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    Nouvelle Calédonie
  • LNC | Crée le 02.06.2024 à 14h00 | Mis à jour le 09.08.2024 à 10h20
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    Jean-Baptiste Avelot (1879-1928) est le fils de Gabriel Avelot (1834-1899), et Catherine Berger (1851-1910). Adèle Gaash est la fille de Pierre Gaash, un ébéniste condamné en 1874 à huit ans de travaux forcés pour vol qualifié. Elle épouse Jean-Baptiste à Photo DR
    Troisième épisode de notre saga sur ces familles issues du bagne. Gabriel Avelot a commis plusieurs vols et a subi de légères peines de prison avant d’être condamné, en 1862, aux travaux forcés pour huit ans. Le jeune serrurier refait donc sa vie et devient père de famille. Une famille qui fait souche en Nouvelle-Calédonie, comme ailleurs. Émile Jean-Baptiste Paul Avelot porte les mêmes prénoms que son père et son grand-père, et aucun d’entre eux, semble-t-il, ne connaissait la véritable histoire familiale. La vie de Gabriel, son arrière-grand-père, est encore très mystérieuse, mais au moins sait-il maintenant comment elle a commencé.

    " Gabriel Avelot est né le 26 mai 1834 à Saint-Germain-en-Laye, d’un père taillandier et d’une mère jardinière. Domicilié à Paris, il est serrurier et sait bien lire et écrire.

    Je pense néanmoins que la famille est pauvre et qu’il commet des vols par nécessité. En 1859 et 1861, il est condamné à un an puis six mois de prison. Cette même année, il entre par effraction dans une maison d’habitation. Le vol de trop pour lequel la cour d’assises siégeant à Versailles le condamne le 5 mai 1862 à huit ans de travaux forcés. "


    Jean-Baptiste a exercé comme son père Gabriel le métier de mécanicien. Il travaille sur les locomotives, sur la ligne Païta-Nouméa puis sur les mines de phosphate aux Nouvelles-Hébrides et sur File de Makatéa, à Tahiti, où il décède d’un accident. Photo DR

    Émile Avelot tient devant lui ses classeurs, un pour chaque condamné de la famille, où les retranscriptions de documents officiels tentent de retracer une vie restée secrète près de 140 ans.

    "Gabriel est tout d’abord envoyé au bagne de Toulon où il arrive le 12 septembre 1862. À cette époque, la colonisation pénale de la Nouvelle-Calédonie n’a pas commencé.

    Quelques mois après sa condamnation, en novembre 1862, il est puni de quatre jours de retranchement pour avoir " été saisi avec un morceau de sucre ", cela en dit long sur la sévérité qui régnait alors dans les bagnes.


    Jean, le fils aîné de Jean-Baptiste et Adèle, et son épouse Marie Bouscasse. Ils se marient en 1940 puis se séparent après la guerre. Photo DR

    Le 6 janvier 1866, il est transporté sur la frégate la Sibylle. Le deuxième convoi part pour l’île Nou avec à son bord deux cents condamnés. Gabriel porte le matricule 276, il est parmi les tout premiers forçats envoyés à la Nouvelle. "

    Une vie après le bagne

    " Je n’ai aucune photo de mon arrière-grand-père. La description physique de son dossier nous informe qu’il était grand et blond aux yeux bleus. Il est libéré le 24 juin 1870, matricule 99, mais sa peine initiale de huit années l’empêche de repartir en Métropole.


    Emile Avelot, le deuxième enfant de Jean-Baptiste et Adèle, aux Nouvelles-Hébrides le jour de son premier mariage avec une demoiselle Clémenceau en 1932 (il porte un chapeau et fume une cigarette, sa femme est à côté avec un chapeau blanc). Avant de partir pour la Calédonie, Emile était stockman sur la propriété Bladinière à Tanna. Il s’occupait du bétail et des travailleurs des plantations. Photo DR

    Le 22 février 1873, il épouse Catherine Berger. Catherine est née à Cuffy, dans l’Oise, en 1851. Nourrice, sachant lire et écrire, elle est condamnée le 20 octobre 1871 par la cour d’assises de la Seine à deux ans de prison pour soustraction frauduleuse. Partie de Toulon sur la Virginie aux côtés de 180 forçats et 31 femmes, elle arrive dans la colonie le 24 novembre 1872 après 157 jours de mer pendant lesquels deux femmes sont décédées. Libérée le 20 octobre 1873, elle est, contrairement à son époux, libre de quitter la colonie si elle le souhaite.


    Emile Avelot (1907-1992) et Francia Saminadin, le jour de leur mariage le 27 avril 1940 à Nouméa. De leur union naissent Huguette le 8 mars 1941, Yvette le 15 avril 1942 et Emile le 11 avril 1943. Francia décède en août 1943, laissant trois jeunes enfants dont un nourrisson. Virginie, la mère de Francia, va momentanément s’occuper d’eux jusqu’à son décès en 1946. Photo DR

    Le couple Avelot a quatre enfants entre 1874 et 1879 : Emile, Augustine, Auguste, qui décède à un an en 1878, et Jean-Baptiste. Tous naissent à Nouméa où Gabriel exerce son métier initial de serrurier mécanicien. La famille habite alors près de l’actuel commissariat, rue de Sébastopol.

    Je viens vous prier, monsieur le ministre, d'avoir la bonté et la bienveillance de me faire obtenir mon voyage gratuit ainsi que celui de mes trois enfants.

    Catherine décide de repartir en France avec ses trois enfants. Ils embarquent le 5 octobre 1887 mais, à peine quelques mois plus tard, elle écrit au ministère de la Marine et des Colonies pour demander son rapatriement en Nouvelle-Calédonie : "… Depuis cette époque mes enfants sont constamment malades du froid qu’il fait en France depuis sept mois, car ils sont nés tous les trois à la Nouvelle-Calédonie et ils ne peuvent pas s’acclimater en France parce que la température est trop froide et je crains de les perdre ; d’un autre côté je ne puis trouver du travail à Paris pour subvenir à leurs besoins ainsi qu’aux miens.


    A gauche : Au début des années 50, Jean s’installe à Baraoua près de Bourail avant de revenir à la 2° Vallée-du-Tir. En 1956 il quitte la Nouvelle-Calédonie pour la Seyne-sur-Mer, afin de finir sa vie aux côtés de son petit frère Paul. Il prend l’avion de la TAI à Tontouta. Jamais il ne revient sur sa terre natale, et décède en 1958. A Droite : Paul et sa femme, Antoinette Furno. Ils se marient le 9 octobre 1933 à la Seyne-sur-Mer dans le Var. Photo DR

    Je viens vous prier, monsieur le ministre, d’avoir la bonté et la bienveillance de me faire obtenir mon voyage gratuit ainsi que celui de mes trois enfants […] " Cette demande est acceptée et Catherine revient à bord du Polynésien accompagnée de ses enfants, le 28 mars 1897.

    Cette même année, Gabriel est réhabilité mais décède deux ans plus tard, le 12 mars 1899.

    Mécaniciens de père en fils

    " Emilie, la fille aînée de Gabriel et Catherine, épouse en 1891 Jean Cascarret, un parfumeur coiffeur de Nouméa dont la boutique est rue de Rivoli, actuelle rue Georges-Clemenceau. La jeune fille décède prématurément et Jean, devenu veuf, épouse la sœur cadette de celle-ci, Augustine, le 18 avril 1905. Ensemble ils ont cinq enfants, Jean, Simone Marie Louise, Renée Gabrielle, Roger Rémy Auguste, et enfin Henri Robert Albert.


    La famille de Paul Avelot en janvier 1937 : Paul tient Louis (7 mois) sur ses genoux. À sa gauche, sa femme Antoinette puis la mère de celle-ci. Andrée, leur fille aînée, est debout entre ses parents. La mère et la grand-mère tiennent les jumelles, Claudette et Odette (18 mois). Il manque leur dernier fils, Etienne. Photo DR

    Jean-Baptiste, mon grand-père, le fils de l’ancien forçat, devient mécanicien sur les voies ferrées. Il travaille notamment sur la ligne Païta-Nouméa et à Karembé.

    Marié à Adèle Gaash, il a quatre enfants, Jean, Emile, Gabrielle dite Blanche et Paul. Tous naissent à Nouméa entre 1905 et 1911. La famille habite au Sémaphore car Jean-Baptiste est également gardien des Phares et Balises.

    Alors que les enfants sont encore jeunes, ils partent s’installer aux Nouvelles-Hébrides où le chef de famille participe à la construction du chemin de fer pour la mine de phosphate à Forary. Adèle décède du paludisme à Tanna, Jean-Baptiste place alors ses enfants à l’internat de Port-Vila puis part pour Tahiti, sur l’île de Makatéa où d’importants gisements de phosphate ont été découverts.

    Là-bas, il refait sa vie et a deux autres enfants avec une Tahitienne. Jean-Baptiste décède à l’hôpital de Papeete des suites d’un accident à la mine où il conduisait les locomotives. "

    Retour sur le Caillou

    " Trois des quatre enfants de Jean-Baptiste commencent leur vie aux Nouvelles-Hébrides avant de revenir faire souche en Nouvelle-Calédonie.

    Blanche épouse en 1931 à Port-Vila Pierre Perronnet puis ils viennent habiter à Nakety où elle tient la poste tandis que son époux est cantonnier pour la municipalité. Ils ont ensemble cinq enfants.

    Jean revient à Nouméa à 20 ans et épouse Marie Bouscasse avec qui il a un fils, Paulo. Jean devient ferblantier couvreur pour la mairie de Nouméa.


    Les trois enfants d’Emile et Francia, de gauche à droite : Emile, Yvette (au côté de Marie-Thérèse Bénébig, une cousine germaine) et Huguette. Emile a épousé Viviane Bensaci. Yvette décédée le 16 avril 1989, était l’épouse de Marcel Bénébig. Huguette a épousé Michel Rousseau puis en secondes noces Jean Jourdain. Photo DR

    Émile, mon père, revient en 1939 et épouse l’année suivante Francia Saminadin, une métisse kanak-bourbonnaise, dont le grand-père, Vingrasanon Saminadin, était arrivé de l’île de La Réunion en tant que blanchisseur au service de M. Routier de Granval. François, le père de Francia, est né de l’union de Vingrasanon et de Draoma, une femme indigène de la tribu de Poya. Émile est chauffeur de camions pour la mairie de Nouméa. Depuis, de nombreux Avelot travaillent ou ont travaillé pour la ville ! Paul, le dernier fils de Jean-Baptiste et Adèle, quitte jeune les Nouvelles-Hébrides pour la France dans l’idée d’entrer au séminaire. Mais finalement, après l’obtention d’un diplôme d’ingénieur électricien, il épouse, en 1933 dans le Var, Antoinette Furno avec qui il a six enfants dont deux filles devenues religieuses chez les carmélites à Toulon. "

    Note

    Cette série sur les destins de familles issues de la colonisation pénale, tirée du livre "Le Bagne en héritage" édité par les Nouvelles calédoniennes, est réalisée en partenariat avec l’Association témoignage d’un passé.

    Cet article est paru dans le journal du 27 mai 2017.

    Une dizaine d'exemplaires de l'ouvrage Le Bagne en héritage, certes un peu abîmés, ainsi que des pages PDF de la parution dans le journal sont disponibles à la vente. Pour plus d'informations, contactez le 23 74 99. 

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