- Propos recueillis par Anthony Tejero | Crée le 05.10.2023 à 08h25 | Mis à jour le 05.10.2023 à 18h10ImprimerLe général Nicolas Matthéos est commandant de la gendarmerie de Nouvelle-Calédonie. Photo Anthony TejeroParmi les 238 nouvelles brigades de gendarmerie annoncées par Emmanuel Macron au niveau national, trois seront implantées sur le Caillou, à Kaala-Gomen, à Moindou et à Poya. À quoi peut-on s’attendre ? Quels sont leurs rôles et leurs spécificités ? Quels sont les effectifs espérés ? Autant de questions auxquelles le général Nicolas Matthéos, commandant de la gendarmerie en Nouvelle-Calédonie, a accepté de répondre.
Emmanuel Macron vient d’annoncer la création de 238 brigades de gendarmerie dont trois en Nouvelle-Calédonie. Comment avez-vous accueilli cette annonce ?
C’est une excellente nouvelle. Cela va renforcer notre maillage territorial, qui est le principe de base de la gendarmerie, ainsi que nos effectifs.
Ces créations ne sont pas une surprise puisque les réflexions ont commencé voilà deux ans avec une volonté du haut-commissariat d’associer tous les élus, dont les maires, pour qu’ils fassent part de leurs demandes. Ces demandes ont été mises en perspective en fonction des capacités d’accueil, des infrastructures existantes, de l’évolution démographique et du niveau d’insécurité des communes.
Le choix de ces trois communes répond donc à un besoin objectif.
Que seront concrètement ces nouvelles brigades ?
Ce sont des effectifs en plus pour aller renforcer la proximité avec les populations puisque là où nous allons implanter ces brigades, il y a un vide sécuritaire. À Moindou, à Népoui et à Kaala-Gomen, on a assisté à une certaine désertification de la sécurité.
Pourquoi ?
En 2009, la brigade de Moindou a été supprimée. À Népoui, la dernière présence de gendarmerie, à travers le peloton à cheval, est partie il y a trois ans. Quant à Kaala-Gomen, la brigade a été mariée à celle de Koumac et l’activité de cette commune a aspiré les effectifs de Kaala-Gomen qui ne sont pas aussi présents qu’ils devraient l’être.
Une brigade fixe est prévue à Gomen et deux mobiles à Moindou et à Poya. Quelle sera la différence entre ces deux dispositifs ?
Une brigade fixe est une brigade classique, qui comporte des logements et des bâtiments d’accueil du public. Il existe déjà une caserne à Kaala-Gomen, dans le village, mais uniquement remplie de gendarmes mobiles. Il n’y a donc pas d’accueil du public, qui est obligé d’aller jusqu’à Koumac. Avec la future brigade, ces habitants auront de nouveau des gendarmes enracinés dans leur commune.
"À Moindou, nous sommes au cœur de la zone la plus marquée par le braconnage."
Avec la brigade mobile, c’est la démarche inverse. Les gendarmes se déplacent au plus près de la population dans un véhicule qui sera adapté pour recevoir du public. Accueil qui pourra également se faire dans des points provisoires des locaux des mairies et de leurs annexes. Nous avons d’ailleurs déjà recueilli l’accord des maires de ces communes.
Qu’est-ce qui a motivé le choix de Moindou ?
Ces brigades doivent avoir une vocation adaptée à leur territoire. À Moindou, nous sommes au cœur de la zone la plus marquée par le braconnage. Cette brigade aura donc aussi vocation à lutter contre ces actes sur toute la côte Ouest. Ce sera le propre de cette brigade.
Pour le général Matthéos, la brigade de Moindou aura surtout vocation à lutter contre le braconnage. Photo ArchivesLes actes de braconnage sont-ils en hausse ?
Les éleveurs attendent une protection de la gendarmerie pour la sécurité de leurs biens, mais aussi de leur personne car être confrontés à des gens qui se promènent armés dans leurs pâturages n’est pas rassurant. Les éleveurs se sont inquiétés de ce pillage et nous l’ont dit. Ceci dit, le braconnage, qui reste à un certain niveau, ne s’accélère pas. Ce qui s’accélère, c’est l’action de la gendarmerie pour lutter contre ces méfaits. Nous avons pu organiser un certain nombre de contrôles qui ont été fructueux, mais qui sont compliqués à mettre en œuvre car cela suppose une bonne analyse de l’espace et du temps. Nous avons pu monter en puissance pour mieux protéger les éleveurs et leur éviter de perdre le fruit de longs mois de travail et d’investissement.
Pourquoi implanter une autre brigade mobile à Népoui ?
Ce secteur de Poya compte 800 habitants et a toujours été habitué à avoir des gendarmes, soit des mobiles, soit un peloton à cheval, jusqu’à récemment. Or ce que nous remontent la maire et certains habitants, c’est que depuis la perte des gendarmes sur place, il y a une certaine dégradation du vivre ensemble avec une montée des incivilités, des problèmes de sécurité ainsi qu’un sentiment d’insécurité assez nouveau. Il était donc légitime que la gendarmerie reprenne position dans ce bassin historique de son implantation.
"La brigade de Népoui aura une compétence élargie pour intervenir dans toute cette bande littorale entre Koné et Poya."
Cette brigade sera en renfort des gendarmes basés au village de Poya mais aussi de ceux basés à Koné qui sont chargés de couvrir Pouembout. La brigade de Népoui aura cette compétence élargie pour intervenir dans toute cette bande littorale entre Koné et Poya.
Quels seront les effectifs déployés pour en assurer le fonctionnement ?
Ce seront des gendarmes en plus, et non pas un redéploiement d’effectif interne. Mais en Nouvelle-Calédonie, ce serait une erreur de créer une brigade à partir de rien. Je vais donc m’appuyer sur des gendarmes qui sont là depuis longtemps ainsi que sur des gendarmes qui sont des enfants du pays afin de respecter les équilibres avec ceux venant de Métropole.
En quoi est-ce important de déployer des Calédoniens au sein de la gendarmerie ? Et que représentent-ils sur l’ensemble des effectifs ?
Un tiers des effectifs de gendarmerie sont des Calédoniens à l’échelle du territoire et ils représentent un quart des effectifs au sein des unités de terrain. C’est important d’avoir des enfants du pays puisqu’ils savent nous acculturer aux spécificités du territoire. J’y veille partout. Dans mes différentes gendarmeries, il faut que j’aie au moins un Calédonien qui nous permette de mieux comprendre ce territoire et donc de mieux remplir nos missions.
"La Nouvelle-Calédonie c’est d’abord une histoire de familles."
C’est incontournable d’avoir cette connaissance géographique, culturelle et ces relations car la Nouvelle-Calédonie c’est d’abord une histoire de familles. Ce contact humain permet d’éviter bien des problèmes et de trouver beaucoup de solutions. Un gendarme calédonien dans nos rangs, c’est clairement un atout.
Il a été annoncé que ces brigades seront progressivement créées d’ici 2027. À quel calendrier doit-on s’attendre en Nouvelle-Calédonie ?
Je n’ai pas d’idée sur ce calendrier. Je souhaite que ce soit le plus tôt possible et pourquoi pas dès cette année. J’espère pouvoir donner naissance à au moins une de ces trois unités le plus rapidement possible, mais je ne peux pas encore avancer une échéance plus précise.
"Nous renforçons la présence de gendarmes à Lifou"
Le local de la compagnie Air Calédonie, situé au village de Wé, a été entièrement détruit par un incendie.Quelles sont actuellement les priorités de la gendarmerie ?
Notre priorité, c’est de maintenir l’ordre républicain. Ce qui commence par l’apaisement des conflits, qu’ils soient familiaux, coutumiers ou économiques, afin qu’ils restent à leur plus bas niveau. C’est tout un travail qui ne se voit pas forcément mais qui est prioritaire parce que la Nouvelle-Calédonie est réputée particulièrement sensible en termes d’ordre public.
Justement, le conflit qui oppose des collectifs d’usagers avec Aircal se durcit, au point que l’agence commerciale de Wé a très probablement été volontairement incendiée la nuit dernière. Quel climat règne à Lifou et dans les îles ?
Forcément, un acte criminel de cette nature peut inquiéter la population. C’est la raison pour laquelle le haut-commissaire m’a demandé de renforcer la présence de gendarmes à Lifou, notamment dans le secteur de l’aérodrome. Nous conduisons cette enquête sous l’autorité du procureur de la République. Nous avons mis les moyens nécessaires pour rapidement identifier les auteurs de cet acte criminel. Je me rends d’ailleurs sur place ce jeudi après-midi pour faire le point et voir comment rassurer la population.
De manière plus générale sur les îles, je crois qu’il faut faire confiance à la population et aux différentes parties de ce conflit qui se parlent de manière plutôt raisonnable, au-delà des mécontentements.
"Nous constatons une augmentation très forte des violences intrafamiliales encore cette année, de l’ordre de +5 % à +6 %."
Au-delà du maintien de l’ordre, quels sont les autres dossiers prioritaires ?
Il s’agit de lutter contre toutes les formes d’insécurité : dans les familles avec une augmentation très forte des violences intrafamiliales encore cette année, de l’ordre de +5 % à +6 % par rapport à l’an passé. Ce phénomène ne s’infléchit toujours pas malgré nos efforts. Cela passe notamment par de la prévention dans les écoles et les tribus, et bien sûr par une prise en compte de la victime dès le début en la protégeant de toutes les manières possibles.
Si le combat contre les violences intrafamiliales nous mobilise beaucoup, c’est aussi le cas de la lutte contre les cambriolages et les vols de voiture qui pourrissent le quotidien des gens. Nous sommes engagés avec des résultats assez bons pour résoudre ces faits et nous observons une stabilisation, voire petite baisse, après une forte croissance.
Nous sommes engagés dans la lutte contre les stupéfiants, en particulier contre le cannabis, à travers des contrôles routiers, des contrôles dans l’espace numérique et notamment sur Facebook. Enfin, nous maintenons nos actions dans la lutte contre l’insécurité routière qui atteint un niveau assez effrayant en Nouvelle-Calédonie.
Je tiens à souligner que l’ensemble de ces faits ont un dénominateur commun : une consommation excessive d’alcool qui cause des ravages.
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