- Paul AUBRIAT / AFP | Crée le 10.06.2024 à 07h31 | Mis à jour le 10.06.2024 à 07h31ImprimerLe président français a annoncé dans la foulée des premiers résultats aux Européennes qu’il dissolvait l’Assemblée nationale et qu’il convoquait de nouvelles élections générales le 30 juin. Photo Ludovic MARIN / AFPEmmanuel Macron a annoncé dimanche la dissolution de l’Assemblée nationale, un coup de tonnerre politique et un pari ultra-risqué dans son deuxième quinquennat, après l’écrasante défaite face au Rassemblement national de Jordan Bardella, large vainqueur des élections européennes en France.
Un séisme politique. Dans une allocution tenue depuis l’Elysée une heure après les premières estimations donnant une large victoire du Rassemblement national, le chef de l’Etat a surpris les Français en décidant de leur "redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote".
Les élections législatives auront lieu les 30 juin et 7 juillet, a-t-il annoncé, défendant une "décision grave, lourde". "Mais c’est avant tout un acte de confiance", a-t-il assuré, alors que le camp présidentiel était déjà en situation de majorité relative et pourrait être contraint à une cohabitation en cas de victoire du RN à quelques jours des Jeux olympiques de Paris.
Cette dissolution est la sixième sous la Ve République, et ne s’est présentée que huit fois en plus de cent ans. La dernière, décidée par Jacques Chirac en 1997, a vu la gauche remporter une majorité des sièges, donnant lieu à la nomination du socialiste Lionel Jospin à Matignon et à la cohabitation.
Avec 31,5 à 32 % des voix selon les instituts Ipsos et Ifop, le Rassemblement national a en effet frappé un grand coup aux européennes, réalisant son meilleur score dans une élection nationale (hors second tour) et va contribuer de manière décisive à la montée en puissance du camp nationaliste et souverainiste au Parlement européen, principal enseignement du scrutin au niveau des Vingt-Sept.
Bardella favori pour Matignon
"Nous sommes prêts à exercer le pouvoir si les Français nous font confiance", a lancé Marine Le Pen, triple candidate à l’Elysée. Son "poulain" Jordan Bardella s’était auparavant félicité d’un "désaveu cinglant" pour le chef de l’Etat, l’appelant à la dissolution. Il fait désormais figure de favori pour Matignon.
La liste macroniste de Valérie Hayer, eurodéputée sortante peu connue du grand public, est en effet reléguée très loin derrière le RN avec moins de la moitié des voix, entre 14,7 % et 14,9 %.
Les macronistes semblent néanmoins avoir sauvé la deuxième place, juste devant Raphaël Glucksmann (PS-Place publique) qui s’inscrit entre 14 et 14,2 %, soit plus du double de son résultat de 2019.
"Cette dissolution exigée par Jordan Bardella restera une tache" sur la présidence Macron, a souligné l’eurodéputé.
Derrière lui, La France insoumise de Manon Aubry améliore son score par rapport aux précédentes européennes (9,1 % à 9,5 %), et envoie notamment la militante franco-palestinienne Rima Hassan à Bruxelles. A gauche, les cartes seront assurément redistribuées dans les prochains jours en vue des législatives, alors que l’alliance Nupes bat de l’aile depuis plusieurs mois.
Participation en hausse
Mené par François-Xavier Bellamy, le parti Les Républicains n’a pas réussi à faire mieux que 7 à 7,2 %, devant la liste Reconquête de Marion Maréchal, tout juste au-dessus des 5 % nécessaires pour envoyer des députés au Parlement européen.
Grande surprise de l’élection de 2019 avec 13,5 % des voix pour Yannick Jadot, la liste écologiste, menée cette année par Marie Toussaint, semble échapper d’un rien à la débâcle, avec un score à peine supérieur à la barre fatidique des 5 %. Celle-ci a regretté une "défaite amère" pour l’écologie "qui ouvre la porte à tous les risques".
Sur 38 listes, un record, seules cinq semblent donc déjà assurées d’avoir des eurodéputés.
Signe d’une campagne qui a suscité plus d’intérêt que prévu, l’affluence aux urnes a encore progressé par rapport à 2019 à 52,5 % selon l’Ifop, quand elle s’était déjà affichée en hausse à 50,12 %.
Ce surcroît de participation n’a pas pesé sur le score du grandissime favori : à seulement 28 ans, Jordan Bardella confirme son ascension sur la scène nationale en binôme avec Marine Le Pen. Il augmente de près de dix points son score déjà haut de 2019 (23,34 %). Plus que jamais, la possibilité de voir l’extrême droite accéder à l’Elysée en 2027 est confirmée.
Echec personnel pour Macron
La défaite est surtout un cuisant échec personnel pour le chef de l’Etat, qui s’est investi dans la campagne jusqu’à son interview télévisée de jeudi pendant les commémorations du Débarquement allié de 1944.
Lui qui laissait récemment entendre qu’il ne comptait pas tirer d’enseignements nationaux d’un scrutin européen a finalement fait tout l’inverse… Jusqu’à devoir diriger le pays avec un Premier ministre RN ?
L’échec est en tout cas d’ampleur dans cette élection présentée comme "existentielle" pour le pays et le continent, où la guerre a fait son retour depuis deux ans avec l’invasion russe de l’Ukraine, et sur fond de conflit sanglant au Proche-Orient.
Les oppositions ne l’ont pas épargné dimanche : le patron du PS Olivier Faure a estimé qu’il s’était "disqualifié", quand Eric Ciotti (LR) a assuré que ces résultats annonçaient "la fin du macronisme".
En additionnant toutes ses listes, l’extrême droite approche la barre des 40 %, et réalise des percées ailleurs en Europe comme en Autriche ou en Allemagne.
À travers le pays, le RN a donc confirmé le succès de sa stratégie de dédiabolisation, avec des percées y compris chez les retraités et les cadres, des électorats jusque-là rétifs.
Le vote RN "est désormais un vote très enraciné, très puissant, très central, très constant", analyse Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques à l’Université de Lille.
Surfant sur sa popularité à coups de selfies et de vidéos sur les réseaux sociaux, la tête de liste RN a fait du scrutin un "référendum anti-Macron". Nul doute qu’il avancera le même argument pour les législatives à venir.
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