- Baptiste Gouret | Crée le 15.04.2025 à 05h00 | Mis à jour le 15.04.2025 à 05h00ImprimerL’indice du fret a augmenté en avril, en réponse à la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis. Les acteurs économiques calédoniens s’inquiètent que cette tendance s’accentue dans les prochains mois, affectant directement le marché calédonien. Photo Archives LNC / Thierry PerronContrairement à 175 pays du monde, la Nouvelle-Calédonie n’est pas concernée par la hausse des droits de douane – suspendue pour 90 jours – décidée par Donald Trump début avril. Un choix qui pourrait s’expliquer par des échanges commerciaux dérisoires entre les deux pays. Mais l’incertitude provoquée par la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis pourrait avoir des conséquences localement, notamment sur le fret et le nickel. Explications.
Une méconnaissance géographique, une indulgence inhabituelle ou un simple oubli ? Depuis l’annonce par Donald Trump, le 2 avril, d’une augmentation des droits de douane concernant 175 pays du globe, la Nouvelle-Calédonie s’interroge : pourquoi le Caillou a-t-il été épargné ? "C’est difficile à expliquer, on ne sait toujours pas vraiment sur quoi ont été basés les calculs de l’administration Trump", reconnaît Gaël Lagadec, professeur des universités en sciences économiques. L’insignifiance du marché calédonien à l’échelle internationale pourrait être une explication rationnelle si le président américain n’avait pas décidé d’appliquer 50 % de droits de douane supplémentaires à Saint-Pierre-et-Miquelon, 6 000 âmes.
Une balance commerciale déséquilibrée
Ce n’est pas non plus une exception faite à notre région du monde. Les pays du Pacifique ont été durement touchés par les décisions de Donald Trump. Avant la volte-face du président américain, qui a annoncé mercredi 9 avril une "pause" de 90 jours dans l’instauration des nouveaux droits de douane, il était envisagé une hausse de 32 % de droits de douane pour Fidji, de 22 % pour le Vanuatu et de 10 % pour la Polynésie française.
Les données concernant les échanges commerciaux entre la Nouvelle-Calédonie et les États-Unis offrent toutefois une piste de compréhension. Les derniers chiffres de la balance des transactions courantes, c’est-à-dire la différence entre les exportations et les importations entre les deux pays, permettent de constater un solde négatif en faveur des États-Unis. En 2023, la Nouvelle-Calédonie importe pour 28,2 milliards de francs de produits américains, alors qu’elle exporte ses produits pour un montant 8,4 milliards de francs. Pas de raison, pour les États-Unis, de revoir les droits de douane d’un pays pour lequel il affiche un excédent commercial de 20 milliards de francs.
L’indice du fret en hausse
L’autre explication : la faiblesse des échanges commerciaux entre la Nouvelle-Calédonie et les États-Unis. En 2023, ils ne représentaient que 3,7 % du total des échanges internationaux de la Nouvelle-Calédonie. Dans le détail, "les USA occupent la 5e place en termes d’importations de biens (4 % de nos importations), loin derrière la France, l’Australie, Singapour et la Chine", constate David Chatelain, responsable adjoint du service des études à l’Institution d’émission d’outre-mer (IEOM). C’est légèrement plus élevé en termes de services, où les États-Unis occupent la deuxième place avec 6 % des exportations et 11 % des importations. Ça reste toutefois très éloigné du premier partenaire de la Nouvelle-Calédonie, à savoir la France, avec 85 % des exportations de services et 51 % des importations.
Une éventuelle augmentation des droits de douane entre les États-Unis et la Nouvelle-Calédonie aurait donc peu d’impact sur leurs échanges, très marginaux. Ce qui ne veut pas dire que le Caillou sortira indemne du contexte économique international chamboulé. "La Nouvelle-Calédonie est très dépendante de ses importations depuis l’Union européenne, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la Chine, donc le fait que ces pays soient touchés par la hausse des droits de douane peut nous retomber dessus", estime Mimsy Daly, présidente du Medef-NC.
La bataille entre les deux plus grandes puissances du monde pourrait également entraîner une inflation, qui se fera forcément ressentir sur un marché calédonien intégré à l’économie mondiale. Mais davantage qu’une augmentation du coût des produits, c’est bien la hausse du prix du fret qui inquiète les acteurs économiques calédoniens. "On peut s’attendre à des répercussions sur les coûts et la capacité de desserte du Pacifique, les routes commerciales vont être bouleversées", s’inquiète Mimsy Daly. Selon le site spécialisé Trading Economics, l’indice du fret conteneurisé a en effet augmenté de 5,71 % en avril.
Le nickel à 16 000 dollars la tonne
Autre conséquence notable : celle sur le cours du nickel. Un secteur essentiel à l’économie calédonienne, malgré la crise qu’il traverse, et directement affectée par l’instabilité de la situation économique mondiale. Dans un article paru le 7 avril, le journal Le Monde indiquait que le nickel "se négocie en repli, à 15 000 dollars la tonne, contre 16 000 dollars la tonne fin mars" au London Metal Exchange (LME), place boursière spécialisée dans les métaux non ferreux.
Il n’empêche : la conjoncture pourrait bien offrir "des opportunités" à la Nouvelle-Calédonie, envisage Mimsy Daly. Certains produits fabriqués en Nouvelle-Calédonie ont l’occasion de devenir davantage compétitifs sur le marché américain. C’est le cas par exemple de la vanille, que les États-Unis font normalement venir de Madagascar, pays menacé par une hausse importante des droits de douane. Le prix de la vanille calédonienne pourrait alors devenir attractif. "C’est la même chose pour certains produits de la mer, en particulier le thon", poursuit la présidente du Medef. Reste à voir si, épargnés d’une augmentation des droits de douane, les produits calédoniens sont capables de tirer leur épingle du jeu.
Note
Les biens et les services sont l'ensemble des produits créés. Les biens sont des produits matériels pouvant être conservés. A l'inverse, les services sont immatériels, résultent de la mise à la disposition d'un savoir-faire manuel, technique ou intellectuel, et doivent être consommés dans l'immédiat.
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