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    Nouvelle Calédonie
  • Baptiste Gouret | Crée le 21.06.2024 à 17h44 | Mis à jour le 22.06.2024 à 05h47
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    Député sortant, Nicolas Metzdorf se présente aux élections législatives sur une liste "d’union des non-indépendantistes". Photo Baptiste Gouret
    Après deux ans d’un premier mandat à l’Assemblée nationale, Nicolas Metzdorf se présente aux élections législatives sur une liste "d’union de non-indépendantistes". Le député sortant espère tirer avantage de cette première expérience au palais Bourbon, et mènera campagne sur ce qu’il appelle "le bon sens" : condamner les leaders de la CCAT pour mieux discuter avec ceux qu’il qualifie "d’indépendantistes démocrates".

    Qu’est-ce qui a motivé cette nouvelle candidature ?

    Plusieurs raisons. Déjà, je n’ai pas fini mon travail à l’Assemblée nationale. Un mandat c’est cinq ans, je n’en ai fait que deux. Il me reste des choses à faire. Me représenter a un sens au niveau de mon travail et de mon investissement à l’Assemblée. Je ne crois pas avoir déçu les Calédoniens à ce sujet. La deuxième raison, c’est que je ne voulais pas offrir cette victoire à la CCAT de ne pas me représenter. C’est un message aux militants de la CCAT, qui ont voulu semer la terreur en Nouvelle-Calédonie, pour leur faire comprendre que je ne suis pas victime de cette terreur-là.

    Vous vous présentez sur une liste "d’union des non-indépendantistes" ? Il manque toutefois Calédonie ensemble. Avez-vous envisagé une alliance avec ce parti ?

    Ça fait deux ans, depuis les dernières législatives, que Calédonie ensemble a pris un chemin très solitaire. L’annonce de la candidature de Philippe Dunoyer, faite très seul et très tôt, sans discussion en amont, en est la démonstration. Je n’ai déclaré ma candidature que le jeudi, parce que j’ai laissé le temps à la négociation. Je n’ai pas de critique à formuler sur leurs choix politiques, mais choisir c’est renoncer, ils ont renoncé à l’union, c’est comme ça.

    Pourquoi avoir pris la décision de changer de circonscription et de vous présenter dans la première, en face de Philippe Dunoyer, député sortant de la majorité ?

    C’est la conséquence d’une union entre les six partis politiques. Nous avons décidé, collectivement, que les deux meilleurs candidats pour ces élections étaient Alcide Ponga et moi-même. Alcide avait plus de légitimité dans la deuxième que dans la première, c’est comme ça que ça s’est décidé. Après, quand on est député, on l’est de toute la Nouvelle-Calédonie, on ne dirige pas un espace géographique.

    La majorité présidentielle comme on la connaissait n’existera plus au lendemain des élections.

    Concernant Philippe Dunoyer, nous étions dans le même groupe à l’Assemblée, mais nous avons toujours adopté des lignes politiques très différentes. Je considère que la ligne politique de Calédonie ensemble est celle du renoncement. Ce sont ceux qui cèdent à la violence, à la haine et à la terreur, qui ne dénoncent pas la CCAT, qui accueillent même ses militants sur le terrain du candidat de la deuxième circonscription [Gérard Poadja NDLR] quand ils se font refuser l’entrée du congrès du FLNKS… Moi, j’adopte une ligne de bon sens. Je combats ceux qui sèment la terreur et je travaille avec les démocrates. On n’est donc pas sur la même ligne politique.

    Avez-vous reçu l’investiture du parti présidentiel Renaissance ?

    Je ne l’ai pas demandée. Je considère qu’on est à un moment de l’histoire où les députés qui seront envoyés à Paris devront avant tout être des députés qui travaillent pour la Nouvelle-Calédonie, avant d’être affiliés à des lignes politiques nationales. On va entrer dans un moment où les Calédoniens auront leurs intérêts et l’État les siens. Il faut donc garder une liberté de parole. Ce qui n’empêche pas que j’aie conservé de bons liens, autant avec la majorité présidentielle qu’avec le Rassemblement National. Je pense aussi que la majorité présidentielle comme on la connaissait n’existera plus au lendemain des élections. On ne va pas retrouver les mêmes groupes politiques. On verra apparaître des groupes pivots entre la majorité et la droite, on devrait me retrouver dans cette branche-là. Tout le monde sait qu’à Renaissance, je faisais partie de l’aile droite du groupe. Cette tendance-là va prendre vie, avec peut-être d’anciens LR. Toujours est-il que je serai à droite de l’échiquier politique national à l’Assemblée, ce n’est pas une surprise.

    Comment s’est déroulée cette première semaine de campagne ? Et comment réussissez-vous à la mener dans un pays traversé par une crise insurrectionnelle ?

    Elle se déroule très bien. J’ai beaucoup de monde dans mes réunions. Le couvre-feu à 20 heures nous permet de caler des réunions à 17h30-18 heures pour les terminer vers 19h30. Je passe aussi sur les différentes barricades de voisins vigilants, avec qui j’échange beaucoup. Il y a aussi tout le travail sur les réseaux sociaux ainsi que dans les médias traditionnels.

    Je vais à la table des négociations, mais je ne m’y précipite pas.

    La première circonscription est composée de Nouméa, de l’île des Pins et des Loyauté. Avez-vous l’intention de vous rendre dans les îles ?

    Oui, on y travaille. Il y a des questions de logistique qui se posent aujourd’hui, notamment en termes d’autorisations de transport. Mais oui, il y a une volonté d’aller dans les îles.

    Quels sont les thèmes que vous souhaitez aborder avec les Calédoniens durant cette campagne ?

    Dans des moments de grande incertitude, il faut revenir aux principes fondamentaux et au bon sens. C’est le maître-mot de ma campagne. Le futur statut de la Nouvelle-Calédonie doit découler des résultats démocratiques des trois référendums. Il y a actuellement une contestation insurrectionnelle à la suite de ces trois référendums et de sa déclinaison sur le dégel du corps électoral. Ces revendications, qui détruisent l’économie calédonienne et le tissu social, doivent être combattues par les forces de l’ordre et condamnées par la justice. Il n’y a pas de place, dans une société démocratique, pour la violence, la haine et la destruction. Il n’y aura aucune intransigeance là-dessus. C’est important parce que, l’ordre et la sécurité, c’est la première des libertés dans un pays démocratique.

    Ensuite, je défends la nécessité d’avancer politiquement avec les indépendantistes démocrates, pour concrétiser un nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie. Je vais à la table des négociations, mais je ne m’y précipite pas. J’y vais sereinement, en demandant aux indépendantistes : pourquoi n’avez-vous pas respecté les accords de Matignon et de Nouméa ? Je ne veux pas que mes enfants revivent ce que leurs parents et leurs grands-parents ont vécu. J’ai eu une discussion avec mon père, particulièrement touché, qui m’a dit : je suis désolé de t’avoir mis là. Je ne veux pas avoir à le dire à mes enfants. La discussion avec les indépendantistes devra donc être nettoyée de toute naïveté, d’extrémisme et de va-t-en-guerre. Il faudra parler de ce qu’on veut comme nouveau contrat social et comme modèle de société pour la Nouvelle-Calédonie. Est-ce que la poignée de mains a été trop fantasmée ou est-ce qu’elle a vraiment un sens ? De la réponse à cette question va découler la future organisation politique de la Nouvelle-Calédonie.

    Ce n’est pas le moment d’envoyer un néo-député.

    Le troisième point que je développe dans ma campagne est celui de la reconstruction. La crise économique et sociale est devant nous, ce sera la plus grande de notre histoire. Nous sommes actuellement sous tutelle, de facto, et les institutions calédoniennes sont devenues des boîtes aux lettres qui servent à redistribuer l’argent que nous verse l’État. Ce qui va définir notre capacité à nous relancer comme un pays riche, c’est le montant du chèque de l’État. Le rôle des députés va donc être central.

    La dissolution de l’Assemblée nationale et la convocation de nouvelles élections semblent justement avoir mis un coup d’arrêt au traitement du dossier calédonien dans l’Hexagone. La Nouvelle-Calédonie peut-elle se permettre d’attendre le 7 juillet pour redevenir un sujet national ?

    Le 7 juillet, c’est le jour des résultats des élections législatives, mais il s’agira ensuite de composer un nouveau gouvernement, que les ministres se saisissent des dossiers… On sait également qu’il y aura les vacances d’août et les Jeux olympiques. Donc il faudra des députés qui fassent entendre la voix de la Nouvelle-Calédonie, qui connaissent le fonctionnement de l’Assemblée nationale, qui connaissent les différents responsables politiques des partis et qui souhaitent travailler uniquement dans l’intérêt de la Nouvelle-Calédonie. Je pense avoir démontré, en deux ans, que j’avais pris totalement mes aises à l’Assemblée nationale. Il va falloir aller vite, avec des gens efficaces. Ce n’est pas le moment d’envoyer un néo-député.

    Vous êtes devenue une personnalité très controversée. Pensez-vous être en mesure d’incarner le dialogue en Nouvelle-Calédonie ?

    Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou se sont serré la main parce qu’ils étaient les chefs d’un camp. Je suis un des leaders du camp non-indépendantiste. Être au milieu, ça ne sert pas à grand-chose, car ceux qu’il faut mettre d’accord, ce sont les non-indépendantistes convaincus et les indépendantistes convaincus. Je défends un camp, je l’ai toujours assumé.

    Si on légitime les leaders de la CCAT, on condamne les indépendantistes démocrates.

    Mercredi, onze responsables de la CCAT ont été interpellés et placés en garde à vue. C’est quelque chose que vous demandiez depuis plusieurs semaines. Qu’est-ce que cela change dans la résolution de cette crise ?

    Absolument tout. Ça veut dire qu’on est redevenu un état de droit, et aucun pays démocratique ne se construit sans cela. C’est un message envoyé à tous ceux qui veulent piller, brûler, saccager : prendre le pouvoir par la force et par la rue plutôt que par les urnes, ça ne marchera pas. Cela veut aussi dire que ce sont les indépendantistes démocrates qui ont raison. Car si on légitime les leaders de la CCAT, alors on condamne les démocrates et ceux qui veulent construire avec nous. Ceux qui, bien qu’ils refusent la Nouvelle-Calédonie française, ont envie d’avancer et de convaincre, plutôt que de menacer et de terroriser. C’est très important. Et c’est pour ça que j’en veux beaucoup aux non-indépendantistes qui ne dénoncent pas la CCAT.

    Y a-t-il déjà eu des échanges avec les indépendantistes que vous appelez "démocrates" ?

    Quotidiennement. Il y en avait déjà avant pour trouver un accord politique. Aujourd’hui, ils concernent surtout le maintien d’une relation. Mais oui, nous échangeons tout le temps.

    Les discussions semblent toutefois au point mort, malgré l’installation de la mission du dialogue par Emmanuel Macron et la volonté d’un accord global fin juin. Qu’en est-il ?

    Ce qui empêche de trouver un accord, ce sont les extrémistes et les fanatiques, la branche dure de l’Union calédonienne, qui a créé la CCAT. Il faut que les Calédoniens comprennent que les seuls radicaux de ce pays sont ceux qui ont créé la CCAT. Comment peut-on signer un accord ? Comment voulez-vous qu’une mission du dialogue réussisse ? Le président de la République lui-même n’a pas réussi. Il a reçu Christian Téin et, un mois plus tard, il est en garde à vue. Comment négocier avec le fascisme ? La mission du dialogue, les accords, le consensus… Tous ces mots utilisés à tort et à travers ne marcheront que quand ceux qui ne veulent pas de la démocratie seront mis de côté. C’est du bon sens.

    Cela fait plusieurs semaines que le dispositif des forces de l’ordre est très conséquent sur le territoire, avec plus de 3 000 policiers et gendarmes, et pourtant la sécurité est loin d’être revenue partout. Comme l’expliquez-vous ?

    C’est l’ADN de la France. La relation au maintien de l’ordre n’est pas la même que dans des pays anglo-saxons.

    Vous le regrettez ?

    Je pense que beaucoup de Calédoniens le regrettent, parce que ça fait cinq semaines et que ça continue. Il y a une forme d’incompréhension.

    Continuez-vous de penser qu’il faut un retour de l’ordre partout avant d’entamer les discussions ?

    Le placement en garde à vue des leaders de la CCAT est la démonstration que l’État est dans une logique de maintien de l’ordre et de respect de la justice. Ça permet au FLNKS de comprendre les limites. À ce moment-là, toutes les conditions sont réunies pour discuter. Je n’ai désormais aucun problème à ce qu’on dialogue et échange rapidement, mais pas naïvement.

    Aujourd’hui, je suis opposé à ce que les provinciales se tiennent en 2024.

    Le président de la République a annoncé sa décision de suspendre le projet de loi sur le dégel. Qu’en pensez-vous ?

    J’ai le sentiment que c’était peut-être pour calmer les ardeurs indépendantistes. Mais tout le monde savait que le projet était de facto suspendu car l’Assemblée était dissoute. Mais le texte n’est pas mort, ceux qui disent l’inverse c’est pour supplier les émeutiers de lever les barrages. Je ne suis pas là pour dire ce que les indépendantistes veulent entendre. Le texte est suspendu, pas retiré.

    Le dégel ne pourrait-il pas, plutôt, être intégré à un accord global ?

    Je l’ai toujours dit sur le sujet du dégel du corps électoral, et je ne change pas de version parce qu’il y a eu des émeutes : priorité à l’accord politique, mais si nous n’en trouvons pas, les élections provinciales devront de toute façon se tenir avec un corps électoral dégelé.

    Est-ce que vous envisagez la tenue de ces élections provinciales à décembre 2024 comme c’était initialement prévu ?

    Ça me semble compliqué. On est ruiné pour 2024. La priorité doit être le quotidien des Calédoniens : comment vont-ils toucher leurs salaires, s’approvisionner correctement, comment les écoles pourront ouvrir en toute sécurité… On n’aura pas le temps de s’amuser à faire une nouvelle campagne. Donc, aujourd’hui, je suis opposé à ce que les provinciales se tiennent en 2024.

    Vous avez désigné Françoise Suve comme suppléante. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

    Une suppléance c’est un rôle important, car si je meurs, ou pire, si je deviens ministre, la suppléante sera amenée à me remplacer à l’Assemblée. Il faut quelqu’un de politique : elle est cheffe de groupe des Loyalistes au Congrès. Il faut quelqu’un de technique : ça fait deux mandats qu’elle est adjointe à la mairie de Nouméa. Et il faut quelqu’un d’engagé : son discours à l’ONU a démontré que c’était une femme courageuse et de conviction, donc je trouve qu’elle a l’étoffe d’une députée, si jamais je ne pouvais plus assumer ma fonction.

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