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    Grand Nouméa
  • Anthony Tejero | Crée le 29.05.2024 à 16h48 | Mis à jour le 29.05.2024 à 18h16
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    Ambiance très calme ce mercredi matin, à Kaméré, où quelques habitants se sont risqués pour la première fois à sortir, profitant de la surveillance des gendarmes. Photo Anthony Tejero
    Alors que les forces de l’ordre sécurisent désormais l’axe principal reliant Ducos aux zones résidentielles de Kaméré, les habitants de ce quartier dévasté par les émeutiers, commencent à ressortir de chez eux, après deux semaines "à vivre dans la peur". Un timide retour au calme qui pourrait n’être que très éphémère craignent bon nombre de riverains. Certaines familles profitent d’ailleurs de la présence des gendarmes pour fuir vers des quartiers plus sûrs. Reportage.

    Aller et venir dans les rues de son quartier. À Kaméré, ce petit plaisir simple, bon nombre d’habitants l’avaient presque oublié depuis le déclenchement des émeutes. Dans ce haut lieu des violences et des affrontements, un calme "encore très fragile" commence à se faire sentir après plusieurs jours d’intervention musclée des forces de l’ordre, qui ont réussi à pénétrer dans cette presqu’île, au cours du week-end puis à sécuriser l’axe principal grâce à une présence de gendarmerie positionnée aux ronds-points et aux intersections stratégiques de ce secteur.

    L’occasion pour certains riverains, en ce mercredi matin, de remettre le nez dehors pour la première fois en deux semaines. Et de voir de leurs propres yeux l’ampleur des dégâts, colossaux. Boulangerie, supermarché, écoles, collège, médiathèque, pharmacie, centre médical… L’ensemble de ces commerces et bâtiments publics ont été saccagés et bien souvent détruits par les flammes.

    "Nous n’avons plus rien dans notre quartier"

    "Je ne me sens pas bien. J’éprouve une grande tristesse. J’ai cru que la contestation serait pacifique, mais là, c’est allé trop loin. Nous n’avons plus rien dans notre quartier", confie Pauline, 58 ans, qui est restée confinée chez elle avec ses petits-enfants, se réfugiant dans la prière, le temps que les violences "retombent un peu". "J’ai la foi et aujourd’hui, c’est ce qui me fait encore tenir car la colère de ces jeunes est hors de contrôle." Pour cette dame originaire de Lifou, "le projet d’indépendance, ce n’était surtout pas ça. Cela ne peut se faire qu’avec tout le monde, pas seulement qu’entre Kanak."


    Une partie du collège de Kaméré a été brûlée par des émeutiers, comme la médiathèque. Les deux écoles voisines sont quant à elles entièrement détruites. Photo Anthony Tejero

    Le long des grilles du collège où elle travaille, Laure, "qui n’a pas dormi depuis quinze jours" fixe, pensive, les murs et toitures noircis par le feu. Un spectacle qui lui donne les larmes aux yeux. "On vit déjà dans un quartier défavorisé où il est très difficile de lutter contre l’échec scolaire, mais là, je ne sais pas comment on va pouvoir encore avancer. Sur les barrages, ce sont souvent mes anciens élèves. On essaie, mais on n’arrive pas à tous les sauver. C’est dur de voir ça, se désole cette riveraine qui travaille depuis trente ans dans l’enseignement. J’ai connu les Événements, mais là c’est différent. Dans le quartier, il n’y a personne, aucun vieux, pour aller discuter avec les jeunes et les faire sortir de là. Terre de paroles, terre de partage. C’est une belle idée, mais pour la mettre en pratique, il y a beaucoup moins de monde."

    "C’est le calme avant la tempête"

    Pour cette maman originaire de Touho, il est temps d’en finir avec les non-dits, en particulier au sein de la société mélanésienne. "On a tous du métissage aujourd’hui mais encore faut-il expliquer d’où l’on vient. Il faut comprendre que ces jeunes ont du mal à bien évoluer dans leur vie, si on ne leur pose pas de cadre. Pour apaiser le climat actuel, il va falloir, selon moi, savoir leur parler. Et c’est sans doute le plus difficile", martèle cette quinquagénaire pour qui "les tensions sont loin d’être terminées".

    Un sentiment partagé par l’ensemble des habitants croisés, ce mercredi matin. "C’est le calme avant la tempête. On reste sur nos gardes", glissent Pascaline et Isabella, pressées de rentrer chez elles tant elles "vivent dans la peur" depuis le 13 mai. "C’est la première fois qu’on sort pour aller faire des courses. Ça fait beaucoup de bien de marcher, mais on n’est vraiment pas sereines. On connaît la mentalité des gens d’ici. On a beau s’appeler mon frère, ma sœur, il suffit d’un rien, notamment quand des groupes ont beaucoup bu et fumé, pour que tout reparte très vite. Et alors, il n’y a plus de respect."

    C’est la raison pour laquelle, Robert a pris une décision radicale, ce mercredi matin : quitter son appartement, tant que les forces de l’ordre "tiennent" le quartier pour tenter d’aller à pied se réfugier avec son fils chez de la famille qui vit dans un secteur plus sûr de Nouméa. "C’était le bordel jusqu’à l’intervention des gendarmes. On est privés de tout, même des médicaments dont j’ai besoin. J’en veux beaucoup à ces jeunes qui ont détruit toutes les structures qui aidaient les gens du quartier, déplore cet habitant de Tindu. La nuit, c’est encore très chaud. Notamment parce qu’ils ont cassé tous les éclairages publics. On ne veut plus revenir ici. S’ils brûlent chez nous quand on est là et qu’on doit fuir en pleine nuit, qu’est-ce qu’on va devenir, piégés dehors, face à eux ? On ne sait pas quand, mais on sait que ça va encore péter."


    Les équipes d’EEC sont à pied d’œuvre pour tenter de rétablir l’éclairage public, afin de rendre les lieux un peu plus sûrs à la tombée de la nuit. Photo Anthony Tejero

    Et ce n’est pas Phaster, 38 ans, pleinement impliqué dans la mobilisation contre le dégel du corps électoral et sur les barrages, qui le contredira. "C’est calme en ce moment parce qu’on respecte le travail des gendarmes mobiles avec qui ça se passe bien. On ne craint pas les forces de l’ordre, nous, on a plus peur d’une partie de la population qui est armée et qui peut s’en prendre à nous à tout moment car les gens sont profondément divisés. Les politiques ont réussi à faire s’opposer deux blocs et maintenant, on est l’un contre l’autre", analyse ce riverain prêt à se remobiliser "en fonction des consignes données", notamment à remonter des barrages "dès que les gendarmes seront partis". "Il y a encore beaucoup de pression, donc tout peut repartir assez vite."

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