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    Nouvelle Calédonie
  • Anthony Tejero | Crée le 15.03.2025 à 13h30 | Mis à jour le 15.03.2025 à 13h30
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    Huit hommes sont actuellement accueillis dans le centre de prise en charge des auteurs de violences intrafamiliale, qui a ouvert le 9 décembre 2024. Photo Anthony Tejero
    Le premier centre de prise en charge des auteurs de violences intrafamiliales du pays a ouvert ses portes en décembre. Devant le fléau de ces actes qui gangrènent toute la société calédonienne, cette structure vise à protéger les victimes et à prévenir la récidive en favorisant une prise de conscience chez les conjoints violents qui bénéficient d’un suivi jusqu’à leur jugement devant le tribunal. Explications.

    Une structure inédite dans le pays

    C’est un projet "innovant", fruit de deux ans de travail qu’a tenu à présenter à la presse, ce vendredi 14 mars, la membre du gouvernement Isabelle Champmoreau. Officiellement lancé en 2023, puis inauguré par l’ancien garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti, en février 2024, le premier centre de prise en charge des auteurs de violences intrafamiliales du pays est désormais opérationnel. Une mise en route initialement prévue en juin dernier, mais retardée en raison des émeutes.

    Depuis trois mois, cette structure située au centre-ville de Nouméa d’une capacité de 10 places accueille donc ses premiers hommes, placés sous contrôle judiciaire, qui y vivent de manière très encadrée pour une durée de six mois maximum dans l’attente de leur jugement au tribunal. Ces auteurs de violence bénéficient ainsi d’un suivi "pluridisciplinaire" notamment sur le plan psychologique, psychiatrique ou encore sur les addictions. Des ateliers et des groupes de parole y sont notamment organisés en vue de responsabiliser ces prévenus et de faire émerger une réflexion, si ce n’est une prise de conscience de leurs actes.

    Protéger les victimes, préserver l’insertion des auteurs

    Ce centre répond à un double objectif : favoriser l’éviction du conjoint violent du domicile "pour protéger les victimes" et prévenir la récidive. Il s’agit par ailleurs d’une mesure alternative à la prison qui permet aux personnes accueillies de conserver leur emploi. "L’enjeu est de préserver l’insertion professionnelle pour éviter une perte de travail et donc la précarité afin que ces hommes puissent continuer de contribuer aux charges du foyer dont ils ont été extraits", explique Ludovic Fels, directeur de l’Aravif (Association pour la réinsertion des auteurs de violences intrafamiliales). Ils financent par ailleurs à hauteur de 10 % de leurs ressources leur prise en charge dans ce centre.

    Quelle efficacité sur la récidive ?

    Si ce centre est nouveau en Nouvelle-Calédonie, de nombreuses structures similaires ont vu le jour ailleurs, notamment dans l’Hexagone depuis plusieurs années. "On note une efficacité de ce type de dispositif, assure Philippe Palombo, le président de l’Aravif, chiffres à l’appui. Une étude menée dans l’Hexagone a montré que le taux de récidive chez les auteurs accueillis dans ce genre de structure chute de 50 % à environ 11 ou 12 %."

    Quant aux stages de responsabilisation lancés depuis 2021 en province Sud, les autorités judiciaires estiment que le taux de récidive se situe entre 5 et 6 % parmi les quelque 650 hommes qui y ont participé. "Il y a un impact très positif de ce dispositif. L’approche pédagogique est essentielle dans le traitement des violences intrafamiliales", estime le procureur de la République, Yves Dupas.

    Un fléau qui touche l’ensemble du pays

    La Nouvelle-Calédonie est particulièrement exposée aux violences conjugales et intrafamiliales au sens large. À titre de comparaison, le nombre de faits pour 1 000 habitants est de 17,72 localement quand ce taux se situe à 7,7 dans l’Hexagone.

    Un fléau qui touche l’ensemble du pays et qui s’est nettement accentué ces dernières années, avec une hausse des violences déclarées de + 60 % entre 2019 et 2023.

    Seule l’année 2024 affiche un recul (-18,6 %), mais il s’agit d’une "baisse en trompe l’œil", en raison des émeutes qui ont paralysé le pays, avertit Yves Dupas.

    "Les victimes n’ont pas forcément pu accéder aux brigades de gendarmerie ou aux commissariats donc 2024 ne peut pas être une année de référence. D’autant plus que depuis la normalisation de la situation et de l’ordre public, on se retrouve de nouveau avec autant de faits", déplore le procureur de la République, pour qui "le combat continue" contre les violences intrafamiliales qui représentent 30 % des déferrements devant l’autorité judiciaire.

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