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    Nouvelle Calédonie
  • LNC | Crée le 16.03.2025 à 05h00 | Mis à jour le 16.03.2025 à 05h00
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    Sur le banc à droite, Jean-Félix Guépy, le petit-fils du pionnier, avec un képi entre les mains. Derrière lui, debout, son frère aîné Claude. Tous deux sont prospecteurs.
    Claudius Guépy est arrivé à la Nouvelle comme agent de culture et de colonisation. Il fut directeur de la ferme pénitentiaire de Bourail puis ses quatre fils ont fait souche un peu partout sur la Grande Terre. Cent trente ans après le décès brutal de Claudius à Gomen, Raymond Guépy, président de la Fondation des pionniers, tente de retracer la vie de son arrière-arrière-grand-père. Retour sur la vie de Claudius Guépy dans ce 43e épisode de notre sage consacrée aux familles issues du bagne.

    "Mon trisaïeul est né à Mâcon en Saône-et-Loire en 1838, sans doute était-il horticulteur avant de s'engager dans l'armée en 1860 au 16° régiment de ligne. Il devient le commandant de la garde mobile de Dijon et intègre l'état-major du général Cremer. " Raymond n'a pas encore réuni tous les documents et photos que les Guépy possèdent sur leur aïeul. Son oncle André avait comme lui entamé des recherches familiales et leurs trouvailles sont éparpillées chez les cousins. C'est de mémoire qu'il retrace le parcours de ses ascendants.

    Il était écrit qu'il avait attaqué et repoussé une batterie d'artillerie prussienne et une autre fois capturé des Prussiens déguisés en ambulanciers

    "À la fin des années 1970, 'ai travaillé à la délégation de la Nouvelle-Calédonie à Paris, rue Oudinot, et j'ai pu consulter les archives de Claudius. Dans ses états de service, j'ai lu que mon arrière-arrière-grand-père s'était distingué pendant la guerre de 1870. Il était écrit qu'il avait attaqué et repoussé une batterie d'artillerie prussienne et une autre fois capturé des Prussiens déguisés en ambulanciers, qu'il les avait amenés à Dijon où la foule voulait les lyncher ; il s'était alors interposé en sortant son sabre pour protéger ses prisonniers!


    Claudius Guépy en habit de soldat.

    " En France, il épouse Angèle Benasse. Ils ont ensemble cinq enfants. Le 25 juillet 1871, il embarque seul pour la Nouvelle-Calédonie à bord de la Néréide et pose le pied sur la Grande Terre le 2 janvier 1872 en qualité d'agent de culture et de  colonisation. "

    Au service de l'agriculture calédonienne

    " Il est joint à son dossier un télégramme du gouverneur de l'époque lui demandant de passer par l'ile de La Réunion pour capturer quelques martins tristes afin de lutter en Nouvelle-Calédonie contre l'invasion de sauterelles dans les cultures de café et d'ignames notamment. Il débarque donc avec une colonie de vingt merles des Moluques !

    Claudius Guépy est envoyé à Bourail où il prend, en mars 1872, la direction de la ferme pénitentiaire. C'est donc là-bas qu'il lâche ses oiseaux (lire par ailleurs).


    La famille Guépy en visite au quartier cellulaire de l'ile Nou dans l'entre-deux-guerres. Les enfants montrent du doigt le trou par lequel le condamné Adrien Chabaud, matricule 21489, s'est évadé en 1921. (Source L.-). Barbançon)

    Un rapport du chef d'état-major daté du mois d'avril 1872 relate un épisode d'inondation. Il est écrit que lors de cette catastrophe, des concessionnaires s'étaient réfugiés dans des arbres et que Claudius, qui savait nager, avait sauté sur un radeau de fortune pour aller les sauver, et avait pendant de longues heures aidé à secourir des habitants. Il reçoit alors plusieurs témoignages de satisfaction."

    Il démissionne en décembre 1872, moins d'un an après sa nomination et part pour Gomen.

    De Gomen à la Métropole

    " Aux archives, nous avons retrouvé la trace d'un emploi d'agent d'état civil à Gomen, sa signature est bien apposée en bas de quelques actes. En 1877, il aurait été préposé au bureau de poste pendant quelques mois avant d'être de nouveau nommé agent de culture à Bourail. Un courrier du sous-directeur de l'administration pénitentiaire, le capitaine de frégate Pouzolz, le félicite en 1878 pour son soutien lors de la révolte kanak dans la région et lui souhaite bonne réussite pour l'avenir. Entre les lignes, on comprend que Claudius quitte la Nouvelle-Calédonie.

    En effet, en mai 1879, l'administration lui accorde un congé de convalescence. Il repart donc en Métropole, pour une courte période car le voilà de nouveau nommé, à son retour dans la colonie, employé à la ferme pénitentiaire d'Uaraï en mars 1880. Il revient cette fois accompagné de sa femme, de leurs quatre garçons - Jean Denis dit Jules, Charles, César Joseph et Alexandre - et de leur fille Félicie. "

    La suite de son parcours professionnel est floue. Il devient le correspondant du jardin botanique de Lyon et se serait installé à Téoudié, là où il est inhumé. Claudius décède à Gomen, le 22 juin 1885. Il était âgé de 48 ans et, selon l'histoire familiale, il aurait été assassiné. Les entretiens qu'accordent les familles aux Nouvelles calédoniennes sont souvent l'occasion de relancer les recherches. Christophe Dervieux, des archives, a réussi à retrouver la trace de ce crime dans les centaines de pages du Néo-Calédonien.

    Anatole Moulin, commerçant à Gomen, a bien tiré mortellement sur Claudius Guépy lors d'une dispute au sujet d'une embarcation que le premier ne voulait pas prêter au second. Les deux hommes étaient armés.

    Alexandre, marié à Berthe Fauque, est un original qui exerce mille métiers dont celui de gardien du phare Amédée. Il s'était fait faire un cercueil et dormait dedans nous disait-on !

    " La même année, Jules, son fils aîné, est nommé agent colonial de quatrième classe du service des Postes et Télécommunications à Téremba. Trois ans plus tard, il épouse Amélie Pauline Tuband et s'installe à Moindou avec sa mère où il exerce en tant qu'agent de perception et receveur municipal, avant d'être nommé gérant du bureau de Païta en 1891.

    " Charles, le second fils du pionnier, épouse la sœur de sa belle-sœur, Amélie Estelle Tuband. Ils habitent Nouméa et Charles devient photographe. Son frère cadet, Alexandre, marié à Berthe Fauque, est un original qui exerce mille métiers dont celui de gardien du phare Amédée. Il s'était fait faire un cercueil et dormait dedans nous disait-on !

    Félicie, la petite dernière, épouse à 15 ans Charles Victor Talbotier, un agent de culture.


    Léopold Guépy, entrepreneur demeurant à Nouville, fils d'Alexandre Guépy, le gardien de phare, épouse Paulette Dubois, âgée de 16 ans, le 10 juin 1933. La photo est prise sur le perron de la maison du commandant du bagne. À cette date, le bagne était fermé depuis deux ans.

    La mine

    " Mon arrière-grand-père César Joseph, lui, reste en Brousse et se lance dans la production laitière à Bourail.

    Marié à Bertille Bouyer, ils ont trois enfants dont mon grand-père, Jules Félix. Il devient ensuite prospecteur pour la SLN à Thio puis il décède en 1928. C'est dans cette commune que naissent les premiers des sept enfants de Jules Félix et Régine Hortense dite Régina O'Connor.

    Comme leur père, mon grand-père et son frère Claude sont prospecteurs et vont également se lancer dans l'exploitation de chrome.


    Raymond Guépy, président de la Fondation des pionniers lors de la prution de l'article, arrière-arrière-petit-fils de Claudius Guépy.

    Mon père Roger continue la tradition. Comme ses aïeuls, il aimait et avait besoin de gratter la terre. Lorsque je suis né, il était employé à la SLN et dès qu'il a pu, il est devenu indépendant et a exploité le minerai pour le compte des grands exportateurs tels Ballande et Montagnat. Il était payé à la tonne embarquée et, quand la mine payait moins, il se débrouillait pour travailler dans le Sud en forêt à l'exploitation du bois ! "


    Patte jaune

    L'origine des pattes jaunes


    Merle des Moluques.

    Les cultures calédoniennes, et notamment celle de la canne à sucre, sont à l'époque décimées par les invasions de sauterelles.

    Sur les conseils du colon Evenor de Greslan, le gouverneur demande à Claudius de capturer sur les iles Moluques, des martins tristes, appelés merles des Moluques. Les spécimens, dont on espérait qu'ils deviennent les prédateurs des sauterelles, ont été lâchés à Bourail. Leurs tête et pattes jaunes ont donné aux Bouraillais leur surnom de " pattes jaunes " !

    Une roussette à Lyon

    Le musée des confluences détient dans ses réserves des objets donnés par Claudius Guépy. Il y a quelques années, sa conservatrice a joint la Fondation des pionniers pour en savoir un peu plus sur le donateur. Dans les archives de son oncle André, Raymond Guépy a trouvé un courrier du jardin botanique de Lyon daté du 13 février 1880, nommant Claudius correspondant du jardin en Nouvelle-Calédonie. Ce " poste " explique peut-être l'envoi d'une roussette, d'un oiseau et de poteries kanak dans la région par son aïeul.

    Note

    Cette série sur les destins de familles issues de la colonisation pénale, tirée du livre Le Bagne en héritage édité par Les Nouvelles calédoniennes, est réalisée en partenariat avec l'Association témoignage d'un passé. Cet article est paru dans le journal du vendredi 23 septembre 2016.

    Quelques exemplaires de l'ouvrage Le Bagne en héritage, certes un peu abîmés, ainsi que des pages PDF de la parution dans le journal sont disponibles à la vente. Pour plus d'informations, contactez le 23 74 99.

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