- Baptiste Gouret | Crée le 13.05.2024 à 05h00 | Mis à jour le 13.05.2024 à 05h00ImprimerAprès un passage au Sénat fin mars, le projet de réforme constitutionnelle visant à ouvrir le corps électoral calédonien sera étudié par les députés dans la nuit de lundi à mardi. Son adoption donnerait lieu à un Congrès de Versailles fin juin ou début ju Photo AFP/Christophe ArchmbaultÉvoquée pour la première fois par le président de la République en juillet 2023 sur la place des Cocotiers, la révision constitutionnelle a poursuivi son parcours institutionnel malgré les négociations ratées, les oppositions formulées et la colère de la rue. À quelques heures du vote, prévu dans la nuit de lundi à mardi, de ce projet de loi visant à dégeler le corps électoral à l’Assemblée nationale, les Nouvelles reviennent sur dix mois rythmés par un texte devenu incontournable dans le débat sur l’avenir calédonien.
26 juillet 2023 : Macron prône une révision de la Constitution "d’ici début 2024"
Emmanuel Macron, lors de son discours place des Cocotiers, à Nouméa le 26 juillet 2023. Photo Baptiste GouretPlus de 10 000 personnes sont réunies sur la place des Cocotiers, ce mercredi 26 juillet, pour écouter le discours du président de la République. Beaucoup de drapeaux français, et un rendez-vous boudé par les indépendantistes, militants comme responsables. Deux heures d’allocution, durant lesquelles Emmanuel Macron glisse pour la première fois sa volonté de voir la Constitution révisée d’ici "début 2024" afin d’avancer sur la question sensible du corps électoral, gelé depuis 2007, dans l’optique des élections provinciales qui doivent se tenir en mai 2024. Un nouveau cadre juridique offert au territoire qu’il conditionne toutefois à "un consensus" trouvé entre indépendantistes et loyalistes. "Il faudra de toute façon un changement de la Constitution et ce changement se tiendra", déclare le chef de l’État, lors d’un entretien accordé à RRB, Caledonia et NC La 1ère.
Septembre 2023 : indépendantistes et loyalistes réunis à Paris
Alors qu’ils n’ont plus échangé depuis fin 2019 et le troisième référendum, boycotté par les indépendantistes, les deux camps se retrouvent à Matignon, le 6 septembre, à la demande d’Emmanuel Macron. L’occasion d’enclencher la construction d’un consensus vers "un nouveau projet dans la République", écrit l’Élysée. La Première ministre, Élisabeth Borne, évoque alors un calendrier pour un accord à l’automne et une révision constitutionnelle début 2024.
Place Beauvau, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, dévoile dans la foulée un projet d’accord en six points lors d’une réunion trilatérale. Un "document martyr" censé servir de support aux discussions entre les deux camps.
Octobre-novembre 2023 : les échanges se multiplient… sans l’UC
Ce socle de travail remis aux délégations indépendantistes et non-indépendantistes brasse large : code de la citoyenneté, corps électoral pour les natifs et les habitants depuis plus de dix ans, droit à l’autodétermination, nouvelle répartition du Congrès… La liste de propositions est longue et n’est pas du goût de tout le monde. Voire de personne. L’Union calédonienne s’offusque de ce document que le parti juge "inacceptable", en particulier l’idée d’un dégel du corps électoral et d’un droit à l’autodétermination renvoyé aux calendes grecques. Du côté loyaliste, les élus dressent une liste de contre-propositions, entre citoyenneté dès 5 ans de résidence, passage à l’euro et fin des revendications foncières. Des réunions de travail, pilotées par Rémi Bastille, chargé par Matignon du dossier calédonien, sont organisées au haut-commissariat. Les groupes Les Loyalistes, Rassemblement, Calédonie Ensemble et UNI s’y retrouvent, tandis que l’UC décide de les boycotter.
24-25 novembre 2023 : Darmanin en visite, l’UC souffle le chaud et le froid
Fin novembre 2023, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin reçoit les représentants de l’Union calédonienne. Ces derniers déclineront toutefois une réunion trilatérale avec les loyalistes. Photo Anthony TejeroLe ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer débarque sur le territoire avec l’intention de multiplier les rencontres. D’abord en bilatérale, avec la réception des représentants de l’Union calédonienne dès ses premières heures sur le Caillou. Trois heures d’échanges et beaucoup de "discussions de fond" abordées, salue Gilbert Tyuienon à la sortie du haut-commissariat. Au vu de ce rendez-vous, Gérald Darmanin décide de convier toutes les parties à une réunion trilatérale. Au dernier moment, l’UC décide de finalement ne pas y participer. "J’ai été un peu échaudé de voir qu’une partie des indépendantistes, notamment l’Union calédonienne, ne voulait pas rentrer dans la discussion", s’agace le ministre, lors de son interview télévisée. Un entretien où il annonce également sa décision d’engager le processus de dégel du corps électoral au 31 décembre à travers le dépôt d’une loi organique si aucun accord n’est trouvé au niveau local.
Décembre 2023 : deux projets de loi déposés
Sur recommandation du Conseil d’État, le gouvernement décide finalement de passer par un projet de loi constitutionnel pour ouvrir le corps électoral des élections provinciales, gelé depuis 2007. Le texte déposé prévoit que les personnes nées ou présentes depuis plus de dix ans en Nouvelle-Calédonie puissent prendre part au scrutin. Un second projet de loi, organique cette fois, est également déposé par le gouvernement afin de repousser la date des provinciales, dont l’échéance initiale de mai 2024 semble intenable, au plus tard au 15 décembre 2024. "Les mandats en cours des membres des assemblées concernées seront donc prolongés", annonce Matignon.
Février 2024 : Darmanin de retour dans un contexte tendu
Officiellement, le ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer revient sur le territoire simplement pour évoquer les politiques publiques menées par l’État en Nouvelle-Calédonie. Mais la question de l’avenir institutionnel rattrape vite Gérald Darmanin. Au premier jour de son déplacement, la mobilisation de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT) organisée dans le centre-ville de Nouméa pour manifester l’opposition des indépendantistes au dégel du corps électoral, dégénère. Des affrontements éclatent entre manifestants et forces de l’ordre lorsque le cortège arrive devant le siège du gouvernement. Cinq gendarmes sont blessés. Plusieurs manifestants seront interpellés quelques jours plus tard.
18 mars 2024 : l’Assemblée nationale adopte le report des provinciales
Dans un hémicycle clairsemé, les députés français votent en faveur du projet de loi organique repoussant "au plus tard au 15 décembre 2024" les élections provinciales, trois semaines après un vote similaire au Sénat. Le texte est soutenu par le camp présidentiel, le Parti communiste, Les Républicains et le Rassemblement national. Le groupe formé par La France Insoumise, les communistes et les écologistes s’y oppose.
23 mars 2024 : un 42e congrès du FLNKS pour marquer "l’unité" des indépendantistes
Au terme du 42e congrès du FLNKS, les militants actent plusieurs grands principes et leur unité dans l’opposition au projet de dégel du corps électoral. Photo Baptiste GouretÀ Kaïmolo, dans le quartier de Dumbéa rivière, ils sont plus de 700 militants à participer au 42e congrès du FLNKS, dans un contexte tendu et marqué par l’arrivée prochaine du projet de révision constitutionnelle au Sénat. Malgré les divergences au sein du Front, c’est l’occasion pour les indépendantistes d’afficher leur unité autour d’une série de positions réaffirmées : volonté de poursuivre le processus de décolonisation de la Nouvelle-Calédonie, accession à la pleine souveraineté, souhait d’un accord local et opposition ferme et définitive au projet de loi visant à réformer la Constitution. Au terme du congrès, le FLNKS formule officiellement une demande de "retrait définitif" du texte.
26 mars 2024 : les sénateurs adoptent le projet de dégel
La demande reste toutefois lettre morte et le texte poursuit son parcours législatif au sein des institutions françaises. Le 26 mars, en séance publique, les sénateurs adoptent le projet de dégel lors de l’examen de la réforme constitutionnelle. Ils décident néanmoins de remodeler le projet de loi afin de favoriser le dialogue entre les camps indépendantistes et loyalistes en votant la possibilité de suspendre la réforme constitutionnelle jusqu’à dix jours avant les élections si un accord entre élus locaux est trouvé.
13 avril 2024 : loyalistes et indépendantistes descendent dans la rue
Le 13 avril, indépendantistes et non-indépendantistes ont réuni plusieurs dizaines de milliers de manifestants dans les rues de Nouméa. Photomontage LNC / photos ATAprès plusieurs marches et manifestations des pro comme des anti-dégel du corps électoral les semaines précédentes, les deux camps veulent faire de cette journée une véritable démonstration de force. Loyalistes et indépendantistes parviennent à faire descendre plusieurs dizaines de milliers de manifestants dans les rues du centre-ville de Nouméa. 15 000 ? 30 000 ? 50 000 ? La bataille des chiffres est lancée, mais c’est surtout l’image d’un pays profondément divisé autour du projet de loi qui ressort de cette journée de mobilisation.
30 avril 2024 : un rapport parlementaire plaide pour une "mission impartiale"
Après cinq jours passés en Nouvelle-Calédonie mi-mars, les députés de la mission d’information sur l’évolution du statut des outre-mer publient un rapport sur la situation calédonienne. Dans leurs conclusions, Philippe Gosselin (LR), Davy Rimane (Nupes) et Tematai Le Gayic (Nupes) plaident pour la mise en place d’une "mission impartiale" en vue de parvenir à un "accord global" entre partenaires calédoniens. Une proposition qui rejoint la demande de création d’une mission de médiation formulée par l’Union calédonienne, qui juge la reprise des discussions impossible avec l’État, accusé de partialité. En revanche, le parti annonce avoir décidé, lors d’un comité extraordinaire, de reprendre les discussions avec les partenaires calédoniens, rompues depuis plusieurs mois.
Mi-mars, trois députés de la mission d’information sur l’évolution du statut des outre-mer sont venus en Nouvelle-Calédonie avant de publier un rapport parlementaire plaidant pour la création d’une "mission impartiale". Photo Baptiste Gouret8 mai 2024 : en commission, les députés donnent leur feu vert au dégel du corps électoral
Réunis en commission, les députés débattent du projet de réforme constitutionnelle. Le camp présidentiel, la droite et l’extrême droite affichent leur soutien au texte, tandis que la gauche tente de lui faire barrage en multipliant les amendements, finalement tous rejetés ou retirés. À la majorité, les députés donnent leur feu vert à l’examen de la réforme à l’Assemblée. Rapporteur du texte, le député calédonien Nicolas Metzdorf se félicite d’une "étape majeure en faveur du dégel" qui vient d’être franchie.
Ce sera désormais en séance publique que les députés français auront pour mission d’examiner le texte, dans la nuit de lundi 13 au mardi 14 mai. S’il venait à être adopté dans les mêmes termes qu’au Sénat, la suite prendra la forme d’un Congrès de Versailles réunissant les deux chambres, seul moyen de réformer la Constitution. Il pourrait avoir lieu fin juin ou début juillet.
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