- Baptiste Gouret | Crée le 31.03.2025 à 16h09 | Mis à jour le 31.03.2025 à 16h36ImprimerLe ministre des Outre-mer a dit vouloir intégrer davantage la société civile dans l’élaboration d’un accord politique, notamment à travers la définition d’un nouveau projet de société. Photo Baptiste GouretEnviron 130 responsables d’association, étudiants et enseignants ont exprimé leurs craintes et leurs attentes au ministre des Outre-mer, venu à leur rencontre le dimanche 30 mars lors d’une soirée organisée à l’UNC. Éducation, racisme, non-dits, confiscation du débat public… Les interventions ont été riches. Manuel Valls a invité les participants à prendre toute leur place dans la définition d’un "projet de société".
Au marché municipal, dans un lycée où à l’université, l’ambition est la même ces derniers jours pour Manuel Valls : s’extraire des cercles très fermés du débat politique pour tenter de sonder une opinion publique calédonienne dont les aspirations semblent souvent éloignées de celles de leurs représentants. "J’ai besoin d’en savoir plus", a lui-même admis le ministre des Outre-mer, face à un panel de 130 personnes qui se voulait représentatif de la société civile calédonienne, réunies dans le cadre d’une soirée organisée à l’université, ce dimanche 30 mars. "Dites-moi des choses que je ne connais pas, que je ne comprends pas […]. Il est essentiel qu’il y ait une plus grande mobilisation de la société calédonienne sur les grands projets de demain", a poursuivi Manuel Valls, exigeant de son audience un dialogue "le plus direct possible".
"Je ne connaissais rien de mon pays"
Les échanges ont duré près de trois heures, guidés par une question centrale posée par le ministre : "C’est quoi, pour vous, être Calédonien ?" Chacun y est allé de sa réponse. "Pour moi, c’est aimer profondément les gens sur cette terre, lui a répondu un étudiant de 28 ans. Je suis métis Vietnamien, Futunien et Caldoche. Choisir un camp, c’est comme tuer un membre de ma famille." Le sujet de l’identité et de l’appartenance ethnique s’est révélé un thème crucial du débat. "Je viens de nulle part et de partout à la fois, je pense que c’est ça être Calédonienne", a estimé une étudiante franco-thaïlandaise de 20 ans.
Un geste coutumier entre le ministre et les acteurs de la société civile a eu lieu avant d’entamer la discussion. Photo Baptiste Gouret"Je ne sais déjà pas ce que c’est que d’être une femme kanak dans cette société, alors une Calédonienne…", a exprimé Qatrenë, ancienne étudiante de l’UNC. Une quête d’identité inachevée que la jeune femme attribue à ses propres lacunes sur l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. "C’est ici, à l’UNC, que j’ai découvert que je ne connaissais rien de mon pays." Des propos partagés par une enseignante de lycée, témoin privilégiée de lycéens qui "ne connaissent rien à l’histoire de la Nouvelle-Calédonie".
Surdité de la classe politique calédonienne
De quoi participer à un manque de repères qui, pour certains, a mené aux évènements de mai 2024. "J’étais dans les quartiers, avec les jeunes, le 13 mai, a raconté Jules Tufele, vice-président de l’association Action génération NC. Ce qui s’est passé relève plus du social que de l’identitaire. J’avais prévenu les institutions quelques mois avant : on voyait des jeunes électrons libres, complètement délaissés, qui n’attendaient qu’un message pour exploser. Certains les ont manipulés en leur disant qu’ils pouvaient désormais servir une cause. C’est tout ce qu'il leur fallait."
Un constat partagé par une grande partie des acteurs de la société civile présents dimanche soir. "Je vis au Val-Plaisance, ça n’a rien à voir avec Rivière-Salée", a témoigné un étudiant, évoquant une "ségrégation géographique" qui sévit dans l’agglomération. "Le rééquilibrage, il a fonctionné pour une toute petite partie de la population", a également affirmé Pierre Welepa, président du conseil d’administration de la Fédération des œuvres laïques (FOL). "Dans nos quartiers, des jeunes diplômés ne trouvent déjà pas de boulot, alors imaginez ceux qui ne le sont pas", a repris Jules Tufele.
Pour Qatrene, ancienne étudiante à l’UNC, le manque d’enseignement de l’histoire calédonienne participe à la difficile quête d’identité de nombreux jeunes. Photo Baptiste GouretPour la plupart des participants au débat, cette situation est aussi la responsabilité d’une classe politique calédonienne sourde aux propositions citoyennes et aveuglée par ses propres divisons. "On assiste depuis dix-douze ans à une absence de dialogue, a analysé Thierry Granier, auditeur financier. Depuis 2014, les élus n’ont pas réussi à se mettre d’accord et le monde politique s’est mis à jouer sur des émotions plutôt qu’à parler du fond."
"Sortir du seul débat sur l’indépendance"
Pour Pierre Welepa, "les responsables politiques ont confisqué le débat", offrant comme seul choix aux Calédoniens "la bipolarité" des projets indépendantiste et loyaliste et étouffant par la même occasion les propositions de la société civile, en premier lieu les associations.
"Je veux vous intégrer dans la discussion et que l’étau se desserre pour sortir du seul débat sur l’indépendance", a réagi Manuel Valls. Le ministre a fait part de sa volonté de voir naître un projet de société "qui traite des questions de fond" et s’avère essentiel à l’acceptation d’un éventuel accord politique. "Mais ce n’est pas moi qui peux le définir", a souligné Manuel Valls, attribuant cette mission aux acteurs de la société civile. "Je suis persuadé qu’il y a une force extraordinaire dans la société calédonienne. C’est le moment de bouger, de pousser pour qu’il y ait un accord et de faire en sorte que les radicaux soient marginalisés."
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