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    Nouvelle Calédonie
  • Anthony Tejero | Crée le 22.06.2024 à 04h55 | Mis à jour le 22.06.2024 à 09h29
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    Erick, professeur d’histoire-géographie, et Frédéric, professeur de technologie au collège de Kaméré "ont hâte" de reprendre le travail, même si de nombreuses inconnues planent encore sur la rentrée, à commencer par sa date. Photo Anthony Tejero
    Dans les quartiers les plus durement frappés par les émeutes, la rentrée scolaire est encore semée d’embûches et d’inconnues. Ce vendredi, les professeurs des collèges de Rivière-Salée, de Kaméré ou encore des Portes-de-Fer se sont néanmoins retrouvés pour recréer du lien entre eux, mais surtout pour se préparer à accueillir de nouveau les élèves, dont certains ont été directement impliqués dans ces exactions. Un moment redouté par certains, attendu avec impatience par d’autres. Témoignages.

    C’est dans le réfectoire, dernier bâtiment encore capable d’accueillir du public en toute sécurité, que les professeurs du collège de Rivière-Salée ont fait leur rentrée scolaire, vendredi. Signe d’une reprise qui s’annonce, au moins inédite, si ce n’est semée d’embûches et d’inconnues.

    "Mon inquiétude, c’est de savoir dans quel état nous allons retrouver nos élèves. Avec tout ce qu’il s’est passé, j’ai beaucoup de doutes sur leur bonne santé mentale, glisse Henriette, professeur de Drehu, entre deux ateliers de cohésion avec ses collègues. Nous sommes en pleine réflexion tous ensemble pour décider de ce qu’il faudra leur dire ou ne pas leur dire. Le but, c’est de ne pas amplifier les tensions s’il y en a, et que l’on ait tous le même message."

    "Il y avait des élèves à moi sur les barrages"

    Dans cet établissement scolaire particulièrement visé par les émeutiers, certains enseignants redoutent de se retrouver de nouveau confrontés aux jeunes. "Dans le quartier où j’habite, il y avait des élèves à moi sur les barrages. J’appréhende de les revoir. Ce face-à-face est une réelle inquiétude. Je précise que je tiens ce discours uniquement parce que j’enseigne dans un quartier chaud qui a été saccagé. Peut-être que ma position, mon sentiment changeront dès que j’aurai repris les cours avec eux, raconte Marie, professeur d’anglais, qui avoue ne plus se sentir "légitime" face aux jeunes de Rivière-Salée. Ce qui me motive, c’est mon entière confiance envers certains de mes élèves. C’est pour eux que je reviens, car je sais qu’ils ont besoin de nous. Nous sommes aussi des repères."


    Ce vendredi 21 juin, les enseignants de Rivière-Salée ont fait leur rentrée dans le réfectoire, seul bâtiment encore apte à accueillir du public en toute sécurité. Photo Anthony Tejero

    Un discours qui fait écho à celui de Nicolas : "Nous sommes conscients que si les jeunes en sont arrivés là, c’est aussi parce qu’ils manquent d’un cadre. Et c’est l’un des buts de notre mission, estime ce professeur d’arts plastiques, qui mise sur sa matière pour "remettre du lien" entre les jeunes. Avec la musique et le sport, ce sont des disciplines où tous les élèves peuvent s’exprimer, quelle que soit leur sensibilité, dans un cadre respectueux."

    Autre quartier, mêmes dégâts… et mêmes interrogations. À Kaméré, les enseignants du collège, saccagé par des émeutiers, ont dû être accueillis chez leurs collègues de l’établissement scolaire des Portes-de-Fer, faute de locaux rénovés à temps. Là encore, les sentiments au sein de l’équipe sont mitigés.

    "On n’est pas là pour juger"

    "Je n’ai pas la boule au ventre à l’idée de reprendre, mais je comprends l’inquiétude de certains. J’espère que dans le collège, on va vite reprendre le rythme. Ce qui est plus incertain, c’est l’ambiance et le climat dans le quartier. Comment est-ce que cela va évoluer au fil des semaines ? C’est une question assez anxiogène, concède Erick, professeur d’histoire et géographie, qui entend rester concentré sur ses missions premières. On est avant tout des enseignants, donc s’ils arrivent en tant qu’élèves et nous respectent, on avancera ensemble. On n’est pas là pour juger. Ceci dit, au cas par cas, si des jeunes ne respectent pas le règlement ou tiennent des discours trop radicaux, l’administration interviendra. Nous, on est d’abord là pour reconstruire du lien."


    Au collège de Rivière-Salée, même la salle de musique a été saccagée. Photo Anthony Tejero

    À ses côtés, Frédéric opine du chef. "En tant qu’enseignant, on se doit de rester neutres. Notre but, c’est la transmission pour qu’ils ressortent de l’école avec un diplôme, estime ce professeur de technologie. J’ai vu certains de mes élèves sur les barrages, mais je garde à l’esprit que cela reste des enfants et qu’ils ont sans doute été poussés par d’autres, avec peut-être des pressions. Je les considère avant tout comme des élèves à qui je dois le respect. Et inversement."

    "On est tous dans l’attente"

    Toujours est-il, des questions en cascade se bousculent dans l’esprit des enseignants rencontrés dans ces établissements de quartiers frappés de plein fouet par les exactions : combien de jeunes reviendront-ils ? À quelle date la rentrée pourra-t-elle se faire ? Dans quelles conditions et même dans quels bâtiments ? Dans quelle ambiance ? "On est tous dans l’attente et on ne sait pas vraiment à quoi s’attendre d’ailleurs, mais il est temps de passer une nouvelle étape en reprenant les cours. Ne serait-ce que pour la vie du quartier, qui reprendra avant tout, ici, avec la réouverture du collège car il n’y a plus rien d’autre à Kaméré. Tout a été détruit", regrette Erick, pour qui "faute de mixité sociale" dans ce collège, l’équipe pédagogique devra davantage axer ses paroles sur d’autres valeurs que le vivre-ensemble, comme l’entraide, le partage et le respect.

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