fbpx
    Nouvelle Calédonie
  • Par Anthony Tejero / anthony.tejero@lnc.nc | Crée le 05.02.2020 à 06h35 | Mis à jour le 05.02.2020 à 06h36
    Imprimer
    Les cabines font partie des symboles des bords de route du pays. Lorsqu’elles sont démantelées, une partie d’entre elles reste conservée au centre de maintenance clients de l’OPT afin de disposer de suffisamment de pièces pour réparer les publiphones encore actifs. Photos Anthony Tejero et Cyril Terrien
    Alors qu’elles faisaient partie du paysage, les cabines téléphoniques deviennent de plus en plus rares. Si le Caillou en comptait encore 1 277 en 2015, le parc, devenu obsolète, s’est réduit comme peau de chagrin en seulement quelques années, avec à peine une cinquantaine de publiphones encore actifs du Nord au Sud. La fin d’une époque.

    L’avènement des téléphones portables, des smartphones et autres tablettes a définitivement eu raison des cabines téléphoniques dans le pays. A l’heure où toute la planète est à portée de main ou de clic, les publiphones, qui ont connu leur âge d’or dans les années 1990, ne seront bientôt plus qu’un lointain souvenir. Car depuis cinq ans, l’OPT s’est lancé dans un vaste programme « d’optimisation », comprenez de démantèlement, de ce parc tombé en désuétude.

    « Avec l’évolution progressive de la couverture du réseau mobile dans le pays, les gens se sont désintéressés de ces outils de communication dont l’usage est devenu obsolète, confirme Hervé Girault, le responsable du centre de production et maintenance client de l’OPT. Par endroits, certains publiphones n’enregistraient plus aucun appel à l’année. »

    Hervé Girault est en charge du suivi des cabines pour l’OPT.

     

    C’est pourquoi le nombre de cabines téléphoniques maintenues en activité a littéralement dégringolé. Alors qu’elles étaient encore 1 277 à travers tout le pays, en 2015, il n’en reste désormais plus que 56, soit 37 en province Sud, 18 dans le Nord et une seule sur les Loyauté, à Lifou.

    Ces appareils étaient régulièrement dégradés. 

    Un démantèlement qui n’est cependant pas fait à l’aveugle et qui obéit à un certain nombre de critères. « On a décidé d’enlever en priorité les cabines qui n’étaient plus du tout utilisées ainsi que celles qui sont situées dans une zone où la couverture du réseau mobile est correcte. On tient également compte de l’isolement et on est en contact avec les mairies pour connaître l’impact de ces désinstallations, détaille l’agent de l’OPT. On voit que dans certains endroits, les publiphones sont encore utilisés. C’est particulièrement le cas dans les îlots habités du nord de Poum, comme Taanlo ou Yandé, où il n’y a pas de réseau et où ces cabines font encore office de téléphone pour tout le monde. »

    Une sacrée économie 

    C’est pourquoi l’OPT n’a plus d’objectif chiffré d’enlèvement pour l’année en cours. Même si le parc est est de toute façon voué à disparaître. « Le fournisseur métropolitain qui nous livrait les appareils n’existe plus. On conserve donc précieusement plusieurs publiphones démantelés afin de disposer des pièces nécessaires pour réparer ceux qui tomberaient en panne. Et le reste est envoyé au recyclage, poursuit Hervé Girault, dont le travail a radicalement changé en quelques années. Auparavant, nous avions environ 200 interventions par mois rien que dans la zone que je couvre, de Tontouta à l’île des Pins. Aujourd’hui, on n’en compte plus qu’une ou deux. Par conséquent, les agents qui intervenaient sur les publiphones ont été formés au déploiement de la fibre optique. »

    Comme son nom l’indique, ce programme d’optimisation permet surtout à l’OPT de réaliser de sacrées économies, estimées à près de 250 millions de francs sur ces trois dernières années. « Ce parc coûtait un bras. Un terminal valait 200 000 francs à l’achat. Sans oublier que ces appareils étaient régulièrement dégradés, juge bon de rappeler l’agent de l’OPT. A l’époque où les publiphones étaient encore en plexiglas, ça brûlait très bien… Nous devions déposer plusieurs plaintes par semaine pour terminal incendié. »

    Il n’empêche que 3 590 appels ont été émis entre juillet et décembre 2019, depuis les quelques cabines encore disséminées sur le Caillou. Autant de vestiges d’une autre époque, qui peuvent encore s’avérer bien utiles dans les coins les plus reculés, comme dans le Grand Sud. Notamment en cas d’urgence, puisque ces appels restent gratuits depuis n’importe quel terminal.


    « Je suis l’une des dernières utilisatrices de cabines »

    Aurélie Watton, 56 ans, est l’une des seules habitantes de N’Dé à se servir de la dernière cabine de la tribu qui n’a pas encore été démantelée par l’OPT.

     

    Le long de la route du bord de mer, dans la tribu de N’Dé, à Païta, difficile de repérer la dernière des trois cabines téléphoniques encore en service. Il suffit de demander aux habitants pour comprendre qu’ils ne l’utilisent plus depuis bien longtemps. Pas certains de son emplacement ou de son état de marche, ces riverains ont bel et bien tourné la page du publiphone. Mais il y en a une qui est intarissable sur le sujet : Aurélie Watton, 56 ans, qui n’a pas le téléphone. Et cela tombe bien, la cabine se situe à deux pas de chez elle.

    Je pensais que toutes les cabines avaient été mises hors service et que ça n’existait plus. 

    « Je n’ai jamais eu de mobilis de ma vie. Je préfère aller à la cabine avec ma carte. Mais c’est vrai que je suis l’une des dernières utilisatrices. Sinon, c’est vraiment rare de voir quelqu’un l’utiliser, glisse dans un sourire cette habitante. Je m’en sers de temps en temps pour appeler la famille, ma belle-soeur, etc. Quand la conversation est trop longue pour emprunter le téléphone des autres ! C’est utile pour les urgences. Et l’autre avantage, c’est que la communication est bonne, car ici le réseau ne marche pas toujours et pas partout. Je trouve ça bête de démonter les cabines. »

    « Il faut vivre avec son temps »

    Changement de décor. Direction la plage de Carcassonne, au Mont-Dore, commune qui fait encore un peu de résistance en concentrant à elle seule huit cabines. Et sans surprise, elles ne sont clairement pas prises d’assaut. Comme en témoignent les habitants de Plum. « Je crois que je n’ai jamais vu la cabine de la plage utilisée par quelqu’un. Je ne me sers plus de ça désormais, mais dans le passé, ça m’est arrivé plusieurs fois, raconte Nika. Je trouve ça dommage d’enlever toutes les cabines. Par principe. C’est pratique pour ceux qui n’ont pas de téléphone. Je trouve que tout démanteler c’est pousser à la consommation envers ceux qui ne veulent pas de téléphone. »

    Un avis que Zaza, 15 ans, est loin de partager : « C’est l’ancien temps ces cabines ! Il faut changer de sujet et vivre avec son temps. On n’a jamais vu quelqu’un utiliser cette cabine. Je ne pense pas qu’elle serve encore à quelque chose. »

    Plus loin, l’une des animatrices du centre des Piroguiers n’imaginait même pas que des publiphones étaient encore actifs sur le Caillou. « Je pensais que toutes les cabines avaient été mises hors service et que ça n’existait plus. Quand j’étais petite, on voyait encore des gens qui s’en servaient pour passer leurs appels. Avec mon métier, je suis toujours dans le coin, et depuis pas mal de temps, c’est terminé, plus personne n’utilise ces cabines. »


    71 heures 

    C’est la durée totale des appels émis depuis les cabines entre juillet et décembre 2019, soit 3 590 appels. En réception, le nombre d’appels est de 936, soit 30 heures de communication.


    Nouméa

    Il reste encore une quinzaine de cabines téléphoniques dans la capitale, ce qui en fait la commune la mieux dotée du pays.


    Cabine itinérante

    L’OPT conserve une cabine itinérante qui est installée lors de grands événements comme la fête du Bœuf de Païta.


    « C’est l’ancien temps ces cabines ! »

    Zaza, 15 ans, du Mont-Dore.


     

    Repères

    Un peu d’histoire

    Les premières cabines téléphoniques publiques sont apparues dès l’arrivée du téléphone en Nouvelle-Calédonie. A l’époque, tout le monde ne peut pas se payer un abonnement, c’est pourquoi ces « publiphones » sont d’abord installés dans les bureaux de poste. Sur place, les clients doivent alors demander la ligne à une opératrice.

    Dans les années 1920, ces publiphones deviennent automatiques et fonctionnent avec des jetons qui seront remplacés par des pièces de monnaie (de 20 francs) au milieu des années 1970. Dès lors, la modernisation des appareils s’accélère. Si le premier de ces appareils est installé à la poste de Boulari, on ne tarde pas ensuite à en trouver un peu partout sur le Caillou, aussi bien dans les quartiers que dans les tribus.

    À la fin des années 1990, l’OPT généralise l’usage des cabines téléphoniques à carte que l’on trouve encore aujourd’hui.

    La carte Izy

    Les cabines téléphoniques fonctionnent avec des cartes dénommées Izy. Elles sont disponibles dans les points de vente habituels : agences OPT, bureaux de tabac, etc.

    Avant de passer un coup de fil, il faut composer les nombreux chiffres du code de la carte, avant de taper le numéro de son interlocuteur. Ce qui n’est pas si « easy » (facile en français)…

    MERCI DE VOUS IDENTIFIER
    X

    Vous devez avoir un compte en ligne sur le site des Nouvelles Calédoniennes pour pouvoir acheter du contenu. Veuillez vous connecter.

    J'AI DÉJA UN COMPTE
    Saisissez votre nom d'utilisateur pour LNC.nc | Les Nouvelles Calédoniennes
    Saisissez le mot de passe correspondant à votre nom d'utilisateur.
    JE N'AI PAS DE COMPTE

    Vous avez besoin d'aide ? Vous souhaitez vous abonner, mais vous n'avez pas de carte bancaire ?
    Prenez contact directement avec le service abonnement au (+687) 27 09 65 ou en envoyant un e-mail au service abonnement.
  • DANS LA MÊME RUBRIQUE
  • VOS RÉACTIONS