fbpx
    Nouvelle Calédonie
  • Le fait du jour
    | Crée le 09.06.2012 à 03h00 | Mis à jour le 24.07.2016 à 00h51
    Imprimer
    Equipés de micros et de téléphones avec appareil photo, les testeurs ont défilé sous l'objectif d'une caméra cachée.
    C'est une première en Calédonie. Les cogérants d'une discothèque de Nouméa ont été cités, hier, devant le tribunal pour discrimination. Ces faits ont été filmés en caméra cachée par la Ligue des droits de l'homme, lors de deux soirées « testing ».

    Ce sujet de société était cantonné jusque-là aux discussions entre potes, voire aux forums sur Internet. Même la manifestation organisée par le rappeur Kydam, le 19 mai au Rocher à la Voile, n’avait pas mobilisé les foules.
    Depuis hier, pourtant, la discrimination à l’entrée des discothèques se retrouve subitement sous les feux des projecteurs. Les responsables du Krystal, une boîte de nuit de la baie des Citrons, ont été cités dans la matinée devant le tribunal correctionnel.

    Jurisprudence. C’est la Ligue des droits de l’homme qui est à l’origine de cette opération coup de poing. Les vendredis 13 et 20 avril, l’association a procédé à deux soirées « testing » à l’entrée du Krystal. « Nous sommes là dans le cadre de la création d’une jurisprudence. L’objectif est de constater une
    infraction », explique
    Me Jean-Jacques Deswarte, l’avocat de la LDH.
    Durant ces deux soirées, neuf « testeurs » kanak, hommes et femmes, se sont présentés successivement à l’entrée du Krystal, équipés de micros et de SmartPhone, le tout filmé par une caméra cachée. A chaque passage, les testeurs étaient suivis de « contre-testeurs » de couleur blanche, « afin de prouver qu’il y a eu discrimination », souligne Lia de Guiran, pilote de cette opération.
    Les chaussures fermées, la tenue correcte respectée, l’absence de consommation d’alcool prouvée par les éthylotests réalisés par le médecin de l’équipe, n’y ont rien fait. Les neuf testeurs se sont fait refouler par les videurs du Krystal, sans la moindre explication.
    « Ils nous ont dit : « y’a plus de place  ! ». Mais nous, on ne comprenait pas pourquoi tous les videurs continuaient à laisser rentrer les gens derrière nous », raconte Kevin.

    « Les videurs nous ont dit que la robe popinée était interdite par le règlement, que ce n’était pas une tenue appropriée. »

    VIP. Autre test, autre refus, qui reste encore en travers de la gorge d’Alfred. « Ils nous ont demandés où l’on allait. J’ai dit  : « dedans ! ». Ils nous ont rétorqué que c’était une soirée privée ». Cet argument, Pothin, comptable dans la vie et testeur lors de ces deux soirées, l’a déjà entendu. Et dans d’autres boîtes. « C’est simple : quand je sors avec mes collègues de travail, j’entre sans problème. Mais quand c’est avec mes cousins, on me dit « soirée privée » et on me demande si j’ai une carte VIP. »
    L’épisode le plus marquant de ces deux testings reste le passage en robes popinée. Un pari risqué, mais qui a permis à la LDH de mettre en lumière un cas évident de discrimination.
    « Les videurs nous ont dit que la robe popinée était interdite par le règlement, que ce n’était pas une tenue appropriée », témoigne Jeannette, qui était accompagnée de deux autres testeuses habillées comme elle. Quelques minutes plus tard, trois contre-testeuses de couleur blanche, elles, rentrent sans la moindre difficulté… malgré leurs robes popinée. « C’est tellement édifiant ! lâche Géraldine, l’une des contre-testeuses. En Calédonie, on fait semblant que tout va bien et là, on pointe une discrimination qui est quand même énorme pour la jeunesse kanak. »
    Absents du tribunal hier, les gérants de la discothèque n’ont pas souhaité réagir.
    Ils seront entendus le 12 octobre lors d’une audience de fond, qui s’annonce déjà longue. Dix plaignants et treize témoins seront appelés à la barre.

    Voir le reportage de Sylvain Duchampt, de Christian Favennec et de Claude Lindor pour Nouvelle-Calédonie 1ere.

    Testing boites de nuit à Nouméa by NC1ere

    Questions à... Lia de Guiran, pilote de la commission racisme à la LDH

    « Ce qu’on a vu est assez accablant »

    Les Nouvelles calédoniennes : Cette démarche est une première dans le pays. A-t-elle été difficile à mettre sur pied ?
    Lia de Guiran : Nous avons commencé à y travailler en septembre. Nous avons d’abord vérifié avec notre avocat, Me Deswarte, que la jurisprudence s'appliquait localement. Ensuite, il a fallu trouver des testeurs et les convaincre d’y participer. Nous avons réuni une équipe de jeunes qui en avaient ras-le-bol de se faire refouler à l’entrée des boîtes de nuit. L'un d’eux avait directement pris contact avec nous. Plutôt que de porter plainte, nous lui avons dit qu'il y avait peut-être une autre manière de s'y prendre.

    Pourquoi avoir ciblé une discothèque en particulier ?
    C'est symbolique. Nous ne cherchons pas à dire qu'il n'y a que cette boîte
    de nuit qui pratique la discrimination, ni à savoir quelle est celle qui en fait le plus ou qui en fait le moins. Nous avons choisi celle-ci parce que nous avions reçu de nombreux témoignages. Mais ce n’est pas la seule. Nous souhaitons juste rappeler qu’interdire l'accès en rapport à son origine ethnique, ce n’est tout simplement pas possible. Or, ce qu'on a vu pendant ces deux soirées est assez accablant !

    La Ligue envisage-t-elle de s’attaquer ensuite à d’autres types de discrimination, comme pour l’emploi ou le logement ?
    Nous allons d’abord laisser la justice faire son travail. Nous avons commencé par la discrimination à l’entrée des discothèques parce qu’elle nous semblait la plus facile à montrer. Prouver la discrimination au logement ou à l’emploi est beaucoup plus difficile.

    Le chiffre

    5

    Selon l’article 225-1 du Code pénal, le refus discriminatoire dans un lieu accueillant du public est passible d’une peine maximum de cinq ans de prison, 75 000 euros (8,9 millions de francs) d’amende, de la publication de la condamnation et de la fermeture de l’établissement.

    Repères

    Un délit punissable depuis quarante ans
    Le fait de pouvoir punir le racisme ethnique ou religieux n’est pas nouveau. La loi date du 1er juillet 1972. Sont venus ensuite s’ajouter des critères de sexe, de situation familiale, de mœurs, de handicap, de caractéristiques génétiques, d’orientation sexuelle, d’âge, d’opinions politique ou d’activités syndicales. Tous ces critères sont repris par l’article 225-1 du Code pénal, modifié par la loi n°2006-340 du 23 mars 2006.
     

    Le testing version SOS Racisme
    En Métropole, le recours au « testing » existe depuis plusieurs années. Après avoir organisé des essais ponctuels, SOS Racisme a lancé en 2008 la première « Nuit du testing » nationale à l’entrée des boîtes et bars, relayée dans une vingtaine de villes. En mai de cette année, c’est carrément une « Grande Nuit européenne du testing » qui a été organisée dans six capitales. Des plaintes ont été déposées à Paris et à Nice.

    Les professionnels réagissent
    Cette première opération testing n’a pas laissé insensible le syndicat des restaurateurs, des bars et des discothèques. « Je ne dis pas qu’il n’y a pas d’abus, indique son président, Jean-Pierre Cuenet. Mais le racisme, il est présent entre toutes les couleurs. C’est un problème de fond de société, alors que ce testing le fait porter uniquement sur cette boîte de nuit. »
     

    MERCI DE VOUS IDENTIFIER
    X

    Vous devez avoir un compte en ligne sur le site des Nouvelles Calédoniennes pour pouvoir acheter du contenu. Veuillez vous connecter.

    J'AI DÉJA UN COMPTE
    Saisissez votre nom d'utilisateur pour LNC.nc | Les Nouvelles Calédoniennes
    Saisissez le mot de passe correspondant à votre nom d'utilisateur.
    JE N'AI PAS DE COMPTE

    Vous avez besoin d'aide ? Vous souhaitez vous abonner, mais vous n'avez pas de carte bancaire ?
    Prenez contact directement avec le service abonnement au (+687) 27 09 65 ou en envoyant un e-mail au service abonnement.
  • DANS LA MÊME RUBRIQUE
  • VOS RÉACTIONS