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    Nouvelle Calédonie
  • Yann Mainguet | Crée le 20.02.2013 à 03h00 | Mis à jour le 24.07.2016 à 03h04
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    A la fois homme d'affaires ayant du flair, entrepreneur au dynamisme fou, bête noire de Jacques Lafleur, et businessman borderline, Bill Ravel est bien connu des Calédoniens. Archives LNC
    Emmêlé aujourd'hui dans des ennuis judiciaires à Tahiti, Bill Ravel, le « milliardaire du Pacifique », a marqué l'économie du pays.Que reste-t-il de ses années calédoniennes ? Qui est vraiment cet homme d'affaires à la réputation sulfureuse ?

    Sa vie est un roman d’aventures ponctué d’heures de gloire et de coups échangés. Un manuscrit de 500 pages a même été produit, dont une belle part est réservée à son parcours hors normes. Mais un chapitre noir s’ouvre aujourd’hui, à Tahiti : l’étonnant et mystérieux Bill Ravel, 73 ans, appelé « le milliardaire du Pacifique », a de nouveau été mis en examen, en fin de semaine dernière, pour « trafic d’influence », après l’avoir été pour « corruption active et trafic d’influence actif » au début du mois de novembre dernier. Son nom résonne en Nouvelle-Calédonie. Pendant près de trente ans, l’homme d’affaires a marqué la vie économique du territoire, parfois avec une pointe de soufre.

     

    Tir. « Il est parti de rien, observe d’entrée un chef d’entreprise local. Enfant de Saint-Etienne, en Métropole, bercé par l’exploitation des mines de charbon, Maurice-Gaspard Ravel débarque sur le Caillou en 1959 pour son service militaire. Ses prouesses au tir lui valent le surnom de « Billy the Kid », réduit très vite à « Bill », pseudo adopté pour toujours. Et l’œil du businessman est déjà bien vif, dans la tenue kaki. « Il avait assuré à ses collègues qu’il pouvait laver leur linge plus rapidement que la blanchisserie de l’armée, indique un élu qui l’a bien connu. Il faisait en fait appel à l’extérieur, et se prenait une com’ (commission) dessus ». Les premiers sous arrivent. Une fois libéré, à Nouméa, Ravel est tour à tour garagiste période durant laquelle on le dit en cheville avec les chauffeurs de taxi pour le repérage des voitures en panne , puis hôtelier et restaurateur.

    CAP. Le grand bond est accompli en 1968, à vingt-huit ans : la Sofrana, la Société française de navigation, est créée avec Jean-Pierre Varnier et le capitaine au long cours Alain Munch. Le trio dynamise l’entreprise, ses bateaux sillonnent la région, le chiffre d’affaires annuel atteint plusieurs milliards de francs. « Dans son bureau, se souvient un patron, un tableau était accroché : son CAP de plombier ».

    Bill Ravel a de l’appétit, et son groupe a intégré des participations dans les années 1970-1980, en Calédonie : une agence d'assurances, des intérêts dans le tourisme, comme à l’îlot Maître... Le journaliste de Polynésie, Alex du Prel, lui attribue même des promotions immobilières à Tahiti ou dans le midi de la France. Le ciel est aussi touché. Le costume de P-DG de la compagnie aérienne Air Calédonie International, est confié, en 1983, au Calédonien d’adoption touche-à-tout.

     

    Borderline. Qui est Bill ? « C’est un type qui a 100 idées par jour. Dans le lot, il y en a 99 à jeter, et une géniale », résume un intervenant dans le milieu économique, qui admet avoir vu « quelqu’un de toujours “borderline” ». En clair, un habile à la réputation sulfureuse. En 1992, Maurice-Gaspard, dit Bill, Ravel, quitte la Sofrana, et se plonge dans ses affaires polynésiennes. A entendre les uns et les autres, ce marié à une Palestinienne, Randa Al Hamawi, pour qui il se convertit à l’Islam, n’a plus d’intérêts en Calédonie, mais conserve des amitiés, comme avec Louis Kotra Uregei, le politique et syndicaliste. L’histoire dit que ces deux forts caractères se seraient rencontrés il y a bien longtemps. La mère de LKU et de Hnalaïne, alors enfants, travaillait à l’hôtel Lutetia, à Nouméa, où la patronne connaissait très bien Bill. Le futur entrepreneur et les jeunes Uregei se sont croisés une fois, puis deux, et ont sympathisé. Des liens se sont tissés. Jacques Lafleur lui a reproché cette proximité du fougueux Stéphanois avec les indépendantistes. « Les forces de Bill Ravel, admet un chef d’entreprise, ce sont l’incroyable culot et la facilité à rebondir  ».

    Drôles de comptes autour du Président-Yeiwéné

    Michel Rocard, alors Premier ministre, en avait fait la promesse à Yeiwéné Yeiwéné : l'Etat aiderait la province des Iles à acquérir un ferry, un outil incontournable de désenclavement. Les indépendantistes se sont mis en quête d'un référent-conseil, et Bill Ravel est apparu, l'homme d'affaires ayant baigné dans le domaine maritime. Puis le regard s'est porté vers les antipodes : propriété d'un armateur grec, le transbordeur Panagia Faneromeni, était retenu. Problème, « on n'arrêtait pas les frais, se souvient un élu de l'époque. À chaque assemblée de province, il fallait inscrire une nouvelle somme pour le bateau ! » Après de nombreux travaux et transformations dans un chantier naval de Grèce, le ferry fret-passagers, rebaptisé Président-Yeiwéné, arrive en Nouvelle-Calédonie en janvier 1994.

    Et la polémique ne tarde pas à exploser. Des professionnels nouméens voient, à travers cette incursion, une concurrence pour la ligne de transport de marchandises.

    Un terrible affrontement éclate entre Bill Ravel et le député RPR Jacques Lafleur, procès pour diffamation à l'appui. Et la polémique sur l'état du navire et son montant global, ne se dégonfle pas : acheté à l'origine 400 millions de francs, le Président-Yeiwéné a coûté au final 1,2 milliard.

    « Où sont passés les 800 millions ? » s'est exclamé Simon Loueckhote, président du Congrès à cette période. Des cartons de factures, rédigées en grec, n'auraient pas rendu leur interprétation aisée.

    Suite à une campagne électorale de 1995 virulente, le ferry était finalement vendu, en mai 1997, à un armement ukrainien pour seulement 60 millions. La Cour des comptes qualifiera l'opération de « fiasco ». Dans cette histoire, il n'y a jamais eu de procès sur le fond, ni de mise en examen.

    Le chiffre

    15

     

    « Bill Ravel a une force de persuasion absolument

    invraisemblable, reconnaît

    un patron calédonien. Passé quinze minutes d’entretien avec lui, vous êtes cuit.

    J’en ai été la victime... »

    Repères
     
    Ravel encore dans l’annuaire

    Le nom Ravel vogue toujours en Nouvelle-Calédonie. La nièce de Bill pilote l’agence maritime Transam, à Nouméa, et son neveu est actionnaire et directeur du groupe, PDL (Pacific Direct Line), basé à Auckland. Mais, aujourd’hui, aucun lien ne semble exister entre ces actifs et l’oncle Bill.

     
    L’épilogue

    Dans une lettre publiée en exclusivité dans Les Nouvelles de Tahiti, Bill Ravel s’exprime, début janvier, avec force, sur sa récente mise en examen et détention provisoire, le 2 novembre dernier, dans l’affaire des pots de vin au syndicaliste Cyril Le Gayic.

    « Au risque de les décevoir, je n’ai jamais commis

    d’irrégularité, je me suis toujours conduit honnêtement en étant fier de ma vie qui est maintenant à son crépuscule, car j’aurais bientôt 73 ans ».

    D’ailleurs, « je vais vite plier mes petites affaires et laisser à d’autres le soin de s’occuper du développement de la Polynésie et de donner du travail aux entreprises du bâtiment ».

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