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    Nouvelle Calédonie
  • Le fait du jour
    Yann Mainguet et Catherine Léhé | Crée le 03.12.2011 à 03h00 | Mis à jour le 23.07.2016 à 23h36
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    Deuxième syndicat du pays, l'USTKE fête ses trente ans d'existence à partir de ce week-end. Retour sur une histoire parfois houleuse. Photo : Archives LNC
    Adulée par certains, crainte ou détestée par d'autres, l'Union syndicale des travailleurs kanak et des exploités occupe une place à part dans la corporation en Nouvelle-Calédonie. En trente ans, la formation de Louis Kotra Uregei a connu plusieurs vies.

    USTKE. Prononcez ce sigle aux quatre coins du pays et, dans l’instant, tous les habitants seront submergés par une flopée d’images. L’Union syndicale des travailleurs kanak et des exploités ne laisse pas indifférent. Voilà trente ans que ce sentiment perdure. Après un démarrage en musique ce week-end avec le Festival Mégamiouz, militants, dirigeants et invités souffleront les bougies, lundi, à coups de discours poignants. La structure, durant ces trois décennies, s’est bâtie dans la salive, le sang, les larmes, l’adrénaline et autour d’un paradoxe : fortement exposée de par ses coups d’éclat, l’USTKE est en fait assez secrète dans son fonctionnement.
    Mais sa ligne, elle, est claire. Né fin 1981 d’une rupture avec la Fédération des fonctionnaires, le syndicat a pris place « parce qu’à l’époque, l’absence de Kanak aux postes de responsabilités économiques et politiques était flagrante », expliquait il y a dix ans le fondateur, Louis Kotra Uregeï, leader omniprésent et entrepreneur. Si le champ s’est ouvert aux autres « ethnies », la revendication n’a pas bougé. Le marquage politique fort, souligné dès le début, « n’est pas retrouvé ailleurs » dans la corporation, selon un observateur.  

    Cassure. Formation atypique, l’USTKE repose son action sur trois notions, liées entre elles : indépendance, Kanak et socialisme, voire des valeurs d’extrême-gauche retrouvées dans les statuts. Avec l’arrivée de Gérard Jodar à la présidence, le mouvement va se radicaliser. Une stratégie d’« agitateur » est déployée au fil du temps. Certes, l’Union syndicale a été un élément moteur du dossier sur l’emploi local. Toutefois, seuls des cas individuels sont utilisés dans les conflits, pour servir un plan de mobilisation-confrontation vis-à-vis de l’Etat. Et ce, dans la perspective de l’accès à la pleine souveraineté du pays. L’affrontement devient même une forme d’action inscrite dans une nouvelle dynamique politique. Quitte à aller en prison. « Jodar est devenu plus Kanak que moi ! », lance Claude Wema, ex-agent de l’UTA à l’origine du syndicat. Mais « Gégé » « n’a pas voulu écouter les conseils ».
    Si l’affaire Aircal a fait déborder le vase, deux théâtres de heurts violents avec tirs sur les gendarmes, à Koné et à Saint-Louis, ont définitivement marqué la cassure avec Louis Kotra Uregei.

    Force. Au-delà de la condamnation du dérapage, la résonance de ces pratiques brutales a gêné le patron du Parti travailliste. Car la benjamine des organisations politiques devait asseoir son discours, et se glisser sur l’échiquier avec la crédibilité de ses pairs. « Quand on est à l’USTKE, on n’est pas que syndicaliste, on a aussi une démarche politique », ont l’habitude de dire les analystes. Le virage de « l’après-Jodar » est saisissant. Georges Mandaoué, un ancien vaillant militant de la maison, entre au gouvernement, l’USTKE se voit moins, s’entend moins... « Nous ne sommes pas là pour alimenter les statistiques de la bâche bleue », argue Marie-Pierre Goyetche, successeure au sommet de la confédération, beaucoup moins incontrôlable que le bouillonnant chef des années 2000.
    Le principe de la négociation succède au leitmotiv du coup de force. Mais un reproche est récurrent : le cumul des casquettes « syndicalisme », « business » et « politique » froisse tant dans le monde syndical que sur la place publique. Homme incarnant l’USTKE - une force, mais aussi une faiblesse pour la relève -, Louis Kotra Uregei poursuit sa route. Et vise toujours, coûte que coûte, le cap de l’indépendance.

    Ce qu’ils en disent

    Didier Guénant-Jeanson, Usoenc
    « Bon anniversaire ! Je souhaiterais que l’USTKE soit présente à nos côtés dans le combat contre la vie chère. »

    José Bové, mouvement altermondialiste et anti-OGM
    « Votre combat est notre combat. Nous serons présents chaque fois que vous aurez besoin de nous. »

    Jean-Yves Bouvier, ex-président Medef
    « J’ai connu une période particulièrement difficile : les entreprises étaient prises en otage par l’USTKE, un syndicat de combat. Les règles du jeu étaient faussées. Je constate aujourd’hui que la relation sociale semble plus apaisée, que les équilibres semblent rechercher. »

    Gérard Jodar, CNTP
    « Je n’ai plus rien à voir avec l’USTKE. »

    Joao d’Almeida, Fédération des fonctionnaires
    « L’USTKE a apporté un certain militantisme et un professionnalisme au syndicalisme calédonien. Mais leurs actions sont parfois teintées de clientélisme et de politisation. »

    Un combat en dix dates

    5 décembre 1981
    Le Syndicat des travailleurs kanak et des exploités (STKE) est créé, au restaurant des dockers à Nouméa, autour du président d’honneur, le grand chef Bernard Bouquet, et de Louis Kotra Uregeï, secrétaire général du syndicat de l’OPT de la Fédération des fonctionnaires, en rupture avec sa structure.
    Dans le premier bureau du STKE, figurent LKU mais aussi Claude Wema, Stanislas Gaia, ou encore Neko Hnepeune, l’actuel président de l’assemblée de la province des Îles.
    L’organisation devient, un an plus tard, l’USTKE, l’Union des syndicats des travailleurs kanak et des exploités, et en 1986 au congrès de Houaïlou jusqu’à aujourd’hui, une confédération dénommée Union syndicale des travailleurs kanak et des exploités.

    Avril 1984
    L’USTKE « fait une démonstration de force », selon le journaliste Henri Israël, en bloquant l’aéroport de la Tontouta pendant cinq jours.

    Septembre 1984
    L’USTKE participe à la création du FLNKS. Puis quitte le Front en 1989, car la coalition « n’assurait pas ses responsabilités de relais politiques », selon Louis Kotra Uregeï. Leader qui fut, en 1988, membre de la délégation négociatrice de l’accord Oudinot (2e phase des accords de Matignon), et signataire au nom du STKE.

    Juillet 1995
    Un mouvement de grève générale « illimitée », lancé par l’USTKE, dégénère en affrontements entre forces de l’ordre et manifestants. Une quinzaine de blessés légers sont recensés à l’issue. A l’origine de ce conflit, les conditions de licenciement de cinq employés d’une petite entreprise de Nouméa, Jama Médical.

    Juin 2002
    A l’appel de l’USTKE, plus de deux mille manifestants défilent, dans les rues de Nouméa, afin d’obtenir le vote d’une loi sur la protection de l’emploi local.

    Novembre 2007
    Emanation politique de l’USTKE, le Parti travailliste est fondé lors du congrès de Rivière-Salée à Nouméa en présence de José Bové. Un an plus tard, Louis Kotra Uregeï est élu premier président du mouvement.

    Janvier 2008
    Dans la nuit du 16 au 17 janvier, deux cents sympathisants de l’USTKE s’installent sur le terrain de Carsud, à Normandie, et chassent les quelques gendarmes stationnés à titre préventif, une grève étant en cours depuis deux mois. Le haussariat envoie immédiatement les forces de l’ordre et de gros moyens. Le face-à-face vire à l’émeute urbaine. Bilan au final : quarante-cinq arrestations, cinq blessés légers.

    Mai 2009
    Gérard Jodar et vingt-six militants USTKE sont placés en garde à vue après des affrontements avec les forces de l’ordre sur le tarmac de Magenta. Le syndicat cherchait à négocier le paiement des jours de grève du conflit Aircal, débuté le 17 mars pour obtenir le renouvellement d’un contrat.

    Avril 2010
    Lors de son 13e congrès, à Ponérihouen, l’USTKE installe Marie-Pierre Goyetche à la tête du syndicat. Gérard Jodar, président depuis 2000, annonce son départ. Dès sa sortie de prison, le 14 janvier, après huit mois d’incarcération, des tensions étaient apparues avec d’autres responsables, dont Louis Kotra Uregeï. Les conflits Carsud et Aircal - qui l’ont mené en prison, avec six militants - ont été critiqués.

    Mars 2011
    Militant à l’USTKE depuis 1984 et ensuite au Parti travailliste, Georges Mandaoué entre dans le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie piloté par Harold Martin.
    L’ancien fonctionnaire à l’OPT est aujourd’hui en charge des affaires coutumières, du travail, de l’emploi et de l’insertion professionnelle.

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