- AFP | Crée le 03.09.2024 à 09h11 | Mis à jour le 03.09.2024 à 09h11ImprimerLe Premier ministre Gabriel Attal, démissionnaire, gère les affaires courantes à Matignon depuis près de 50 jours. Photo Archives LNC / J-FGEmmanuel Macron a reçu lundi Bernard Cazeneuve et Xavier Bertrand, mais c’est un troisième nom, plus inattendu, qui a émergé comme possible Premier ministre dans une configuration quasi-ingouvernable : le président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) Thierry Beaudet, inconnu du grand public.
Leurre, ballon d’essai ou piste crédible ? La classe politique et les observateurs s’interrogent sur Thierry Beaudet, profil de la société civile, à la sensibilité plutôt de gauche, qui surgit à la fin de tractations ponctuées par leur lot d’hypothèses sans lendemain. Et au bout d’une journée d’entretiens du chef de l’Etat, l’incertitude demeurait lundi soir, y compris sur l’assurance d’une nomination mardi à Matignon. Le président "poursuit ses consultations", lâche seulement un proche, incitant à la "prudence" sur l’option Beaudet.
Huit semaines après les législatives qui ont débouché sur une Assemblée nationale sans majorité, la "question de la journée" était de "tester les hypothèses Cazeneuve et Bertrand", pour savoir si elles apportent la garantie qu’un gouvernement dirigé par l’un ou l’autre éviterait une censure parlementaire immédiate, assure l’entourage d’Emmanuel Macron.
"D’autres noms en tête"
C’est ainsi en favori que l’ancien Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve a ouvert le bal, lundi matin, avant d’être raccompagné jusqu’au vestibule par le chef de l’Etat qui lui a fait la bise en le saluant. Place ensuite à l’ex-président socialiste François Hollande, qui "a plaidé pour une solution politique" selon son entourage. Puis à son prédécesseur Nicolas Sarkozy, qui pousse un Premier ministre de droite comme Xavier Bertrand, patron des Hauts-de-France, reçu dans l’après-midi. Le centriste François Bayrou, suivi du Premier ministre Gabriel Attal, démissionnaire depuis 48 jours, ont été reçus à leur tour, pour donner leur avis.
Mais un conseiller présidentiel reconnaissait aussi d’emblée qu’Emmanuel Macron pouvait "avoir d’autres noms en tête". Et de fait, au beau milieu de ces rendez-vous, l’hypothèse du patron du Cese, âgé de 62 ans, a commencé à circuler. Certaines sources assuraient même que l’affaire était entendue dès avant ces nouveaux entretiens à l’Elysée – qui, dans ce scénario, seraient donc voués à écarter formellement les ténors politiques reçus par le président. Emmanuel Macron a déjà échangé avec Thierry Beaudet la semaine dernière dans le cadre de ses discussions institutionnelles.
"Option très sérieuse"
"C’est une option très sérieuse", assure un proche du chef de l’Etat qui connaît "très bien" l’ex-responsable mutualiste. "C’est une réponse solide et nouvelle à ce besoin de dialogue dans la société, en particulier avec les forces sociales", plaide-t-il.
Chez les partenaires sociaux, son éventuelle arrivée à Matignon est accueillie avec une certaine bienveillance. "Ça peut être une bonne surprise", veut croire François Hommeril, président de la CFE-CGC, notant qu’il "sait par expérience que la société est complexe". Côté patronal, François Asselin, de la CPME, évoque "quelqu’un de consensuel" issu "d’une culture de centre-gauche".
Au Cese, "troisième chambre" de la République après l’Assemblée et le Sénat, chargée de faire vivre la démocratie participative, Thierry Beaudet a supervisé la convention citoyenne sur la fin de vie, souvent érigée par Emmanuel Macron en modèle d’une nouvelle gouvernance. Mais parmi les forces politiques, le regard porté sur cette hypothèse est différent. "Je sens que dans le camp présidentiel c’est pas l’enthousiasme qui prédomine", euphémise un ministre démissionnaire, partisan d’un profil politique. Quant au député du Rassemblement national Jean-Philippe Tanguy, il a érigé sur X le président du Cese en "grotesque caricature du système".
"Changement de politique"
La gauche ne serait pas forcément plus encline à soutenir Thierry Beaudet. La présidente socialiste de l’Occitanie Carole Delga, favorable à la nomination d’une figure comme Bernard Cazeneuve, a émis des doutes sur un "homme de qualité" mais sans "aucune expérience" politique.
"Le Nouveau Front populaire soutient un changement de politique, et donc, il soutiendra un candidat, une personne qui est en mesure de faire changer la politique […] dans ce pays", a répondu pour sa part la candidate de l’alliance de gauche Lucie Castets, semblant pour la première fois faire une ouverture sur un autre nom que le sien. Emmanuel Macron avait écarté sa candidature en affirmant qu’elle aurait été immédiatement censurée par les autres forces politiques, même si le NFP est arrivé en tête, mais loin de la majorité absolue, aux législatives.
Le même scénario va-t-il se répéter pour Xavier Bertrand et Bernard Cazeneuve ? S’agissant du premier, tenant d’une droite gaulliste et sociale, il bute sur le refus des dirigeants de son parti, Les Républicains, de toute coalition ou participation au gouvernement.
Olivier Faure très réservé
Quant à l’ex-Premier ministre socialiste, il "n’est pas demandeur mais s’il le fait, c’est par devoir et pour éviter des difficultés supplémentaires au pays", avait assuré dimanche son entourage. Ministre de l’Intérieur pendant les attentats de 2015, puis chef du gouvernement des derniers mois du quinquennat Hollande, il a quitté le PS en 2022, farouchement opposé à l’alliance avec La France insoumise. D’où l’interrogation sur le soutien que pourraient lui apporter les socialistes, outre celui du camp présidentiel et d’une partie de la droite.
Le patron du PS, Olivier Faure, est resté très réservé lundi, concédant seulement qu’il y "réfléchirait" si M. Cazeneuve "obtient l’abrogation" de la réforme des retraites. Quant à Thierry Beaudet, "je ne dis pas que son profil est à rejeter", mais les députés socialistes pourraient malgré tout le censurer, en fonction de la politique qu’il pourrait mener, a averti M. Faure.
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