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    Nouvelle Calédonie
  • Charlie Réné | Crée le 05.09.2018 à 06h04 | Mis à jour le 05.09.2018 à 06h04
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    La situation de l’Aséé et de la Felp inquiète. Les deux réseaux protestants sont en redressement judiciaire. Mais c’est tout le fonctionnement de l’enseignement privé, indispensable au pays, qui doit être réétudié.

    C’était lundi dernier au tribunal de commerce de Nouméa. La date était fixée depuis des mois pour l’Alliance scolaire de l’église évangélique (Aséé), une des trois directions de l’enseignement privé, en redressement judiciaire depuis l’année dernière. Sans nul doute, les mots du juge étaient attendus avec appréhension pour ce réseau de 2 200 élèves répartis dans une quarantaine d’établissements, de la maternelle au lycée. Ses dirigeants devront attendre : l’Aséé ne sera fixé sur son sort que le 19 novembre, le temps pour son mandataire judiciaire de finir les discussions avec les créanciers.

    Car l’Alliance, comme la Fédération de l’enseignement libre protestant (Felp), réseau lui aussi en redressement et lui aussi en attente d’une décision de justice, a des dettes. Entre 600 millions et un milliard, dus pour beaucoup aux organismes sociaux comme la Cafat. La Felp doit, elle, 245 millions. Une situation qui n’est pas neuve, mais qui n’est plus tenable pour ces structures associatives dont le périmètre se réduit. Les tensions financières sont en fait communes à tout l’enseignement privé. Les trois directions - la Direction diocésaine de l’enseignement catholique (Ddec), de loin la plus importante, est aussi celle qui a les reins les plus solides dans cette mauvaise passe - accueillent un quart des élèves calédoniens. Beaucoup, dirait- on en Métropole, où cinq enfants sur six fréquentent le public de la maternelle au lycée. Mais bien peu par rapport à ce que l’enseignement confessionnel a pesé sur le Caillou.

    Les villes et les villages ont grandi, et les écoles publiques ont attiré les élèves.

    Un élève sur deux à la fin des années soixante. 40 % en 75, 30 % en 2000, 25 % aujourd’hui, notent les chiffres compilés par Patrick Robert. « Le privé a quelque part manqué le virage du Grand Nouméa, explique celui qui a dirigé l’Aséé au tournant des années quatre-vingt et qui était en poste à la Felp en 2008 et en 2009. Beaucoup d’établissements sont en tribu. Mais les populations se sont concentrées dans les villes et les villages. À mesure qu’ils ont grandi, des collèges et des écoles publics plus neufs, plus pratiques pour les familles, ont attiré les élèves ». Do Néva, établissement historique de la côte Est, compte une cinquantaine de collégiens là où « il en accueillait plus de 400 » dans les années quatre-vingt. Les nouveaux modes de calcul des subventions provinciales - au nombre d’élèves - et les restrictions budgétaires des provinces, ont sonné le glas d’un équilibre financier déjà chancelant.

    Le lycée Do Néva, berceau de l’enseignement protestant. Julien Cinier

    IMPORTANCE STRUCTURELLE

    Certains administrateurs le reconnaissent sans peine : les dettes sont d’autant plus lourdes que les directions ont tardé à réduire leurs effectifs d’encadrement ou à fermer des établissements jugés importants pour leurs zones, mais pas assez fournis pour être rentables. « Il y a eu des efforts, mais trop tard, et pas assez marqués, pointe-t-on dans les couloirs du Congrès. Et l’administration des directions est restée trop étoffée ».

    Dans l’attente de décisions judiciaires, les responsables de la Felp et de l’Aséé restent discrets. Mais pas inactifs. Mesures d’économie, de synergie entre réseaux, de rationalisation de la gestion… Des propositions ont été mises sur la table des administrateurs pour éviter la liquidation.

    Car l’hypothèse d’une mort des réseaux est unanimement jugée « catastrophique ». L’enseignement confessionnel, « héritage de l’oeuvre missionnaire », comme le pointe l’historien Ismet Kurtovitch, est un « héritage bien vivant ». Avec 80 écoles, 23 collèges, 11 des 21 lycées, dont certains très prisés, le privé est structurellement nécessaire à l’enseignement calédonien, rassemblant, par exemple, la moitié des élèves de l’enseignement professionnel - principalement à la Ddec -, ou la majorité des collégiens des Loyauté. « On doit les accompagner parce qu’ils effectuent des missions que la collectivité ne prend pas en charge » martèle Hélène Iékawé. Sans privé, pas d’école à Bélép ou à l’île des Pins, pas de lycée à Bourail ou à Houaïlou.


    Le financement continue », et l’exécutif « accompagnera », assure Hélène Iékawé

    Pas question d’anticiper ou d’interférer avec une décision de justice. Hélène Iékawé a voulu être claire, mercredi dernier, pendant la séance de questions au gouvernement. La situation de l’Asee et de la Felp, et plus généralement, l’accompagnement de l’enseignement confessionnel ont été l’objet de plusieurs interrogations sur les bancs indépendantistes. « Y a-t-il une stratégie politique du gouvernement pour le privé ? », demande Isabelle Kaloi - Béarune, du groupe UC-FLNKS. « Il y a une volonté politique du gouvernement pour l’enseignement tout court », répond la membre de l’exécutif en charge du sujet. Au vu de l’importance du privé sur le territoire, consacré par plusieurs articles du projet éducatif voté par le Congrès, « le gouvernement a fait part de sa volonté d’accompagner » les directions en difficulté, « afin que le plan de redressement soit mis en oeuvre ». En clair : un protocole est sur la table, prêt à être signé pour s’inscrire dans les futures décisions du tribunal. Le projet prévoit, entre autres, l’entrée de la Nouvelle-Calédonie dans les instances dirigeantes de la Felp et de l’Aséé, la désignation d’un directeur par l’exécutif et un accompagnement pédagogique et administratif tout au long du plan de redressement.

    Contractualisation et carte scolaire

    Le privé compte, donc, et les autorités « continuent d’assurer son financement », comme le rappelle Hélène Iékawé. 13 milliards, en 2017, pour l’État qui rémunère, comme dans le public, les enseignants, 2,1 milliards de francs la même année pour les forfaits d’externat versés par la Nouvelle-Calédonie, 100 millions d’aide exceptionnelle aux trois directions, toujours en 2017, sans compter les aides des provinces, les forfaits versés par les communes ou les subventions du territoire pour les projets pédagogiques.

    Mais le projet éducatif invite aussi - à son article 27-1 - à contractualiser les rapports entre les directions confessionnelles et les autorités. «Ce contrat confirmerait les régularités des financements et le principe de parité de traitement entre le public et le privé », pointe Hélène Iékawé qui estime que « cela peut être le moment pour les directions de remettre les choses à plat », de « se relancer sur des bases saines ». Moyens humains et financiers, carte des formations, modalités de contrôles administratif, financier et pédagogique… Et carte scolaire. Au gouvernement comme aux provinces Nord et Îles, particulièrement concernées, on le sait : l’existence même de certains établissements doit être questionnée pour assurer la stabilité financière des directions du privé. « On ne décide pas d’une fermeture comme ça, prévient la membre du gouvernement. D’abord, c’est quoi qu’il arrive aux directions elles-mêmes de prendre des décisions. Et je pense que vu l’importance de ces questions pour les familles, pour l’emploi, toutes les collectivités, jusqu’aux communes, doivent être autour de la table ».


    REPÈRES

    160 ans d’histoire

    Les premières écoles calédoniennes ont pour beaucoup été ouvertes par les religieux. Chez les catholiques, elles se multiplient, à partir de 1858 au gré du développement des missions et des congrégations. Leur unification se fera par à-coups : en 1950, en 1967, puis en 1972 avec la création du conseil d’administration de l’enseignement catholique, plus tard Ddec. Du côté protestant, les écoles se développent, elles aussi, beaucoup dans la seconde moitié du XIXe. Et prennent de l’ampleur : à Houaïlou, le collège Do Néva, créé sous l’impulsion de Maurice Leenhardt, est le premier à offrir aux Kanak une éducation au-delà de l’élémentaire. Plus tard, enrichi d’un lycée agricole, l’établissement rayonnera dans le pays et la région. C’est là aussi que se crée l’Alliance scolaire, en 1958, juste après que le pasteur Charlemagne quitte l’établissement pour créer l’école de Nédivin, autour de laquelle se forme la Felp. En 1978, ces trois réseaux signent des conventions dans le cadre de la loi Debré : leurs enseignants seront payés par l’Etat.

    École et mobilité

    D’après les chiffres fournis par Patrick Robert, la province Nord et la province des Îles représentaient, en 1997, respectivement 13 980 et 8 076 élèves, soit 22 et 12,7% de la population scolaire. Des chiffres qui baissent depuis lors : d’après le dernier décompte du vice-rectorat, le Nord accueille 11 834 élèves, soit 17,6% du total du public et du privé en 2018. Et les Loyauté 4 827 jeunes, soit 7,2%. Le privé, et notamment la Felp et l’Aséé, moins implantés dans le Sud, ont bien sûr été victimes de ces migrations.

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