- Par Tomislav Govekar et Jean-Alexis Gallien-Lamarche | Crée le 15.06.2018 à 04h25 | Mis à jour le 15.06.2018 à 06h33ImprimerDes habitants de la tribu de Tiéta avec ce qui pourrait être un python réticulé, tué mardi à la tombée du jour. Photo Facebook Mare BaLe reptile tué mardi soir par des chasseurs dans la forêt de la tribu de Tiéta, sur la commune de Voh, serait un python réticulé. L’un des serpents les plus grands du monde et jamais recensé dans le pays. Comment ce reptile est-il arrivé en Calédonie ? Frauduleusement ou par voie « accidentelle » ? Y a-t-il d’autres individus dans la nature comme le prétendent certains ? L’enquête sur le « serpent de Tiéta » ne fait que commencer.
Tout le monde a d’abord cru à un « fake ». Le serpent serait en plastique, l’image un montage, la photo aurait été prise ailleurs, peut-être en Papouasie… Et puis, il y a eu cette vidéo* sur laquelle on voit un homme tirer le reptile, inerte, avant de le suspendre à un arbre, et surtout dans laquelle on entend quelques mots en français. La scène se déroule bien sur le Caillou, là où les seuls serpents connus sont marins, à l’exception du boa de Lifou, dont la présence géographique est extrêmement localisée puisqu’on ne le trouve que sur la zone de la tribu de Kedeigne, dans le sud de l’île.
Très vite, l’information nous est confirmée par Edmond**, un proche de la personne qui a filmé la scène : « Le serpent a été tué mardi soir, dans les brousses, près de Tiéta. » Plus précisément, à deux kilomètres environ de la tribu, située sur la commune de Voh, en direction de la Chaîne.
Hier après-midi, la province Nord et le Conservatoire d’espaces naturels (CEN) Nouvelle-Calédonie indiquaient que « les premières observations conduisent à l’hypothèse qu’il s’agirait d’un python réticulé », l’un des plus grands serpents de la planète, qui peut atteindre jusqu’à 9 mètres et 140 kg à l’état adulte. Le Malayopython reticulatus trouvé à Tiéta - si l’identification était confirmée - ne mesure « que » 4 m de long, 15 cm de diamètre maximal, pour 26 kg. Déjà une belle bête.
Et si c’est la première fois qu’un serpent est capturé, des habitants de la zone VKP en auraient déjà vu, selon Edmond. « On avait connaissance de la présence de serpents sur Voh, on en parlait régulièrement depuis le déchargement des premiers conteneurs, après le dragage [du chenal d’accès, commencé en 2009, NDLR] à Vavouto, explique-t-il. On parlait d’anacondas, mais on ne connaissait pas les espèces. »
NE PAS CÉDER À LA PANIQUE
Deux questions sont, désormais, dans tous les esprits : comment ce serpent est-il arrivé à Tiéta ? Et y a-t-il d’autres individus dans la nature ? « Pour l’instant, nous n’avons aucune idée de comment l’animal est arrivé là », explique Jean-Jérôme Cassan, de la Direction du développement économique et de l'environnement (DDEE) de la province Nord. Parmi les hypothèses envisagées, celle de l’introduction accidentelle (dans un conteneur, par exemple) ou bien illégale, par un amateur qui, débordé, aurait relâché le serpent dans la brousse. Mais l’animal aurait également pu arriver par des moyens naturels, même si la DDEE estime que c’est « peu probable ». Pour l’heure, « nous n’avons qu’un seul individu constaté sur le terrain », poursuit Jean-Jérôme Cassan, qui indique qu’ « aucune autre trace, œuf ou mue, n’a été observées ». Il convient donc de ne pas céder à la panique. Par ailleurs, le danger pour l’homme est extrêmement limité. Un affichage a été effectué, en ce sens, à proximité de la tribu et dans la maison commune de Tiéta. Quant à savoir s’il fallait - ou pas - tuer ce serpent, chacun avait son avis, hier, sur les réseaux sociaux. « Il n’aurait pas été possible de le capturer, assure Christine Fort, du CEN. Il y a eu l’effet de surprise, la personne s’est retrouvée face à quelque chose qui lui semblait menaçant et elle a tiré par réflexe. » Que faire si la situation se reproduisait, avec un serpent, ou tout autre être inhabituel ? « La recommandation est de collecter toutes les informations possibles (photo, lieu, heure, coordonnées GPS) et de les faire remonter***. » Quant au présumé python de Voh, l’enquête ne fait que débuter, avec l’aide de spécialistes locaux et d’ailleurs.
* À voir sur Lnc.nc / ** Prénom d’emprunt/ ***75 30 75 et 75 30 69
C’est très inquiétant pour la faune locale
Elle ne nous a d’abord pas crus et presque reproché de la déranger avec des questions aussi extravagantes. Puis, il y a eu la surprise en regardant la photo sur notre site internet. « Waouh ! C’est hallucinant. Si je n’avais pas l’image sous les yeux, je n’y aurai jamais cru et j’aurai pensé à une blague ». Claire Goiran, enseignante-chercheuse et biologiste marin de l’Université de Nouvelle-Calédonie, n’a pas pu cacher son étonnement. Un serpent d’une telle taille en Calédonie, autant dire que c’est une première et que la découverte la laisse pantoise. Le ton est vite grave. « C’est très inquiétant pour la faune locale, c’est une espèce envahissante, prévient Claire Goiran. C’est une catastrophe s’il y a d’autres spécimens. » La chercheuse a d’emblée exclu l’hypothèse d’un « boa du Pacifique que l’on trouve sur les îles Loyauté » avant de contacter le chercheur australien Rick Shine. « Il m’a confirmé que c’était un python réticulé. Il peut atteindre neuf mètres. Actuellement, c’est le serpent le plus grand. L’anaconda est plus lourd mais le python est plus long ».
Classé « espèce vulnérable »
Ce reptile non venimeux, que l’on retrouve principalement en Asie (Inde, Philippines, Indonésie…), possède l’une des robes les plus colorées des serpents, ce qui fait de lui l’espèce la plus chassée et vendue pour l’industrie du luxe. Conséquence, le python réticulé a été classé « espèce vulnérable » et son importation a été interdite par l’Union européenne dès 2004. Mais les filières clandestines existent et sa peau peut valoir très cher. Ce serpent peut se « nourrir de rats, chats, chiens mais, en fonction de sa taille, il peut manger tout ce qu’il trouve sur son passage », analyse encore Claire Goiran. Sur internet, les amateurs de serpents en captivité s’échangent des conseils : « sa nourriture est impressionnante : lapins, volailles, cochons, agneaux voire moutons », commente un terrariophile. L’espèce est connue pour être un chasseur embusqué qui vit principalement dans les forêts tropicales et souvent à proximité de l’eau. Claire Goiran est cependant dans l’incapacité de donner un âge au spécimen capturé à Voh.
L’anaconda est plus lourd mais le python est plus long.
« Les serpents grandissent en fonction des conditions. Plus il se nourrit, plus il grandit vite. À l’inverse, il reste de petite taille. Ce n’est donc pas en fonction de la taille qu’on estime l’âge », commente-t-elle. Quant à sa reproduction, le python réticulé est une espèce ovipare et « les femelles peuvent faire jusqu’à 100 oeufs. Elles s’enroulent autour du nid pour les protéger et produire de la chaleur pour favoriser l’incubation des oeufs. S’il y avait un couple de pythons en Calédonie, il faudrait se méfier d’une invasion ». Mais pour l’heure, « il n’y a aucun élément avéré permettant d’affirmer qu’il y a d’autres animaux dans la zone », indique le conservatoire d’espaces naturels de Nouvelle-Calédonie. Toujours est-il que de l’avis de Claire Goiran, « il y a des chances que son importation soit volontaire. Il se pourrait bien, aussi, que ce serpent soit ici depuis un moment car mettre un python de quatre mètres et 26 kg dans une valise, ça se repère vite ».
REPÈRES
Est-il autorisé d’importer un serpent en Calédonie ?
La réponse est non. « Pour pouvoir importer des animaux, il faut qu’ils fassent l’objet d’un protocole d’importation. Nous fixons les conditions d’entrée en fonction des maladies qu’ils seraient susceptibles de véhiculer. Toutes les espèces qui pourraient avoir un impact environnemental ou autre, comme les serpents, il est interdit de les importer », déclare Frédéric Gimat, adjoint au chef de service Sivap (service d'inspection vétérinaire, alimentaire et phytosanitaire). À sa connaissance, « aucune autorisation n’a été accordée pour importer un python ». « Soit une personne est entrée avec sur le territoire malgré les contrôles de sécurité. Soit, c’est une introduction accidentelle », conclut Frédéric Gimat qui confirme que « des interceptions de serpents morts ont été réalisées il y a une dizaine d’années dans des conteneurs ».
Crapaud et « veuve brune »
L’an dernier, l’araignée « veuve brune » avait été découverte à Pouembout, Koné et Voh. Une première sur le Caillou. Ce spécimen, non mortel mais toutefois venimeux avait été aperçu dans des conteneurs abritant des matériaux pour les travaux d’extension du lycée Michel-Rocard. En 2009, une espèce de crapaud très invasive et potentiellement mortelle avait aussi été repérée dans un conteneur de briques en provenance d’Australie. Le crapaudbuffle, capable de tuer des chiens, des serpents et même des crocodiles, avait été immédiatement capturé par les services vétérinaires
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