- Anne-Claire Pophillat | Crée le 26.02.2025 à 05h00 | Mis à jour le 26.03.2025 à 15h34ImprimerLes représentants des organisations patronales et syndicales ainsi que des membres du gouvernement et des élus ont assisté au discours de Manuel Valls adressé au monde économique lundi 24 février au haut-commissariat. Photo A.-C.P.Si les partenaires sociaux présents lundi soir au haut-commissariat reconnaissent la prise en compte de plusieurs demandes par le ministre, comme la prolongation du chômage partiel, des craintes demeurent concernant le sujet des assurances, les prêts garantis ainsi que les incitations fiscales à la reconstruction.
Manuel Valls a dressé "un point de situation intéressant", reconnaît Xavier Benoist, président de la Fédération des entreprises et industries (FEINC), et "nous avons pu exprimer certaines choses" au ministre des Outre-mer. Mais, globalement, il reste encore "beaucoup de travail à mener". L'annonce "concrète", estime Xavier Benoist, c'est le versement de 1,8 milliard de francs en plus destinés à l'aide au cas par cas des entreprises. Environ 150 structures seraient concernées, selon lui.
En demi-teinte
Bien sûr, la reconduction du dispositif de chômage partiel exactions jusqu'au 30 juin fait partie des bonnes nouvelles. Mais, ce n'est pas si simple que ça, estime Christophe Coulson, président de l'UT-CFE-CGC. "Le financement doit être pris sur le prêt garanti par l'État, ce qui va venir grever l'enveloppe. En plus, il va être dégressif, alors qu'il est déjà passé de 70 % à 50 % du salaire (limité à 2 SMG)." Les trois mois à venir doivent notamment permettre de réformer le chômage de droit commun. Les partenaires sociaux et le gouvernement doivent se pencher sur la question.
Au niveau des assurances aussi, pour Xavier Benoist, la réponse est en demi-teinte. Car si une réflexion est en cours afin d'instaurer un mécanisme public de réassurance du risque émeute au niveau national pour 2026, "il y a un gros trou dans la raquette, ce n'est pas encore réglé cette année". Idem pour la reconstruction des bâtiments publics. Si Manuel Valls annonce leur "lancement immédiat", un chantier nécessite du temps pour se mettre en place. "Les bureaux d'études n'ont pas encore été sollicités", précise le directeur général de Bluescope.
"On veut voir le concret"
Surtout, toutes les questions n'ont pas trouvé leur réponse. Les critères des prêts garantis par la Sogefom (un fonds de garantie qui apporte des garanties partielles à des prêts que les banques accordent aux TPE et PME) ne correspondent pas aux besoins. "La maturité des prêts n'est pas assez longue, il faudrait plus que les 10 ans proposés. Leur montant est plafonné, ce qui ne correspond pas aux besoins pour la reconstruction, et les taux sont bien trop élevés, entre 6 et 8 %", liste Xavier Benoist.
Christophe Coulson, à la tête de l'UT-CFE-CGC, partage un sentiment mitigé. Le syndicaliste admet que l'État pose des éléments sur la table, mais s'inquiète de sa rapidité à passer à l'action. Notamment pour verser les sommes destinées à la reconstruction des établissements publics. Il y a "beaucoup d'effets d'annonces, mais on veut voir le concret".
Et puis, la deuxième tranche du prêt garanti par l'État de 120 milliards de francs dépend de réformes que doit mener le gouvernement et donc de textes à voter au Congrès. "Si les élus ne répondent pas à la commande, ce qu'il s'est passé avec la TGC, on sait que l'État ne va pas avaler la pilule."
Éviter l'effondrement
Christophe Coulson se montre profondément préoccupé par les mois à venir. "Nous assistons tous les jours à des licenciements économiques, l'Adecal, Aircal... Et puis, ceux qui ont été licenciés en juin et sont au chômage total arrivent à la fin de leurs droits. Il n'y a plus rien pour eux. Socialement, nous allons vivre les conséquences de 2024. Cette année sera pire."
C'est justement maintenant que cela se joue, insiste David Guyenne, président de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI). Nous sommes à "un moment de bascule", où il est nécessaire de "changer de braquet". Il est temps, désormais, de sortir du discours "autour de la peur, des émeutes, de la survie, de la faillite", au risque "d'un effondrement systémique de l'économie calédonienne". "Il y a de bonnes intentions", mais David Guyenne milite pour la mise en place d'outils dédiés à la reconstruction, notamment ceux de la défiscalisation et la modification des modalités des prêts Sogefom, pour "accompagner ce changement".
Entrepreneurs : le moral au plus bas, selon une étude de la CCI
David Guyenne évoque une étude menée par Quid Novi pour le compte de la Chambre de commerce et d'industrie sur 550 entreprises - certaines détruites et d’autres non -, dont les résultats doivent être rendus public dans les prochains jours. Le document révèle plusieurs enseignements, commente le président de la CCI. Tout d’abord, "la baisse du moral et de la confiance des entrepreneurs, qui retrouve un niveau proche de celui de l’après 13 mai". "Aujourd’hui, 15 % seulement des entreprises détruites déclarent vouloir reconstruire contre + de 50 % en octobre et 80 % fin mai - début juin", cite David Guyenne, ce qui représente une forte dégradation.
Un tissu économique déstabilisé
Parmi les autres enseignements de l’étude, il ressort un sentiment d’injustice des patentés et des entreprises individuelles, qui ne bénéficient plus d'aucune aide. Les structures se retrouvent dans des situations très compliquées, avec des trésoreries dans le rouge. "Les patentés et les très petites entreprises sont en mode survie." Une part plus importante de travail non déclaré est également observée, "ce qui déstabilise le tissu économique et rend plus compliquée la reprise. Il y a une réelle crainte qu’il se dégrade".
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