
Ce sera une programmation assez éclectique avec essentiellement des artistes locaux. Le premier spectacle, ces samedi et dimanche, sera familial et s’adresse au jeune public. C’est une nouvelle création autour de la danse pour laquelle les artistes travaillent ici en résidence depuis trois semaines. Elle sera interprétée sur scène par Pash.
Nous retrouverons ensuite les comédies broussardes des Incompressibles qui sont un grand classique et qui nous permettent aussi d’aller chercher un public un peu différent. Il y aura également de la danse aérienne avec un collectif nouméen en novembre et nous terminerons, en décembre, par la compagnie de l’Archipel avec la pièce de Feydeau Léonie est en retard.
Au total, nous aurons donc quatre spectacles.
C’est un besoin pour tout le monde à commencer par l’équipe du théâtre qui a besoin de travailler. C’est important d’être présent. Le Théâtre de l’île est une institution au cœur de la ville, un lieu de culture qu’il est important de faire renaître bien que ce soit dans des conditions financières et une organisation différente.
Nous avons d’abord eu la chance que le théâtre ne soit pas touché physiquement. Ceci dit, les subventions prévues pour cette année qui n’avaient pas encore été versées au 13 mai ont été redirigées par les institutions sur des besoins immédiats. Ce que l’on peut comprendre.
Nous avons cinq canaux financiers : la ville de Nouméa qui attribue l’enveloppe la plus importante, puis l’État, la province Sud et le gouvernement. Enfin, nous comptons également sur nos recettes propres liées à la billetterie qui, jusqu’à la crise Covid, était généralement le premier financeur.
L’État sera présent pour l’année prochaine, même si nous ne savons pas encore à quelle hauteur. Nous leur avons demandé une vingtaine de millions de francs, qui couvrent également des actions d’éducation culturelle. En tous les cas, à ce jour, la province Sud et la ville nous ont prévenus qu’elles ne pourront pas assumer leurs subventions pour 2025. Tout peut encore changer dans les mois à venir.
Mais ce qui est évident, c’est qu’il faudra démarrer l’année prochaine sans beaucoup de moyens. C’est pourquoi le fonds de roulement et la trésorerie du théâtre, qui nous permettaient parfois de programmer quelques spectacles extraordinaires et propositions ou artistes plus chers, seront consacrés à lancer la saison sur nos fonds propres donc. Nous utiliserons tout ce que nous avions pu mettre de côté ces dernières années.
C’est en effet une succession un peu rapide entre la pandémie, le troisième référendum et maintenant la crise du 13 mai. À chaque fois, nous sommes impactés. Avant Covid, nous avions un taux annuel de remplissage de 83 %, ce qui est assez exceptionnel, sauf que ce chiffre est passé ensuite à 62 % après le troisième référendum, contexte qui a fait quitter le pays de nombreuses personnes. Or notre public est plutôt européen ou calédonien avec des attaches en Europe. Ces départs massifs, entre 10 000 et 20 000 personnes, nous ont donc directement touchés. C’est pourquoi, nous tablons sur un taux de remplissage d’environ 58 % d’ici l’an prochain.
D’autant qu’aujourd’hui, des gens qui fréquentaient le théâtre n’auront peut-être plus les moyens de dépenser 4 000 francs dans un billet de spectacle.
L’avenir est gris foncé. Ce sera plutôt chouette les deux à trois premiers mois de la saison si nous mettons tout notre argent dedans pour démarrer. Le problème, c'est après. Si ensuite les subventions n’arrivent pas, au moins pour équilibrer le budget, les prévisions sont alarmantes.
Sans subventions, à la fin de septembre 2025, le Théâtre de l’île disparaîtra. Et avec des subventions en deçà, nous espérons tenir l’année mais nous n’aurons plus aucune trésorerie pour démarrer 2026. Ce ne sera donc pas possible de nous relancer car les subventions arriveront plus tard dans l’année.
L’un des liens sociaux le plus important dans une vie, c’est le lien culturel. On est fait de culture : on écoute de la musique, on va au cinéma, on lit des livres, etc. On a été créé autour de ça et c’est tellement présent qu’on l’oublie. C’est donc important de maintenir des lieux, comme les théâtres, qui sont des miroirs d’une société qu’elle soit agréable ou non, contemporaine ou ancienne.
Depuis le début de ces événements de mai, les artistes locaux se posent la question de faire un spectacle sur ce qu’il s’est passé, non pas pour le dénoncer, mais pour l’expliquer, pour essayer de comprendre, pour porter un autre regard et surtout dédramatiser, bien que ce qu’il s’est passé reste dramatique. Le regard d’un artiste, c’est aussi de mettre ça en perspective et de pouvoir en parler. C’est hyper important. Des gens le font déjà très bien comme Pierre Gope au sujet de la vision sociale de la culture kanak et de sa communauté.
Il est sûr que si des structures culturelles comme la nôtre disparaissent, il n’y aura plus beaucoup de travail et d’argent pour les compagnies. Un truc génial et presque scandaleux, c’est que les artistes sont malléables, c’est-à-dire qu’ils ont la capacité de créer un beau spectacle dans une salle et le même dans une cour d’école. Et souvent, le politique voit cette vision-là, qui n’est pas une vision artistique.
L’artiste, en dehors de l’art de rue, est fait pour créer dans une salle un spectacle complet. Être tout terrain, c’est très bien, notamment parce que nous sommes un pays particulier où il n’y a pas de structures culturelles partout. C’est bien d’aller dans une tribu, dans un village, dans un établissement, mais demander aux artistes de penser d’abord à ça avant de faire une vraie création, ce n’est pas convenable.
Le gros monstre qui aimait trop lire, de La Compagnie L'Eau Salée sera au Théâtre de l'île samedi 14 et dimanche 15 septembre à 16 heures. La billetterie est ouverte du lundi au vendredi dans les bureaux du Théâtre de l'Île de 9 heures à 16 heures, et par téléphone au 71 33 26. Tarif : de 1 500 F à 2 000 F.