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  • Caroline Perdrix / Radio1 Tahiti | Crée le 12.01.2024 à 10h42 | Mis à jour le 12.01.2024 à 10h42
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    La gestion de la Société du port de pêche de Papeete est largement critiquée par la chambre territoriale des comptes de Polynésie. Photo CV/ Radio1
    La chambre territoriale des comptes publie son rapport sur la Société de pêche du port de Papeete (S3P) sur la période 2017-2021. Gouvernance, situation financière, modalités d’exploitation et perspectives d’avenir sont passées au crible. Un avenir " suspendu à des décisions que le Pays tarde à prendre ", estime la CTC qui formule cinq recommandations.

    La Société du port de pêche de Papeete est une société d’économie mixte (SEM) dont le premier actionnaire (à 73,8 %) est le Port autonome. Si le volume traité est en augmentation constante (de 4 417 tonnes en 2017 à 6 810 tonnes en 2022), les charges progressent aussi, et la " S3P " est structurellement déficitaire, nécessitant des subventions de fonctionnement qui s’élèvent à 90 millions de francs sur la période de contrôle, qui s’ajoutent aux plus de 2 milliards que le Pays a investi directement dans les aménagements du port de pêche depuis 1993.

    La gouvernance de la S3P s’affranchit du respect de certaines règles : un représentant du Pays au conseil d’administration qui prend ses fonctions 10 mois avant sa désignation par arrêté en conseil des ministres, ou encore un directeur général en poste depuis 2009 sans contrat de travail signé. La CTC souligne "une gestion administrative approximative du directeur général emprunte d’attentisme, voire parfois de découragement face à l’inertie récurrente des interlocuteurs institutionnels que peuvent être le Pays et le Port autonome de Papeete". Pour exemple, la valorisation et l’exhaustivité des immobilisations relevant du domaine concédé par la Polynésie font l’objet d’une réserve de la part du commissaire aux comptes, le Pays ayant tardé à transmettre les éléments.

    Les tours à glace en panne

    La production des trois tours à glace est en baisse, non seulement parce que davantage de navires produisent eux-mêmes leur glace, mais aussi parce qu’elles subissent des pannes répétées et des détournements (lire aussi : Détournements au port de pêche). L’une des réserves du commissaire aux comptes porte donc sur " l’exhaustivité du chiffre d’affaires issu de la vente de glace " qui représenterait 28,5 % du chiffre d’affaires de S3P. Le système de pesée de la glace installé en 2014 n’a fonctionné correctement que durant deux ans à peine, pour finalement être remplacé en 2021 et dysfonctionner à nouveau. Si bien que de l’aveu même du directeur général, la pesée de la glace est " incertaine et aléatoire " et que seul le renouvellement des tours elles-mêmes, aujourd’hui " vétustes et en mauvais état de fonctionnement ", permettrait de résoudre le problème. Mais ce renouvellement n’est pas à l’ordre du jour avant trois ans.

    Imbroglio autour du nouveau quai de pêche

    Le commissaire aux comptes émet également une réserve concernant l’adjonction en 2021 d’un nouveau quai de pêche de 40 mètres de long, dit " quai de la Papeava ", et de deux parcelles, à la convention initiale passée avec le Port autonome, sans que la valorisation de ces emprises ne soit incluse dans les comptes de l’année ni reflétée dans le montant du loyer. C’est sur ce quai, dont elle a l’usage exclusif, que la société Ocean Products Tahiti débarque son poisson, à proximité de ses nouveaux locaux. S3P n’ayant pas les moyens humains d’y effectuer les opérations de débarquement et de pesée, l’entreprise le fait par ses propres moyens, en bénéficiant d’un tarif inférieur à celui appliqué aux autres armements, et en contradiction avec le règlement du marché d’intérêt territorial. Enfin la société était en conflit avec le Port autonome et la S3P sur l’étendue de l’emprise occupée et sur la durée de la convention tripartite d’occupation, que Ocean Products voulait porter de 20 à 25 ans au regard des investissements réalisés. À la clôture de l’instruction, la CTC constatait que les loyers restaient impayés depuis octobre 2021.

    Le projet de réaménagement abandonné en 2022

    Le projet de réaménagement global du port de pêche, annoncé en juillet 2020 par le ministre alors en charge, Teva Rohfritsch, et dont la maîtrise d’ouvrage avait été confiée à Grands projets de Polynésie, a été abandonné en mai 2022 " en raison de l’absence d’une étude de programmation fiable " et du " changement de portage politique à la tête du ministère de l’Économie bleue " lorsque Tearii Alpha avait remplacé Teva Rohfritsch élu au Sénat. C’est donc à coups de rustines payées par le Pays ou la Direction des ressources marines que les infrastructures existantes sont maintenues.

    Les deux conventions d’affermage passées avec S3P, l’une avec le Pays qui avait déjà été critiquée dans un précédent rapport pour son manque de clarté, et l’autre avec le Port autonome, sont arrivées à échéance le 31 décembre dernier. C’est le Port autonome qui devrait être l’exploitant du marché d’intérêt territorial, devenant ainsi " la seule entité compétente sur les investissements et l’entretien du port de pêche, le seul interlocuteur pour les usagers et le seul organe de contrôle public ". Mais son schéma directeur 2022-2032 ne comprend pour l’instant aucune opération d’investissement qui se rapporte au port de pêche, ni aucun financement spécifique, selon la CTC.

    Alors que le gouvernement continue d’affirmer son intention de tripler l’effort de pêche sur 10 ans, on voit mal, si rien ne change, où et comment faire travailler les 160 navires supplémentaires qui sont estimés nécessaires pour y parvenir.

    Les recommandations de la chambre des comptes

    1. Mettre en place, dès 2023, un suivi rigoureux du fichier clientèle et des procédures de facturation pour assurer un meilleur recouvrement.

    2. Développer, en 2024, de nouvelles activités pour augmenter le chiffre d’affaires de la S3P.

    3. Agir, dès à présent, pour maîtriser les coûts de fonctionnement courant de la S3P.

    4. Initier, dès à présent, des procédures de contrôle interne systématiques pour éviter notamment les détournements.

    5. Régulariser, dès à présent, les conditions d’occupation et d’exploitation de la zone de Papeava.

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