
"Entre la décision de l’État de construire une nouvelle prison et la livraison de cette structure, comment allons-nous réussir à tenir pendant ces dix ans ?" Au nom de tous ses collègues, le surveillant pénitentiaire et responsable de section au Soenc-CFDT, Sébastien Tui a lancé "un cri d’alarme", ce vendredi matin ; lors d’un "mouvement d’humeur" organisé devant le tribunal.
Alors que l’ouverture de la future prison de Nouméa annoncée en février dernier, par le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, n’est pas attendue avant 2032, les gardiens de la paix s’inquiètent du sort réservé aux détenus et aux salariés du Camp-Est d’ici-là. Avec actuellement 130 personnels et 610 détenus (pour une capacité opérationnelle de 390 places), les conditions de détention et de travail restent "indignes" en raison de cette surpopulation carcérale où près de 160 prisonniers dorment à même le sol.
"Quatre personnes dans une cellule de neuf mètres carrés enfermées 22 heures sur 24, forcément, cela crée des tensions, déplore Sébastien Tui. En ce moment, il ne se passe pas un jour sans incident, dû à cette situation. Cela se traduit par des violences entre des détenus, notamment en raison de problèmes de cohabitation, mais aussi par des violences envers le personnel. Pas plus tard qu’hier (jeudi), trois collègues se sont fait agresser physiquement. Sans compter les violences verbales et les insultes."
Un mouvement d’humeur qui se produit à un moment où le climat social est tendu sur le Caillou, ce qui inquiète également ces professionnels. "Ce sont des situations à anticiper et sur lesquelles alerter car s’il y a des dérives dans le pays, il y aura encore plus de décisions de justice, ce qui ne va pas du tout améliorer la situation au Camp-Est", craint ce surveillant et représentant syndical qui entend une nouvelle fois interpeller l’autorité judiciaire à "réfléchir ensemble" sur les mesures qui pourraient alléger cette surpopulation.
"On demande que l’État prenne tout cela en considération. On a effectivement une nouvelle prison d’annoncée mais elle n’arrivera pas avant une dizaine d’années et d’ici-là la population carcérale va encore augmenter, insiste Frédéric Delaporte, secrétaire général du Soenc-CFDT fonction publique. Quelles solutions peut-on trouver ? Si ce n’est des propositions de peine alternative, l’installation d’Algeco, etc. C’est à l’État de s’y pencher. Le Camp-Est ne pourra pas tenir comme ça et surtout leurs surveillants."
Ouvert en 2022, le centre de détention de Koné, d’une capacité de 120 places [1], n’a pas permis d’améliorer la situation et de désengorger le Camp-Est. "À l’ouverture de Koné, 620 détenus étaient au Camp-Est. Aujourd’hui, malgré ces transferts de détenus, on est revenus à la même situation à Nouméa. Cela n’a donc rien réglé, regrette Sébastien Tui. La crainte aussi, c’est que ce centre pénitentiaire, qui est déjà arrivé au maximum de sa capacité, connaisse le même sort que le Camp-Est alors que cet établissement doit garder sa vocation initiale qui est de préparer les détenus à la sortie. Il ne faut pas que le problème soit progressivement déplacé à Koné."