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    Nouvelle Calédonie
  • Anthony Tejero | Crée le 13.03.2025 à 07h00 | Mis à jour le 13.03.2025 à 07h46
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    Dans le centre-ville de Nouméa, de nombreuses enseignes ont définitivement baissé le rideau. Photo Anthony Tejero
    Deux enquêtes ont été menées, entre septembre et février, auprès de plusieurs centaines de sociétés calédoniennes pour évaluer les conséquences des émeutes sur l’économie. Sans grande surprise, de nombreux indicateurs sont alarmants, à commencer par la confiance des entrepreneurs en l’avenir qui s’est effondrée. Si le recours au chômage partiel tend à diminuer face, à la chute d’activité quasi généralisée, les licenciements, eux, restent une option sérieusement envisagée par de nombreux gérants. Autre donnée inquiétante, au moins la moitié des entreprises détruites depuis le 13 mai n’envisagent pas de reconstruire. Décryptage.

    Deux études d’impact en six mois

    Cette enquête a été menée du 17 au 25 février par l’institut Quidnovi pour le compte de la CCI, auprès de 564 entreprises. Il s’agit d’un suivi, c’est-à-dire du deuxième sondage, puisqu’une première enquête identique avait été lancée en septembre 2024 auprès de 701 sociétés. Ces deux études d’impact visent à quantifier les conséquences des émeutes sur le tissu économique calédonien. Chômage partiel, perspectives d’embauches ou de licenciements, projections de reconstruction ou non, indemnisation des assurances… Voici les principaux points à retenir.

    La confiance des entrepreneurs continue de se dégrader

    Entre septembre 2024 et février 2025, le nombre de sociétés en activité, même partielle, a notablement avancé, passant de 77 % à 83 % des répondants. Pour autant, en dépit de ce signal positif, moins d’un tiers des chefs d’entreprise déclarent avoir confiance en l’avenir de leur société, soit 29 % en février 2025, contre 36 % lors de la première étude.

    La baisse de cet indice est encore plus marquée en ce qui concerne la confiance exprimée dans le pays, qui chute à 17 % d’opinion favorable (contre 27 % en septembre). Autrement dit, la confiance des entrepreneurs s’est encore dégradée en début d’année.

    Quelles sont les difficultés rencontrées ?

    La perte d’activité et l’absence de visibilité ainsi que les problèmes de trésorerie constituent les deux principales difficultés auxquelles font face les sociétés. Ces freins se sont d’ailleurs aggravés entre les deux enquêtes, puisqu’ils sont avancés dans 52 % des cas pour la perte d’activité (contre 49 % en septembre) et pour 18 % des sondés en ce qui concerne les finances (contre 14 % en septembre).

    Des chiffres d’affaires qui peinent à redécoller

    Certains indicateurs évoluent plutôt favorablement, bien que le secteur économique reste nettement sinistré en ce début d’année. Ainsi, le nombre d’entreprises qui se déclarent "en mode survie" faute d’activité, recule significativement, passant de 36 % en septembre à 27 % en février, soit une baisse de 9 points. Pour autant, ce taux reste élevé, sachant que le nombre de sociétés qui voient leur chiffre d’affaires baisser augmente lui aussi, passant de la moitié, soit 51 % en septembre, à 56 % en février. Au total, la grande majorité des sociétés (83 %) annonce ainsi avoir une activité encore en berne par rapport à la période antérieure aux émeutes.

    Autre donnée inquiétante, plus d’un tiers des sociétés (34 %) ne parvenaient toujours pas à retrouver leur point d’équilibre, c’est-à-dire à couvrir leurs charges, en février. Des difficultés qui concernent même la moitié des entreprises dans le secteur du bâtiment.

    Pour tenter de retrouver le chemin de la rentabilité, les sociétés avancent trois pistes principales : réduire encore leurs charges (dans 66 % des cas), tailler dans la masse salariale (53 %) et démarcher de nouveaux clients (47 %).

    Dans ce contexte, la "survie" demeure la priorité de la majorité des entreprises (48 %), loin devant la stabilité de l’activité (29 %) et la croissance (15 %).

    Peu d’embauches mais encore de nombreux licenciements en vue

    4 % des sociétés interrogées indiquent "bientôt" fermer ou liquider leur activité (un taux deux fois plus marqué pour les entreprises individuelles). Un contexte pour le moins morose qui a également des conséquences sur l’emploi avec une aggravation, entre septembre et février, du recours aux licenciements, qui concernent 30 % des patrons sondés.

    Un signal positif néanmoins est à retrouver du côté du chômage partiel qui tend à diminuer. 17 % des sociétés déclarent ainsi y avoir encore recours contre 26 % en septembre.

    En termes de perspectives, l’absence de visibilité, la perte d’activité et le manque de trésorerie freinent grandement les ambitions des entreprises qui sont très peu nombreuses (5 %) à envisager recruter dans les six mois à venir. La part de celles qui estiment devoir encore réduire leurs masses salariales dans les mois à venir ne recule pas vraiment et constitue toujours un quart (24 %) des sondés. Seul point positif, les patrons qui déclarent stabiliser leurs effectifs sont nettement plus nombreux en février (62 %) qu’en septembre (51 %).

    Par ailleurs, en cas d’arrêt du chômage partiel (dont la prolongation jusqu’en juin a, depuis ce questionnaire, été confirmée par le ministre Manuel Valls), plus de la moitié des entreprises qui y ont recours (53 %) envisagent de licencier. Au total, 15 % de ces bénéficiaires perdraient ainsi leur emploi. Un chiffre néanmoins en recul par rapport aux 30 % avancés par les patrons en septembre.

    Très peu d’intentions de reconstruire les sociétés détruites

    C’est sans doute l’une des données les plus inquiétantes de l’étude. Près de la moitié (43 %) des propriétaires de locaux détruits lors des émeutes affirment ne pas vouloir reconstruire. Par ailleurs, face aux incertitudes notamment politiques, une part toute aussi importante (42 %) n’a pas encore pris de décision. Au final, seule une minorité de patrons (15 %) envisagent de se relancer d’ici 2027.

    "Ce chiffre interpelle clairement, d’autant plus qu’une partie des entreprises détruites sont dirigées par des personnes proches de la retraite qui pourraient décider de jeter l’éponge", alerte la CCI.

    Enfin, la moitié des sociétés encore en activité ne prévoit, à court ou long terme, aucun investissement en matériel ou équipement. Seul un quart des entrepreneurs (24 %) le projettent entre 2025 et 2030.

    Un accès difficile aux assurances

    Les assurances posent de vraies difficultés à de nombreuses entreprises touchées, de près (destruction, etc.) ou de loin (perte d’activité…), par les émeutes. Par exemple, 42 % d’entre elles annoncent ne pas parvenir à se faire assurer ou réassurer pour la perte d’exploitation, pour les véhicules, pour les locaux ou les stocks de marchandises. Près de la moitié de ces sociétés (47 %) déclarent par conséquent exercer sans assurance pour une partie de leur activité.

    Par ailleurs, il existe un net décalage entre les remboursements des assurances et le montant des indemnisations attendues par les entreprises. Pour deux tiers d’entre elles, les montants perçus ou espérés ne couvrent pas les dégâts.

    Comment recréer de la confiance ? 

    Afin d'inverser la tendance de tous ces indicateurs, les entrepreneurs ainsi que la CCI listent leurs priorités pour recréer un climat propice aux affaires : 

    • Créer les conditions favorables avec un accord politique entre toutes les parties prenantes pour se projeter, avoir de la visibilité et un retour de la confiance.
    • Régler les problématiques d'assurance qui "hypothèquent sévèrement" les chances de reconstruction et de relance économique. "Les entreprises sont dans un " no man's land " assurantiel. Sans couverture, difficile, voire impossible d'avoir accès au crédit  bancaire, de soumissionner à un appel d'offres, de rebâtir ou de trouver un nouveau local", résume la CCI.
    • "Poser les moyens" de la reconstruction : recréer une reprise d'activité dans les quartiers ; donner de la visibilité aux autres entreprises et à tout l'écosystème économique  ; "dérisquer"  l'investissement par des outils fiscaux (la défiscalisation) et des outils financiers (les taux d'intérêt...). 
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