
Dans un silence respectueux, les nouveaux arrivants s’embrassent. Ils se connaissent tous. Toutes les personnes présentes en ce mercredi 31 juillet au matin, devant la stèle commémorant les 126 disparus de la Monique, ont perdu un proche dans le dramatique naufrage. C’était il y a 71 ans. Le 31 juillet 1953, le caboteur disparaît après une étape à Maré, avec à son bord 126 personnes [1]. À l’occasion des 70 ans, l’année dernière, de grandes cérémonies se sont déroulées à Maré, à Lifou (59 passagers étaient originaires de l’île), sur la Grande Terre.
Puis une stèle a été installée à Port-Moselle, proche du marché de Nouméa. "C’est la première fois que l’on a un monument à la mémoire des 126, il aura fallu attendre 70 ans", souligne Sylvie Hmeun, dont l’arrière grand-mère, Hnae Iwan, a disparu à 47 ans. Le père de Sylvie, Gaston Hmeun, est encore très ému en déposant le bouquet de fleurs au pied de la sculpture. "Pour nous, ils ne sont pas morts. J’ai eu beaucoup de mal à accepter, et je n’arrive toujours pas à me faire à l’idée", souffle le monsieur.
Ce matin, pas de cérémonie officielle avec les institutions, pas de grands discours. "Aujourd’hui, nous sommes là à titre personnel, commence Louis-José Barbançon, dont le père a disparu. Ce n’était pas facile d’organiser quelque chose dans ces conditions." Walles Kotra, qui a également perdu un proche dans l’accident, souligne :"symboliquement, c’est important, c’est une sépulture commune". Car toutes les communautés sont touchées par ce drame.
Une cérémonie s’est déroulée hier à Lifou, à Xépénéhé, avec Louis-José Barbançon. "Des gestes ont été faits, un rappel de ce qui s’est passé a été dit." Alors qu’une stèle commémorative existait à Maré depuis plusieurs années, celles de Lifou ont été installées à plusieurs endroits, en 2023. "L’année dernière était grandiose, il ne faut pas de rupture, quand on commence à tresser une natte, il ne faut pas s’arrêter, explique Louis-José Barbançon. Nous avons créé un lien sacré, et lorsque l’on voit que le sacré est attaqué, au travers des écoles, des églises, lorsque l’on entend que l’on ne mélange pas l’huile et l’eau, je suis en colère. Il faut maintenir ce lien sacré."
Ce mercredi 31 juillet, l’association la Monique est présente à Maré pour une cérémonie de plus grande ampleur que les dépôts de fleurs discrets et émouvants de Nouméa. À l’issue de cette rencontre entre familles de disparus à Port-Moselle, chacun a jeté une fleur dans l’océan.