
Fort du poids de ses six cents pages, de ses 1400 photos et de sa pléiade de textes signés d'une quarantaine de sommités presque toutes locales, Le patrimoine de la Nouvelle-Calédonie est un ouvrage à total contre-courant. Il est un bras d'honneur de la chose imprimée au tout-numérique, une ode au temps long à l'ère du " vite " et une somme de savoirs mis à la portée de tous, à rebrousse-poil de l'oralité et du non-dit propres au pays. " Il faut dire un grand merci à tous et notamment aux chefferies qui ont accepté de parler des traditions ", est intervenu le Sénateur coutumier Hyppolyte Sinewami Htamumu lors de la présentation du livre, qui se déroulait ce mercredi matin, au centre culturel Tjibaou.
Contrairement aux opus qui l'ont précédé dans le collection dédiée au patrimoine des territoires ultramarins, l'édition calédonienne a choisi un traitement thématique et non par commune ou par dates. " Evoquer un objet kanak dans une rubrique " Nouméa " au prétexte qu'il est dans un musée de la ville ne reflète pas la réalité de ce patrimoine ", plaide le directeur de la fondation Clément, Florent Plasse.
L'initiative change beaucoup de choses. Due au maître d'ouvrage éditorial, l'archéologue Louis Lagarde, et aux quatre membres de son comité scientifique, cette horizontalisation du regard a permis de mêler sous un même intitulé des objets, des rites, des lieux propres à chaque communauté, des éléments matériels comme touchant à l'immatériel et au spirituel.
Présents ce mercredi, une vingtaine des auteurs des textes se sont accordés pour saluer une " ressource pour nos étudiants " (Anne-Laure Dotte, linguiste, UNC), un livre " très utile pour un bon nombre de publics " (Stéphanie Geneix-Rabault, linguiste, ALK). En historienne spécialiste des écoles, Christiane Terrier a vanté un ouvrage " aux grandes qualités didactiques ", " qui touche toutes les ethnies " a précisé le spécialiste de la santé et planteur de café Jean-Paul Belhomme.
" Merci de nous rendre compréhensibles du grand public ", a dit l'archéologue Jean-Marie Wadrawane à l'adresse de l'éditeur, Hervé Chopin, et de la délégation de la fondation Clément, à l'origine et mécène du projet, menée par l'homme d'affaires Bernard Hayot, 90 ans.
Seul " caillou dans la chaussure " relevé par les anthropologues Patrice Godin et Françoise Cayrol : que l'initiative d'un tel livre ne soit pas née en Calédonie. Mais peut-être fallait-il justement l'ignorance des subtilités du territoire pour se lancer dans l'aventure ?
Distribué à 3000 exemplaires dès ce jeudi sur le territoire, ce livre devrait trouver place dans nombre de foyers, au vu de son prix anti-vie chère : 2990 francs. Encore un élément à contre courant.
Questions à Florent Plasse, directeur de la fondation Clément
Oui effectivement, traiter d'un patrimoine aussi riche que celui de la Nouvelle-Calédonie a nécessité de nombreuses réunions et rencontres… Même si nous avons réalisé des ouvrages semblables sur les autres départements, Martinique, Guadeloupe, Guyane et Réunion, une organisation dédiée a été mise en place pour l'ouvrage sur la Nouvelle-Calédonie.
Vers 2017-2018. Nous avons fait un premier voyage début 2018 pour présenter le projet et écouter les acteurs du patrimoine. Nous avons rencontré beaucoup de monde. Nous avons fait le tour de la Grande Terre, nous sommes allés à Lifou et à l'île des Pins. Par son approche et par ses connaissances, Louis Lagarde nous a paru être la bonne personne pour coordonner l'ensemble des travaux. Il a souhaité s'entourer d'un comité scientifique de trois autres personnes afin de valider les choix de manière collégiale. Tout a été concrétisé courant 2018 et en juillet 2020, le livre était imprimé, puis expédié ici. Sauf que… mauvais calendrier, avec la Covid !
Oui, d'autant plus que la plupart de ces auteurs habitent ici ! Je trouve impressionnant que sur un territoire de seulement 270 000 habitants, nous sommes arrivés à réunir quarante spécialistes du patrimoine.
Anne Chopin est à la fois la photographe et la maquettiste de l'ouvrage. Elle est la sœur de l'éditeur, Hervé Chopin, installé à Bordeaux, mais qui connaît très bien l'outre-mer. Comme il s'agit d'un ouvrage encyclopédique de vulgarisation soignée qui témoigne de la connaissance en cours, les photos sont avant tout documentaires. Elles doivent permettre de bien illustrer les textes. Cela a nécessité un travail minutieux de préparation, pour être accepté, obtenir les rendez-vous et les autorisations, avec beaucoup de déplacements à travers tout le pays…
La Fondation Clément, fondation d'entreprise de GBH, est hébergée sur le site de l'Habitation Clément, à la Martinique, ouvert au public depuis plus de de trente ans. Nous produisons du mécénat culturel dans deux axes : l'art contemporain, avec les expositions d'artistes de la Caraïbe, et la protection et valorisation du patrimoine. Nos publications couvrent ces deux domaines. Les livres ont le privilège de pouvoir voyager et d'aller à la rencontre de nombreux publics à travers le monde.
Le patrimoine de la Nouvelle-Calédonie, éditions Hervé Chopin, 2 990 francs