- Interview. Aurélie Cauchard, doctorante à Manchester, étudie le caac| Crée le 08.05.2013 à 03h00 | Mis à jour le 24.07.2016 à 03h42ImprimerAurélie Cauchard (à droite) a fait trois séjours en Calédonie pour sa thèse sur l'expression de l'espace dans la langue caac.Dans le cadre de son doctorat sur les langues en danger, la linguiste Aurélie Cauchard s'est intéressée au caac, une langue vernaculaire de Pouébo. Elle vient de terminer son troisième séjour dans cette commune du Nord pour collecter des données.
Les Nouvelles calédoniennes :Mardi, vous avez présenté en mairie le fruit de votre collecte de données. Pourquoi ?
Aurélie Cauchard : Ce que j'ai présenté n'est qu'un bilan d'étape car il reste encore une 4e année au doctorat que je fais à l'université de Manchester et à l'Inalco de Paris. Malheureusement, ma bourse [du ELDP à Londres et du Lacito à Paris] est terminée donc je ne pourrai pas revenir faire un quatrième séjour en Calédonie. C'est pourquoi j'ai voulu rappeler le but de ma recherche [la façon dont on exprime les notions d'espace dans le caac] et rassurer sur les droits d'accès à mes données [enregistrements, etc.]. Je ne suis pas venue « prendre » la langue.
A quel point le caac est-il menacé ?
On ne compte, environ, qu'un millier de locuteurs. Cependant, à l'époque de l'arrivée des Français, les chefferies étaient petites, alors il est possible qu'en fait, ce nombre ait été maintenu jusqu'à aujourd'hui. Il n'en demeure pas moins que la colonisation et les changements dans le mode de vie font en sorte qu'aujourd'hui, cette langue est fragilisée. Et les gens ont peur de la parler car ils disent qu'ils ne parviennent pas à parler le soi-disant vrai caac, celui de leurs vieux. Nous sommes dans une société gérontocratique où le respect des anciens est très fort. Les locuteurs déplorent aussi que plein de mots, français notamment, aient été importés dans la langue. Or, toute langue change ; elle s'enrichit dans le vocabulaire et dans la grammaire. Dans les vieux contes en langue caac, il n'y avait pas de masculin ou de féminin. Or aujourd'hui, la langue a intégré en partie cette distinction. Le changement dans une langue n'est pas signe de déclin. Au contraire : une langue figée est une langue morte.
Le caac est donc une langue vivante et riche ?
Oui, toute langue est riche car elle met des siècles à se développer. Elle porte sa propre histoire et reflète une organisation sociale et un environnement. En caac, il y a une spécialisation de certains verbes, comme manger ou aller. Pour aller, il y a quatre verbes, qu'il s'agisse d'aller vers moi, s'éloigner de moi, en montant ou en descendant. C'est une innovation d'avoir plusieurs mots pour un seul concept et d'inclure dans les mots des repères géographiques ou topographiques. Les locuteurs ne se rendent pas compte de cette richesse.
Quelles sont les solutions pour sauvegarder le caac ?
Le français a été survalorisé, mais je ne dis pas qu'il faut un retour du balancier. Il faut que les jeunes puissent apprendre le caac. Je ne crois pas que cela doive seulement passer par les institutions, comme l'ALK, par exemple : cela doit d'abord passer par les parents, la famille, le collectif. Mais si les gens n'ont pas confiance en leur langue, ils ne la transmettront pas. Et si on saute une génération, la langue est perdue. Une langue qui disparaît ne peut pas renaître. Ce que je voudrais laisser, c'est une confiance des locuteurs en leurs propres compétences linguistiques.
Qu'aurez-vous appris pendant vos huit mois en Calédonie ?
Déjà, je parviens à me débrouiller en caac. J'ai fait des efforts pour parler la langue, je me suis mise en position d'humilité. Je faisais plein de fautes et on me corrigeait, ce qui valorisait le locuteur dans ses compétences linguistiques. J'ai beaucoup apprécié ma rencontre avec les gens, la chefferie Mwebelet et les familles qui m'ont accueillie. J'ai beaucoup appris sur les liens que les Kanak entretiennent entre eux, leur rapport à la coutume, au deuil. En ce sens, la langue est un véritable véhicule de ce pacte social.
Des cours à l'alphabetPour sauvegarder les langues menacées, l'Académie des langues kanak mène plusieurs projets de front dans l'aire linguistique Hoot Ma Whaap qui, à elle seule, réunit dix-sept des langues vernaculaires du pays (onze langues et les six dialectes de Voh). A Pouébo, elle s'est intéressée au nyelâyu et l'académicienne Scholastique Boiguivie a fait paraître un dictionnaire dans cette langue. Dans la foulée, deux comités ont été créés, l'un pour le caac et l'autre pour le jawe, qui ne compte pas plus de 1 000 locuteurs. « Nous travaillons sur le langage écrit, confie Tsirione Rachel, du comité caac. Nous avons établi un alphabet et nous développons des graphèmes à partir des sons. Le but est de parvenir à faire un lexique. » Le comité caac mène également des interventions auprès des élèves du dispositif Rapi (Relais d'animation périscolaire et de l'information). L'an dernier, cela consistait en une heure de caac chaque mercredi après-midi. De telles interventions doivent être mises en place cette année.
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