- Olivier Poisson | Crée le 15.03.2023 à 07h10 | Mis à jour le 15.03.2023 à 23h26Imprimer16 mars 2023 : la dernière Une des Nouvelles Calédoniennes
Voilà, c'est terminé. Après près de 52 ans d'existence, Les Nouvelles Calédoniennes ont baissé le rideau hier soir. Les salariés, qui ont appris vendredi dernier la mise en liquidation judiciaire du quotidien, mais aussi du Gratuit et des Imprimeries réunies de Nouméa, n'ont même plus le droit de rentrer dans des locaux qu'ils ont fait vivre des décennies durant. Et l'on a beau savoir que c'est la loi, que tout doit être gelé à la date du jugement, cela n'en est pas moins d'une violence inouïe pour ceux qui faisaient encore vivre ces institutions calédoniennes juste quelques heures auparavant.
Plus tard, lorsque l'émotion sera passée, il faudra tirer les enseignements de la disparition du seul quotidien de l'île.
Car que ce soit aux Nouvelles, au Gratuit, aux IRN, tous dans les services ont décidé dès vendredi, une fois le choc de l'annonce passé, qu'ils iraient au bout de l'aventure, qu'ils travailleraient jusqu'à la dernière minute pour apporter des informations, accompagner les annonceurs, avancer sur l'administratif et la comptabilité, finir tant que faire se peut les travaux d'imprimerie... Tous avaient la boule au ventre, mais ils n'ont rien lâché, pour nos partenaires, pour les clients et les annonceurs qui ont été fidèles jusqu'au bout. Ils ont même accepté de poser pour une ultime photo afin de vous dire au revoir à tous.
Oui, ces quelques jours de plus, ils ont réussi à les faire parce qu'ils pensaient aux lecteurs, certes moins nombreux qu'avant, mais toujours aussi attachés à notre titre. Des lecteurs qui ont d'ailleurs été des dizaines à nous envoyer un petit mot empreint de tristesse, pour nous, pour eux-mêmes.
Plus tard, lorsque l'émotion sera passée, il faudra tirer les enseignements de la disparition du seul quotidien de l'île. Et mettre sur la table tous les éléments d'une équation que nous n'avons plus réussi à résoudre ces dernières années. Il faudra parler bien sûr de taille critique : comment un journal peut-il vivre avec 270 000 habitants quand certains autres, dans les départements français, ont des difficultés en s'appuyant sur des bassins qui dépassent le million d'habitants ? Viendra ensuite la problématique de la publicité, qui a été très majoritairement captée par Internet et par les réseaux sociaux. Puis celui du coût des matières premières : le papier, pour ne citer que lui, est désormais acheté à un tarif exorbitant. Quant aux rotatives et autres machines d'impression à plat, elles ne disposent pas d'assez de travail sur un si petit territoire pour être rentables.
En Métropole par exemple, de nombreux journaux ont mutualisé depuis longtemps leurs centres d'impression.
Alors bien sûr, certains diront que Les Nouvelles n'ont pas réussi à se réinventer, pas été assez vite sur le numérique. C'est sans doute vrai, mais ce sont des investissements très importants qui n'auraient de toute manière pas pu être réalisés alors qu'il fallait déjà combler les pertes. La baisse du chiffre d'affaires a été si rapide que nous n'avons tout simplement pas pu, pas su maigrir assez vite. Un journal demande beaucoup de moyens humains, et ceux qui vous diront le contraire ne veulent pas réellement faire de l'information.
Enfin, pour ce dernier édito, je souhaite m'autoriser un message personnel aux équipes qui m'ont accompagné depuis de longues années déjà. Elles ont toujours mis beaucoup de cœur à l'ouvrage et, quoi qu'en disent les haineux, se sont toujours battues pour une certaine vision de l'information, vérifiée, de qualité, non orientée. Et je voulais les remercier pour cela. Une rédaction est une famille, avec ses désaccords, ses perceptions différentes, mais je n'ai connu dans celle-ci que des personnes qui voulaient aller dans le même sens. Nous n'étions pas toujours d'accord sur le chemin à emprunter, mais c'était aussi cela notre richesse. Référendums, Covid, faits divers, enjeux de société ou environnementaux : chacune et chacun avait la volonté de rapporter l'information, mais aussi de l'expliquer, d'essayer de trouver les sachants pour donner des clefs aux lecteurs, pour avancer de manière éclairée vers l'avenir de ce pays.
Un pays qui malheureusement n'a plus voulu de nous. Ou pas assez...
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