- AFp/Par Rébecca FRASQUET | Crée le 22.01.2025 à 10h00 | Mis à jour le 22.01.2025 à 10h00ImprimerLes moustiques calédoniens, comme d'autres espèces de pays tropicaux, sont étudiés à l'institut Pasteur de Paris pour tenter de limiter la transmission des maladies comme la dengue, le Zika ou encore le paludisme. Photo DRZika, dengue, paludisme, fièvre jaune, chikungunya : favorisée par le réchauffement climatique, la déforestation et une urbanisation débridée, la transmission de ces maladies infectieuses par les moustiques est de plus en plus scrutée par les chercheurs de l'Institut Pasteur.
"Les températures augmentent, les conditions de vie se dégradent: on est en train de créer des conditions de développement de moustiques adaptés à la vie avec l'homme", souligne l'entomologiste (spécialiste des insectes) Anna-Bella Failloux, qui dirige l'unité Arbovirus et insectes vecteurs à l'institut français.
Son équipe travaille sur "les espèces de moustiques qui vivent en ville avec nous : au départ, ils se développaient dans des forêts tropicales, prenaient du sang sur les animaux; aujourd'hui, ils pondent en ville dans un seau d'eau en plastique, à côté de personnes qu'ils piquent", résume-t-elle.
Aujourd'hui, 80% de la population mondiale court le risque d'être exposé à une ou plusieurs maladies infectieuses longtemps considérées comme tropicales, qui font plus d'un million de morts par an, majoritairement des enfants, selon l'Organisation mondiale de la Santé.
Transmise par un moustique de la famille des Anophèles, la plus meurtrière, le paludisme, a causé 608 000 morts en 2022.
Pour les étudier, l'institut Pasteur a annoncé mardi investir 90 millions d'euros pour construire un "centre de recherches sur les infections liées au climat et à l'environnement", qui sortira de terre en 2028 au cœur de son site historique à Paris et abritera des recherches innovantes dans des laboratoires sécurisés.
"Cela nous permettra d'avoir toutes les espèces de moustiques en même temps, au même endroit", explique Anna-Bella Failloux, en faisant visiter les locaux bien plus modestes qui, pour l'heure, accueillent son insectarium.
Vingt-huit degrés et 80% d'humidité : dans une pièce exiguë en sous-sol, les conditions sont idéales pour faire se reproduire, dans des bacs en plastique sur des étagères, des moustiques du monde entier : Floride, Gabon, Nigeria, Thaïlande, Taïwan, Nouvelle-Calédonie...
"Astuces pour les attirer"
Sur 3 500 espèces de moustiques, seules 15% piquent l'homme. "Ceux qui nous intéressent sont les Aedes aegypti et les Aedes albopictus (le moustique tigre), qui vivent là où il y a une concentration humaine importante et une eau qui stagne autour des maisons faute d'évacuation comme dans les favelas de Rio", décrit l'entomologiste.
Si ces deux espèces sont responsables de la transmission de plusieurs maladies à l'homme, de nombreuses questions restent en suspens.
"Aujourd'hui, le moustique vecteur du paludisme, Anopheles gambiae, ne peut pas transmettre les virus de la fièvre jaune, de la dengue, du chikungunya, du zika... alors qu'il cohabite avec Aedes aegypti qui, lui, les transmet", poursuit Mme Failloux.
"Ils vivent au même endroit, piquent l'homme de la même façon, alors comment se fait-il que seul l'un des deux transmet le paludisme? On aimerait bien aborder ce genre de questions", dit-elle.
Pour étudier la transmission de ces virus, les chercheurs infectent les moustiques femelles -les seules à piquer-. Elles sont d'abord "affamées pendant 24 heures", puis "on remplit une capsule recouverte de peau -en général de l'intestin de porc-, d'un mélange de sang et de virus, que la femelle de moustique va venir piquer".
"La difficulté", explique la chercheuse avec un sourire malicieux, "c'est de les obliger à manger, parce que ce n'est pas très appétissant. Donc on a plein d'astuces pour les attirer : on met des chaussettes qui puent, du CO2, ou une odeur de pommes". Et "certains ne piquent que la nuit : on est obligé de les infecter dans l'obscurité, donc c'est compliqué".
D'ici trois ans, ces recherches doivent permettre de dresser des "cartes de risques" pour le moustique-tigre, présent sur 80% du territoire français, en testant "différentes populations de moustiques vis-à-vis de 12 virus distincts".
"Cela nous dirait que dans cette région donnée, avec telle densité de moustiques et tel virus venu de Martinique ou d'ailleurs, on est en alerte rouge". "Aujourd'hui, on ignore si toutes les régions ont le même risque d'avoir du chikungunya, de la dengue ou du zika, s'il y a un cas importé", explique Mme Failloux.
Alors que les moustiques ont développé une résistance aux insecticides, "il faut faire une lutte la plus possible ciblée", conclut-elle.
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