- Anne-Claire Pophillat | Crée le 15.04.2025 à 19h39 | Mis à jour le 17.04.2025 à 10h24ImprimerEnviron 25 millions de tonnes de scories sont stockées à la SLN. Photo SLNLe gouvernement a annoncé ce mardi 15 avril l’inscription du "Sland" au référentiel de la construction de la Nouvelle-Calédonie (RCNC). Ce produit issu des scories peut notamment remplacer le sable naturel dans la composition du béton. Grâce à cet agrément, Doniambo scories, filiale de la SLN, souhaite valoriser ce matériau en Nouvelle-Calédonie et à l’export. Explications.
Les millions de tonnes de scorie stockées sur le site de Doniambo font partie du paysage depuis des décennies. Impossible de rater les monticules qui s’élèvent à l’entrée de la ville. Cette scorie est en fait le résidu issu de la fusion du minerai de nickel dans les fours de la SLN, lors de la production de ferronickel. Plus d’un million de tonnes sortent de l’usine chaque année. Ce coproduit, connu depuis des générations, a servi à remblayer Nouméa à de multiples reprises au fil du temps. Environ 20 % de la surface de la ville reposerait sur des scories, baie de la Moselle, Sainte-Marie, Rivière-Salée, le port autonome, etc. La Société Le Nickel s’est également servi de béton constitué de Sland, c’est-à-dire du sable de scorie, à la place du sable naturel, pour aménager un poste électrique et une infirmerie.
Nathalie Marchand, chargée de la qualification des acteurs pour le référentiel de la construction en Nouvelle-Calédonie, Petelo Sao, membre du gouvernement en charge de la construction, Yves Véran, directeur de Doniambo Scories et Charles Dubois, directeur technique de la SLN. Photo A.-C.P.Bénéficier de la garantie décennale
Jusqu’à présent, les propriétés de ce matériau n’étaient pas caractérisées, et les bâtiments construits avec cette technologie n’étaient pas assurables. Cela va changer avec l’inscription du Sland au registre des matériaux agréés au référentiel de la construction de la Nouvelle-Calédonie (RCNC). Les ouvrages réalisés avec du béton scorie pourront désormais bénéficier de la garantie décennale.
Cet agrément - délivré pour cinq ans -, constitue un "gage de qualité", indique Petelo Sao, membre du gouvernement chargé de la construction, "de sécurité et de fiabilité". Il n’existe donc aujourd’hui "plus de frein technique ni assurantiel" à l’emploi de la scorie, précise Nathalie Marchand, chargée de la qualification des acteurs de la construction RCNC, et à sa valorisation, portée par Doniambo Scories, filiale de la SLN, depuis des années. "On a un recul nécessaire pour dire que ça fonctionne", assure Yves Véran, son directeur.
L’infirmerie de SLN (le bâtiment au premier plan) a été construite avec un béton contenant du Sland à la place du sable naturel. Photo SLNUne ressource pour la reconstruction
Il s’agit de "l’aboutissement d’un long travail", relève Charles Dubois, directeur technique de la SLN. "Cela représentait le dernier maillon qu’il manquait pour en faire un produit pour le BTP, un sable qui soit l’équivalent d’un sable naturel, et qui permette de moins exploiter nos carrières." Un produit qui arrive à point nommé alors que s’engage la reconstruction des bâtiments détruits pendant les émeutes. Yves Véran compte sur "la puissance publique pour pousser l’utilisation de la scorie dans leurs projets et appels d’offres à venir", "convaincre" certains acteurs encore sceptiques et faire évoluer le regard porté dessus. "Il faut déconstruire l’image que nous avons de la scorie. Beaucoup d’entre nous la voient comme un déchet, elle a longtemps été dévalorisée et critiquée, étant la preuve de l’exploitation du territoire", relève Petelo Sao. Or, c’est devenu une ressource aux usages potentiels divers : aménagement de remblais, confection de sous-couche routière et d’enrobages de voirie, fabrication de matériaux, sablage industriel et composant du béton.
Un avantage économique et environnemental à valoriser aussi à l’export
La scorie représente plusieurs avantages. "Cela permet de remplacer des produits importés, de réduire les coûts et les délais de livraison", développe Petelo Sao. Et ainsi proposer un béton moins cher ? Si le prix de vente n’a pas encore été fixé, Yves Véran imagine mal que cela ne le fasse pas baisser. "Si je remplace un produit qui vaut tant par un produit qui vaut tant moins 30 %, ça devrait quand même le faire diminuer."
Autre atout, la réduction de l’impact environnemental, le Sland permettant "de préserver les ressources naturelles existantes", ajoute Petelo Sao, en recyclant un coproduit de l’activité industrielle, et participe de la décarbonation du secteur du BTP.
La SLN produit environ 1 million de tonnes de scories, qui résulte de la fusion du minerai de nickel, chaque année. Photo SLNL’autre objectif est de développer l’export, "porteur de volume", note Yves Véran. Des scories sont déjà envoyées en Australie – pour fabriquer des briques et des agglos – et aux États-Unis – pour le sablage-peinture. Doniambo Scories, qui vient de recevoir la visite d’une délégation des Kiribati, compte aussi sur les États insulaires du Pacifique pour créer de nouveaux marchés. "Ces pays tirent la sonnette d’alarme sur le fait qu’ils ont peu de surfaces et qu’ils ont besoin de matériaux pour remblayer ou construire de manière plus résiliente."
Valoriser la scorie représentait également un "devoir" pour la SLN, considère Yves Véran, afin "de montrer aux Calédoniens que la Société Le Nickel veut faire mieux que ce qu’on a fait jusqu’à maintenant, et de participer au développement du territoire pas uniquement avec son minerai, mais aussi avec la scorie." Et il y a de quoi faire. La réserve de 25 millions de tonnes devrait être exploitable "pendant au moins les 50 prochaines années".
25 millions de tonnes de scorie à exploiter
Dans le béton, le Sland remplace une partie du sable naturel qui représente lui-même environ 40 % du produit final.La scorie est générée lors de la fusion du minerai de nickel dans des fours à très haute température (1 600 °C). Plus d’un million de tonnes sont produites chaque année, dont 100 000 tonnes de scorie brute sont vendues chaque année en Nouvelle-Calédonie et 50 000 vers l’export. En tout, plus de 25 millions de tonnes de scorie sont disponibles sur le site de Doniambo.
À partir de ce coproduit, Doniambo Scories fabrique du Sland, une sorte de sable. Les scories sont dessalées par lessivage puis criblées à 0,4 millimètre, la taille nécessaire pour pouvoir remplacer le sable dans la composition du béton. L’opération est réalisée par un crible mobile. Quelques constructions ont été réalisées avec du béton scorie, le port autonome s’en sert par exemple dans le cadre des travaux d’agrandissement du quai n° 8.
Une des propriétés intéressantes du Sland, c’est qu’il est "inerte", précise Yves Véran, directeur de Doniambo Scories, filiale de la SLN. C’est-à-dire que "quand il pleut sur cette scorie, par exemple, il n’y a rien qui s’en dégage, aucune pollution". Le matériau contient également du magnésium, "un autre atout à exploiter", suggère Charles Dubois, directeur technique de la SLN.
Enfin, outre la scorie de la SLN, les regards se portent sur celle de KNS, qui est aussi valorisable. "On travaille de concert pour trouver d’autres applications potentielles qui unissent nos deux scories, pointe Charles Dubois. On a une synergie à avoir."
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