- Anthony Tejero | Crée le 26.05.2024 à 04h45 | Mis à jour le 26.05.2024 à 04h45ImprimerMarie Gévenoux a pris le temps d’échanger avec le personnel de la clinique Kuindo-Magnin de Nouville Photo Anthony TejeroLa ministre déléguée aux Outre-Mer s’est rendue ce samedi 25 mai, à la clinique Kuindo-Magnin, de Nouville, qui a vécu une situation "ubuesque", faisant venir son matériel et son personnel par la mer pour ne pas abandonner les patients et continuer de leur prodiguer des soins. Depuis que la route a été libérée, vendredi, la direction espère un retour progressif à la normale dès la semaine prochaine. Toujours est-il, cette chute de l’activité a plongé dans le rouge cet établissement privé déjà en proie à d’importantes difficultés financières.
Après plus de dix jours d’émeutes, synonymes de barrages condamnant l’accès à la presqu’île de Nouville, la clinique Kuindo-Magnin est-elle en train de sortir d’une "situation ubuesque" ? La direction et les équipes le souhaitent de tout leur cœur depuis que les forces de l’ordre ont libéré la route, vendredi.
"Pour continuer à fonctionner, nous avons vécu des conditions incroyables. Le personnel disponible, qui n’était pas bloqué dans leur quartier, a été rapatrié par navettes maritimes jusqu’à la plage de l’établissement. Il fallait quasiment nager et marcher sur le récif pour rejoindre l’établissement. Et pour les ravitaillements, c’était pareil, raconte Jean-Jacques Magnin, le président de la clinique, soulagé que la structure ait pu prendre en charge autant que faire se peut les patients présents lorsqu’ont éclaté les exactions. Au début de la crise, on a d’abord été désorientés et nous avons dû trouver une nouvelle organisation pour continuer de prodiguer les soins à nos malades qui ne pouvaient pas sortir et aux femmes qui venaient d’accoucher. On a d’abord eu beaucoup de mal à nourrir les gens. Cela a été compliqué de trouver les filières d’approvisionnement, mais au fur et à mesure on s’est adaptés, et on a réussi à faire face."
La ministre déléguée a écouté les préoccupations et le ressenti de certaines familles en cette période de crise. Photo Anthony TejeroEt pour ce faire, les équipes n’ont pas ménagé leur peine et ont fait preuve, comme bon nombre de Calédoniens en cette période de crise, de beaucoup d’abnégation, enchaînant les gardes de 48 heures, lorsque ce n’est pas plus pour ceux qui ne pouvaient pas rentrer chez eux. Si la circulation est désormais rétablie à l’entrée de Nouville, les inquiétudes n’en demeurent pas moins profondes à bien des niveaux pour le personnel soignant, notamment au sein du service oncologie pour lequel des patients n’ont pas pu avoir de traitements (chimiothérapie et autres) pendant six jours, "ce qui est extrêmement grave".
Vers un retour à la normale la semaine prochaine ?
La direction espère ainsi retrouver ses missions premières dès la semaine prochaine. "La clinique ne fonctionne toujours pas normalement. Nous allons profiter du week-end afin de préparer l’établissement à redémarrer dès lundi, pour prévenir les patients et déjà voir s’ils peuvent venir, explique Jean-Jacques Magnin. Il faut se renseigner sur les besoins de ces patients pour savoir si on a le matériel ou non, si on peut accéder aux docks de nos fournisseurs qui sont eux aussi bloqués. Avant un retour à la normale, il faut qu’on ait tous ces éléments."
Ces habitants du Mont-Dore s’apprêtent à quitter la clinique. Photo Anthony TejeroToujours est-il, Marie Guévenoux, la ministre déléguée aux Outre-mer, qui a visité la structure ce samedi, a promis une chose à la direction : un dispositif de forces de l’ordre sera déployé sur cette route durablement afin de sécuriser cet outil stratégique.
"Il y a de grandes probabilités qu’on nous place en liquidation"
En dépit de ces efforts, les responsables craignent que l’avenir de la structure, déjà en proie aux difficultés financières et qui a fait face à une chute vertigineuse de son activité pendant près de deux semaines, ne soit scellé. "Nous sommes déjà en procédure de sauvegarde et il y a de grandes probabilités que le tribunal administratif nous place en cessation de paiements et en liquidation, déplore le président de cet établissement. On a aucun espoir de sortir la clinique de ce bourbier. On est à bout de souffle."
Un cri d’alarme entendu par la ministre déléguée qui a assuré mettre en relation "au plus vite" la direction et les actionnaires de cette structure privée avec la mission en cours de constitution pour apporter une aide d’urgence exceptionnelle pour l’économie et la reconstruction du pays.
Dialyse : "On a malheureusement eu le décès d'une patiente"
Dr Jean-Michel Tivollier, est fondateur de l'association Atir (Association pour le traitement de l'insuffisance rénale). Photo Anthony TejeroEntretien avec le Dr Jean-Michel Tivollier, néphrologue et fondateur de l'association Atir.
Quels sont les dégâts et difficultés que vous éprouvez depuis le début de ces émeutes ?
Le principal problème est le même que pour tous les Calédoniens, c'est la liberté de circuler qui empêche l'accès aux patients, aux employés mais aussi à la logistique dans les centres de dialyse sont de gros consommateurs de matériel médical. C'est une problématique qu'il faut revoir tous les jours. Mais grâce à la ligne de vie de nos ambulanciers, on a pu garder actif notre activité.
Pour autant, c'était très compliqué au début. Comme on a l'habitude des périodes de cyclone ou de Covid, on a mis en route nos cellules de crise. On s'est coordonnés entre l'hôpital qui fait aussi de la dialyse et l'association Atir, ce qui a permis de mettre toutes les forces vives du bon côté. On a dressé une liste commune de tous les patients afin de gérer en crise la survie des patients. C'est-à-dire qu'on leur fournit un traitement qui n'est pas optimal, mais qui leur permet d'attendre un retour à la normale.
Concrètement, qu'est-ce que signifie cette prise en charge réduite ?
On les fait venir moins souvent avec des temps de dialyse plus courts pour prendre plus de patients en même temps. D'autant plus que le principal centre en face du Médipôle a été saccagé. Oo*n a pu le remettre en vie uniquement cette semaine et il commence à peine à devenir actif en ayant perdu un tiers de sa capacité à cause de ce vandalisme.
Les patients font contre mauvaise fortune bon coeur, à Nouville. Photo Anthony TejeroLes autorités déplorent des décès collatéraux à ces émeutes par manque d'accès aux soins. Qu'en est-il pour les dialysés à votre connaissance ?
Nous sommes sur des traitements vitaux, donc cet accès aux soins est indispensable. On s'est organisés, mais on a malheureusement eu le décès d'une patiente qui n'est pas venue un jour, puis le jour suivant elle n'a pas osé monter dans l'ambulance, puis le troisième jour, enfin, elle est venue, mais a fait un arrêt cardiaque dans le centre de dialyse. Elle ne s'était pas rendue au centre à cause de cette peur liée aux difficultés de circulation.
Sinon en termes de décès, on a " sauvé les meubles ". Toute l'équipe a été extrêmement mobilisée avec beaucoup de courage da la part de ce personnel qui a bravé les barrages pour honorer cette mission, ce qui est assez extraordinaire.
Peut-on craindre d'autres décès liés à cette dégradation et irrégularité d'accès aux soins ?
A plus long terme, le déficit de dialyse n'améliore pas l'état de santé des patients et les personnes sont alors plus à risque d'avoir des soucis qui peuvent conduire à des arrêts cardio-vasculaires ou des œdèmes pulmonaires. A des soucis de santé qui risquent d'être vitaux.
Deux semaines dans ces conditions, cela fait beaucoup car le personnel commence à être usé. Les patients sont en sous-dialyse et demandent donc une attention particulière. En clair, il ne faut pas que les choses s'éternisent parce que sinon cela va devenir très compliqué.
"On travaille à nos risques et périls"
Les ambulanciers bravent de nombreux dangers pour permettre aux patients d’accéder aux centres de dialyse.Si l’accès aux soins est très difficile depuis le début des émeutes, il est essentiellement rendu possible grâce à la mobilisation des ambulanciers. Une profession "épuisée", qui confie travailler "à ses risques et périls" pour transporter des patients qui vivent dans les "quartiers chauds" de l’agglomération.
"Quand je conduis, je n’ai pas confiance, j’ai toujours cette crainte qu’ils vont taper mon véhicule. On ne se sent pas en sécurité et même si on essaie de se soutenir entre collègues, on ressent vraiment de la crainte et de la colère", confie cette Dumbéenne.
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