- Anthony Tejero | Crée le 08.11.2024 à 05h00 | Mis à jour le 08.11.2024 à 08h09ImprimerDans l’une des deux allées du centre commercial Téari, à Koné, la majorité des boutiques ont récemment mis la clef sous la porte. Photo Anthony TejeroDepuis l’annonce de la mise en sommeil de l’usine du Nord, la fréquentation des commerces de la zone VKP (Voh-Koné-Pouembout) est en net recul. Une situation aggravée par les exactions qui a conduit plusieurs enseignes à mettre la clef sous la porte ou à "rationaliser" leurs coûts et leur masse salariale. Reportage.
Il plane comme un air de dimanche, en pleine semaine, dans cette allée déserte de la galerie commerciale du centre Téari, à Koné, où sept des dix boutiques ont définitivement baissé leur rideau. L'une des dernières encore ouvertes, une enseigne de prêt à porter, connaîtra le même sort d’ici quelques semaines.
Si le contexte économique était loin d’être florissant dans la zone VKP (Voh-Koné-Pouembout) depuis quelque temps, l’annonce de la mise en sommeil et de la fermeture de l’usine du Nord a été "le coup de grâce" pour les commerçants, qui voient leurs chiffres d’affaires fondre comme neige au soleil. Dans cette galerie, seuls les magasins situés dans l’aile principale, face à l’entrée, tiennent encore le choc, non sans mal.
"J’ai décidé de réunir mes deux boutiques de vêtements, dont l’une sera donc bientôt liquidée, dans cet espace pour limiter les frais, glisse Jesahel Perron, gérant d’Universal Store et de Planet Fashion, qui estime avoir perdu 30 % de son activité habituelle en un an. Nos ventes chutaient, mais avec la fin de KNS, là, elles se sont effondrées. Les clients que l’on a perdus dans la région, ce sont surtout les expatriés qui travaillent sur site. Les autres sont des habitants du Nord, mais ils font désormais beaucoup plus attention aux dépenses. Cependant, comme les gens auront toujours besoin de s’habiller et d’avoir encore un peu de choix, on pense qu’on arrivera à continuer à travailler."
À partir de la rentrée prochaine, Jesahel Perron va centraliser les articles de ses deux boutiques de prêt-à-porter de la galerie marchande, dans ce seul et même espace de vente. Photo Anthony TejeroUn espoir auquel se raccroche également Pierre-Yves, cogérant des enseignes Mediastore et Photodiscount, qui ont fusionné leur activité dans une seule et même surface afin de "diviser et rationaliser" les coûts, face à la baisse conséquente des ventes, estimée entre 30 % et 50 % selon les mois.
"On ne fera pas nos meilleures années, mais on a confiance"
"L’annonce de la mise en sommeil de l’usine nous a déjà fait très mal, puis les exactions nous ont encore plus plombés. Cette crise est venue s’ajouter à une conjoncture économique déjà très compliquée", analyse ce responsable, contraint de "prendre des mesures fortes", en passant notamment d’une équipe de cinq salariés l’an passé à trois employés à temps partiel aujourd’hui, afin de maintenir, autant que faire se peut, les deux sociétés. "Les primes de départ données aux travailleurs de KNS nous permettent d’avoir encore un peu d’activité, notamment sur certains produits multimédias, mais on sait que c’est à court terme. À l’image des gens qui regardent à la dépense, on doit s’adapter aux articles que l’on propose pour tenter de maintenir l’ensemble de nos services. On sait qu’on ne fera pas nos meilleures années, mais on a confiance sur notre capacité à pouvoir maintenir l’activité dans le Nord."
Au marché municipal de Voh, les vendeurs de poissons ont bien du mal à écouler leur marchandise. Photo Anthony TejeroUn optimisme que tout le monde ne partage pas dans la commune de Voh, berceau de l’usine, où l’annonce de l’arrêt de l’activité a eu l’effet d’une bombe. Au marché communal, ces pêcheurs professionnels, qui ont vendu quatre dawas en six heures, se disent "complètement découragés".
"On vit vraiment au ralenti"
"On a toujours notre travail, mais au fond, c’est un presque comme si on l’avait perdu également. Avec les blocages, on n’a rien vendu entre mai et juillet, et maintenant il n’y a plus de sous. Notre activité est en recul de 50 à 75 %, assurent Frédéric et Jean-Jacques, qui doivent faire face à une nouvelle forme de concurrence. Les gens vendent au bord de la route et pètent les prix. La plupart des mecs de KNS avaient déjà un bateau et se tournent vers la pêche informelle. On doit aussi baisser nos prix, sauf que nos coûts comme l’assurance, eux, n’ont pas diminué. On vit vraiment au ralenti."
À l’inverse des pêcheurs, les vendeurs de fruits et légumes de Voh connaissent un regain d’activité selon le président du marché Glenn Bernanos. Photo Anthony TejeroSigne de la baisse drastique du pouvoir d’achat dans la commune, le marché qui peinait à attirer les clients connaît en revanche un regain d’activité pour les fruits et légumes, vendus moins cher que dans le commerce. "Il n’y a jamais eu beaucoup de monde ici, mais depuis mai, on sent que ça change car les gens recherchent plus de produits à bas prix, glisse Glenn Bernanos, à la tête de l’association qui gère le marché. Ils recherchent essentiellement les produits de base comme les bananes et les légumes, qui sont donc les moins chers, et se tournent donc davantage vers le circuit court et la vente directe, où les marges sont beaucoup plus faibles."
Des radiations d’entreprises en hausse
Selon la synthèse de l’Institut de la statistique et des études économiques (Isee) sur les effets des exactions sur l’activité du pays, le solde entre les inscriptions et les radiations de sociétés en province Nord était négatif, de l’ordre de -98 l’an passé, contre -134, en septembre 2024. En clair, près de 37 % d’entreprises supplémentaires ont stoppé leur activité sur ce territoire, cette année.
Les conséquences de l’arrêt de l’usine se font d’ailleurs ressentir dans tout le Nord, notamment dans le secteur de l’hôtellerie et des activités de loisirs, comme l’ont confirmé aux Nouvelles calédoniennes plusieurs prestataires de Hienghène. Et ce, bien que dans le tourisme, ce sont les exactions qui ont mis à terre le secteur. "Nous travaillions beaucoup avec les comités d’entreprise et la fermeture de l’usine, et les conséquences pour les sociétés sous-traitantes, est clairement un facteur qui s’ajoute aux difficultés que nous traversons", explique notamment la direction de l’hôtel Koulnoué.
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