davantage de récifs autour du monde. Il y a du pain sur la planche et on a besoin du soutien de tout le monde."