- Baptiste Gouret | Crée le 05.11.2024 à 14h00 | Mis à jour le 05.11.2024 à 14h00ImprimerPrès de cinq mois après le déclenchement de la crise, l’Isee a publié une note révélant les premières conséquences économiques des exactions. Photo Archives LNC/Anthony TejeroAprès une première publication sur des données arrêtées au 31 août, l’Institut de la statistique et des études économiques a actualisé les effets des exactions sur l’activité économique du pays avec les chiffres disponibles au 30 septembre. Le document confirme des tendances déjà observées : une forte hausse des bénéficiaires du chômage, une augmentation des radiations d’entreprise et des prix de l’alimentation qui bondissent. La crise a aussi un impact sur l’activité minière. Revue de détails.
10 000 emplois perdus dans le secteur privé
Avant le déclenchement de la crise, en mai, l’emploi salarié privé était déjà en baisse de 2 %. À la suite des exactions, ce chiffre a explosé. Dans une première note conjoncturelle consacrée aux impacts de la crise et basé sur les principaux indicateurs économiques du territoire au 31 août, l’Institut de la statistique et des études économiques (Isee) estimait à 6 000 le nombre de salariés du privé en moins depuis les exactions. Dans une nouvelle note basée sur des données au 30 septembre, l’Institut actualise ce chiffre à 10 000 emplois salariés perdus dans le secteur privé depuis mars 2024. Cela représente un salarié sur six en Nouvelle-Calédonie.
5 000 bénéficiaires du chômage total
En septembre, "5 070 personnes privées d’emploi ont été indemnisées au chômage total", dévoile l’Isee. Un chiffre constitué des bénéficiaires du chômage de droit commun (3 745 personnes) et des bénéficiaires du chômage spécifique aux actions mis en place dès le mois de mai par le gouvernement (1 324 personnes). Il est légèrement en baisse par rapport au mois de septembre, où 5 542 personnes ont été indemnisées.
Chômage partiel : davantage d’autorisations accordées que de salariés indemnisés
"La moitié des entreprises employeuses ont fait une demande de chômage partiel au titre des exactions, validée par le gouvernement", révèle encore l’Isee. Le nombre de salariés indemnisables au chômage partiel, c’est-à-dire dont le temps de travail pourrait être partiellement réduit au cours du mois concerné, atteignait exactement 22 988 personnes au 31 août. Un chiffre qui tombe à 11 300 au 30 septembre. Toutefois, depuis mai, "les autorisations délivrées sont bien supérieures au nombre de salariés effectivement placés en chômage partiel", fait remarquer l’Institut. Ainsi, 1 009 salariés ont été indemnisés au titre du chômage partiel en août et seulement 4 442 en septembre.
Des radiations de patentes en hausse
L’Isee s’est également penchée sur les disparitions d’entreprises, en collectant les radiations de sociétés ainsi que de travailleurs indépendants au Ridet. Entre le début des émeutes et la fin du mois d’août, la Nouvelle-Calédonie a perdu "910 travailleurs indépendants". En septembre, 334 nouvelles radiations ont été enregistrées.
Côté sociétés, en revanche, la hausse est moins marquée. Si l’on observe une légère augmentation des radiations en juillet par rapport à la même période en 2023, ces chiffres ne sont pas particulièrement exceptionnels, et se rapprochent par exemple de ceux d’avril 2023. Le contraste avec l’an dernier est cependant bien plus prononcé sur les inscriptions au Ridet, avec vingt à trente créations d’entreprises mensuelles entre mai et août, contre soixante à quatre-vingt les mois précédents. Sur la période de janvier à septembre, le solde des inscriptions-radiations au Ridet est ainsi largement négatif (- 1 032). En 2023, sur la même période, il était déjà négatif mais dans une moindre mesure (- 329).
Procédures collectives : des effets encore difficiles à mesurer
Paradoxalement, le nombre de procédures collectives (sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire) a chuté en mai. C’est certainement la conséquence d’une activité à l’arrêt aux premiers mois des exactions, y compris pour le mandataire judicaire, et d’un contexte particulier où la cessation de paiements était davantage tolérée. Par ailleurs, une série d’aides financières de l’État et du gouvernement a permis à de nombreuses sociétés de ne pas atteindre la cessation de paiements. Une hausse a toutefois été constatée en août. Le pays compte trente sociétés de moins qu’en fin d’année 2023. La province Sud est la plus touchée, avec 830 unités perdues, "particulièrement dans les secteurs de la construction, des activités de soutien aux entreprises (notamment les activités de nettoyage), la santé et l’industrie".
Une extraction de minerai en chute libre
Si la baisse était amorcée bien avant la crise, notamment avec la mise en sommeil de KNS en février, les exactions et les blocages survenus à partir du 13 mai ont eu un impact considérable sur l’extraction de minerai brut. La quantité extraite est tombée au plus bas en juin, avec seulement 193 530 tonnes extraites, contre plus d’un million de tonnes en mars. En août, on était toutefois déjà remonté à 545 000 tonnes. L’impact est sensiblement identique sur les quantités de nickel produites par les entreprises métallurgiques. Concernant les exportations, leur valeur n’a eu de cesse de chuter ces derniers mois. Le territoire a vendu entre pour quatre milliards de francs de produits métallurgiques en août. Un an plus tôt, le nickel avait rapporté près de 21 milliards de francs en un mois au territoire.
Des échanges de marchandises en baisse
Alors que le solde commercial (différence entre la valeur des exportations et celle des importations) d’avril s’établissait à un montant relativement bon pour les standards calédoniens (- 1 milliard de francs), la crise de mai a largement creusé le déficit. En septembre le déficit commercial calédonien a atteint 18 milliards de francs. La valeur des exportations est presque plus de deux fois inférieure à celle de juin 2023 (6 milliards contre 14 milliards un an plus tôt). Celle des exportations a également largement baissé, limitant l’impact sur le solde commercial.
Un impact notable sur les prix de l’alimentation
L’indice des prix à la consommation, qui vise à mesurer l’évolution moyenne des prix des biens et des services consommés par l’ensemble des ménages calédoniens, a bondi de plus de quatre points en juin, passant de 113 à 117,22. Une hausse encore plus notable pour les 20 % des ménages les plus modestes, davantage fragilisés par la crise. Depuis, l’indice se maintient. Il s’élève désormais à 118,18.
Des impayés qui augmentent et une trésorerie limitée
L’Isee a également observé la solvabilité des entreprises et des ménages. Le montant des "créances douteuses", qui correspondent à tout ce qui n’a pas été correctement payé à échéance, a fortement augmenté au deuxième trimestre 2024. À l’inverse, la trésorerie des entreprises est en baisse : 170 milliards de francs étaient disponibles sur l’ensemble des comptes courants des sociétés calédoniennes au deuxième trimestre 2024, contre 198 milliards un an plus tôt.
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