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    Nouvelle Calédonie
  • Baptiste Gouret | Crée le 04.09.2024 à 05h00 | Mis à jour le 04.09.2024 à 09h05
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    Le général Nicolas Matthéos, commandant de la gendarmerie, annonce l’arrivée prochaine de 700 gendarmes supplémentaires pour faire face à d’éventuels regains de violence à l’approche du 24 septembre. Photo Baptiste Gouret
    Près de quatre mois après le déclenchement des violences, 3 000 gendarmes sont toujours déployés sur le territoire. Ils seront 700 de plus dans les prochaines semaines pour faire face à d’éventuels débordements liés à l’échéance du 24 septembre. Un effectif essentiel pour maintenir une situation qui s’est stabilisée au fil des semaines, selon le général Nicolas Matthéos, commandant de la gendarmerie. Des "points durs" persistent toutefois, en particulier à Saint-Louis, où la situation est "extrêmement complexe", admet le chef de la gendarmerie.

    Quel est, actuellement, l’état des effectifs de la gendarmerie en Nouvelle-Calédonie ?

    Le commandement de gendarmerie, en situation normale, c’est 1 000 gendarmes. Aujourd’hui, nous sommes 3 000. Les 2 000 de plus sont principalement des escadrons de gendarmerie mobile. Le format habituel, c’est cinq escadrons, nous sommes aujourd’hui à vingt-sept.

    Combien de temps vont être maintenus ces renforts sur le territoire ?

    Le temps qu’il faut, c’est une certitude. À la demande du haut-commissaire, ce dispositif va être renforcé à la fin du mois pour une période indéterminée, avec a priori 700 gendarmes mobiles supplémentaires pour faire face à l’échéance attendue du 24 septembre.

    Est-ce que cela signifie que vous redoutez un regain de violences à l’approche de cette date ?

    Nous ne sommes pas inquiets mais vigilants. Nous savons que certains pourraient en profiter pour relancer des émeutes. Pour faire face à toute menace, nous serons renforcés sur cette période.

    Nous devons maintenir cette présence permanente sur les axes du territoire, car certains enragés attendent une faille pour reproduire des actions de blocage.

    Dans la situation plus apaisée qu’on connaît ces dernières semaines, cet effectif est-il vraiment indispensable ?

    Oui, il est nécessaire parce qu’il faut stabiliser la situation. Les gendarmes tiennent le territoire, nous sommes présents partout, sur les axes et dans les quartiers difficiles. Il est évident que si nous n’étions pas présents de cette manière jour et nuit, nous aurions d’autres difficultés. Pas partout, mais dans le Grand Nouméa, c’est sûr. Car nous sommes toujours confrontés à des jeunes très violents, comme hier (dimanche NDLR) à La Conception. Une trentaine de jeunes très alcoolisés ont de nouveau tenté de bloquer la route principale du Mont-Dore, ce qui a conduit à des opérations de maintien de l’ordre. C’est un exemple, mais partout ailleurs, la situation est sous contrôle, à l’exception de Saint-Louis, certains endroits de Thio et de Canala. Mais nous devons maintenir cette présence permanente sur les axes du territoire, car certains enragés attendent une faille pour reproduire des actions de blocage.


    Aujourd’hui, 3 000 gendarmes sont présents sur le territoire, soit 2 000 de plus qu’habituellement. Photo Anthony Tejero

    Un nouveau 13 mai est-il envisageable ?

    Non, ça semble peu probable. Pour plusieurs raisons : nous sommes nombreux et nous occupons le terrain. Deuxièmement, il y a eu une forte activité judiciaire qui a permis d’évincer un certain nombre d’émeutiers. Troisièmement, je pense qu’aujourd’hui, il y a beaucoup moins d’insurgés car une partie d’entre eux ont compris que cette espèce de folie qui s’est emparée d’eux le 13 mai a mené le pays au bord du gouffre. Et puis, je dois reconnaître qu’un travail a été entrepris par les élus, en particulier les maires du Grand Nouméa, pour renouer le contact et recréer les conditions d’un vivre ensemble. Toutes ces raisons font que le spectre d’un 13 mai bis semble peu probable, même si nous restons vigilants. Les consignes du haut-commissaire sont claires : nous utiliserons toute la force publique nécessaire pour éviter le retour d’une situation insurrectionnelle, avec des moyens qui sont aujourd’hui considérables.

    Une bande armée s’est constituée pour empêcher de nouveau toute circulation sur les 6 km de route.

    Vous avez évoqué Saint-Louis, où des verrous ont été installés sur la RP1 il y a quelques semaines. Quelle est la situation sur place ?

    Elle est extrêmement complexe. Nous avons constaté, dès le début du mois de mai, un niveau inédit de violence au sein de la tribu, avec un nombre de tirs important sur les gendarmes. On a relevé environ 300 tirs durant cette période, dont 200 tirs qui ont touché des véhicules de la gendarmerie. Il y a une volonté très forte de tuer des gendarmes ainsi que de s’en prendre aux automobilistes. Il y a eu 60 car-jackings lors des mois de mai, juin et juillet. Alors que la situation se réglait, nous avons connu un brusque regain de tensions à la mort de Rock Victorin Wamytan, dit " Banane ". Une bande armée s’est constituée pour empêcher de nouveau toute circulation sur les 6 km de route. Ça a donné lieu à la mise en place de ces verrous, parce que nous étions incapables d’assurer la sécurité des usagers de la route. Il y avait des tireurs embusqués qu’il était impossible de localiser et qui se dissimulaient parmi les habitants. Cela rendait tout tir de riposte, très encadré par la loi, impossible. Nous avons donc été obligés de fermer la route. Aujourd’hui, nous avons des résultats judiciaires, sur les tireurs comme sur les responsables des car-jackings. La population de la tribu, victime de ces gens-là, et les chefs coutumiers nous aident à trouver une solution. Bien sûr, je suis effondré de voir qu’il y a 15 000 personnes qui vivent dans ces conditions de l’autre côté. On veut trouver une solution rapide et on va y parvenir. Aujourd’hui, nous avons pu identifier l’ensemble des tireurs et des voleurs de voitures et nous irons les chercher un par un, sous l’autorité du procureur de la République. Le haut-commissaire souhaite que cette route soit ouverte le plus vite possible, à condition qu’on ait la capacité d’assurer la sécurité des usagers de la route. Le faire avant serait dangereux.

    Avez-vous une idée du temps que cela pourrait prendre pour la levée de ces verrous et la réouverture de la RP1 ?

    Non, nous n’avons pas de perspective. J’espère que cette situation prendra fin le plus vite possible, à la fois pour les gens du sud de la commune mais aussi pour la population de la tribu, tout autant victime de ces agissements.


    La route provinciale 1, au Mont-Dore, est complètement bouclée. Impossible de passer devant la tribu de Saint-Louis. Deux "verrous", un à Saint-Michel/Thabor et l’autre à La Coulée empêchent tout accès à la tribu en voiture. Photo Aurélia Dumté

    Pourquoi cela prend autant de temps ?

    Plusieurs paramètres doivent être pris en compte : il ne faut pas exposer des civils, habitants et usagers de la route. Ensuite, il est très difficile pour nous d’identifier la position des tireurs. Beaucoup de tirs viennent de zones habitées et les tireurs se dissimulent au sein de la population civile nous empêchant de procéder à des tirs de riposte.

    On retrouve une jeunesse perdue, victime d’addictions très fortes à la drogue et à l’alcool, qui ne répond plus à aucun cadre, y compris coutumier.

    La priorité reste-t-elle d’interpeller ces tireurs ?

    Bien sûr, cela dit on ne laissera personne menacer avec une arme un civil ou un gendarme sans que nous réagissions immédiatement. Ce qui veut dire être capable d’utiliser notre arme. La légitime défense s’impose à nous. Mais nous irons les chercher là où ils se cachent, comme ça a été le cas vendredi avec l’interpellation d’un individu que nous connaissons bien. Les enquêtes sont fastidieuses et méticuleuses. Nous avons constitué un groupe d’enquête pour présenter ces gens devant la justice avec un dossier étayé.

    Si la situation s’est apaisée dans le Grand Nouméa, on a le sentiment que c’est désormais la Brousse et les îles qui menacent de s’embraser, avec plusieurs faits recensés ces dernières semaines. Est-ce un constat que vous partagez ?

    Notre inquiétude majeure s’est d’abord protée sur le Grand Nouméa, mais il y a eu une épidémie de violence importante partout sur le territoire, notamment chez les jeunes. Je dois dire, car c’est un constat qui s’impose, que cette violence concerne des jeunes que nous connaissions déjà pour des faits de délinquance, parfois graves. On retrouve ainsi une jeunesse perdue, victime d’addictions très fortes à la drogue et à l’alcool, qui ne répond plus à aucun cadre, y compris coutumier, et qui s’inscrit dans une contestation aveugle de toute autorité, qui a certainement été manipulée à un moment donné. Mais je constate que quand les structures coutumières sont fortes, ces jeunes sont repris en mains, notamment sur les îles.

    Est-il aujourd’hui possible de circuler en toute sécurité sur l’ensemble de la Grande Terre ?

    Sur la côte Ouest, oui. La situation est sous contrôle. Sur la côte Est, il faut faire preuve d’une certaine prudence, car il y a parfois des jeunes qui peuvent organiser des actions surprises.

    Ce qui s’est passé ce week-end [à l’île des Pins] est vraiment scandaleux. Il s’agit d’une minorité de jeunes.

    Qu’en est-il des îles ? On a vu que des actes violents pouvaient se produire, avec l’agression ce week-end de deux élues à l’île des Pins.

    Ce qui s’est passé ce week-end est vraiment scandaleux. Il s’agit d’une minorité de jeunes. Ces élues étaient invitées dans une tribu, ce qui prouve à quel point ces jeunes sont en dehors de tout cadre, car ils ne respectent même pas la valeur sacrée de l’hospitalité. Mais il faut faire attention aux effets grossissants : il y a une minorité active et très violente qui ne traduit pas l’état général de la population.

    La violence dirigée contre les gendarmes est-elle toujours aussi importante ?

    Nous avons été confrontés à un niveau assez consternant de violence, ça nous a beaucoup surpris. Ça a duré plusieurs semaines, ce qui nous a conduits à perdre deux camarades. On a eu 500 gendarmes blessés depuis le début. Si cette violence s’est relativement calmée, on est par moments encore soumis à des regains. Ce week-end, j’ai eu sept gendarmes blessés, trois à Thio et quatre à La Conception, principalement par des jets de cailloux. Cela prouve que cette violence, exercée par quelques jeunes qui sont restés dans une volonté de chaos et de contestation radicale de l’autorité, se poursuit.


    Le général Matthéos souhaiterait "que les barrages soient levés" maintenant que les forces de l’ordre sont capables d’assurer la sécurité partout. Photo Anthony Tejero

    Certains évoquent la disparition, depuis le début de la crise, de 500 personnes d’origine kanak, une information reprise par des responsables politiques ainsi que par des experts de l’ONU. Qu’en est-il ?

    Ça vient des réseaux sociaux. C’est bien sûr un mensonge. Et je trouve ça assez terrible que certains osent manipuler ainsi les gens avec des propos d’une telle gravité. C’est un scandale que de telles informations circulent. Nous sommes dans un état de droit, où la police et la gendarmerie rendent compte aux autorités représentantes de l’État et judiciaires. Nous ne cachons rien, et ceux qui font circuler ces informations, en excitant les plus crédules, portent une grande responsabilité dans les violences actuelles.

    Si la situation s’aggrave parce que des jeunes sont alcoolisés et deviennent plus violents, la vente d’alcool sera de nouveau interdite

    Environ 2 600 interpellations ont eu lieu depuis le déclenchement des violences. Comment gérer un tel flux ?

    Nous avons renforcé en la police judiciaire, de manière considérable, en volume comme en moyens. Nous sommes en lien quotidien avec le parquet qui s’est organisé pour que les magistrats puissent absorber ce flux. La gendarmerie a su monter en puissance et s’adapter.

    Des " voisins vigilants " continuent de tenir des barrages sur différents axes et dans les quartiers. Quelle est la position de la gendarmerie à ce sujet ?

    À l’origine, ils protégeaient leurs quartiers. Ce qu’on souhaiterait, maintenant que nous sommes capables d’assurer la sécurité partout, c’est que ces barrages soient levés. C’est important que les unes et les autres comprennent qu’il n’y a plus de danger immédiat sur leurs quartiers et que ce réflexe d’autoprotection qu’ils ont adopté n’a plus lieu d’être. Je les invite à nous faire confiance.

    La vente d’alcool a été de nouveau autorisée il y a deux semaines sous certaines conditions. Avez-vous constaté, sur le terrain, un effet de cette décision du haut-commissaire ?

    Nous sommes en train de mesurer les conséquences de cette libéralisation de l’alcool. Le haut-commissaire est très clair là-dessus : si la situation s’aggrave parce que des jeunes sont alcoolisés et deviennent plus violents, la vente d’alcool sera de nouveau interdite. Les conséquences ne sont pas forcément immédiates, mais la question se reposera.

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