- Charlotte Mannevy / AFP | Crée le 11.08.2024 à 11h00 | Mis à jour le 11.08.2024 à 11h00ImprimerFin août, près de 1 200 de l’usine du Nord employés seront licenciés. Photo Baptiste GouretPrès de 1 200 salariés de l’usine Koniambo Nickel (KNS) seront licenciés fin août, faute de repreneur. Mais l’actionnaire majoritaire veut croire en une "bonne nouvelle" et appelle l’Etat à l’aide.
Karl Therby, le PDG de la Société minière du Pacifique Sud (SMSP), assure ne pas être "un vendeur de rêve". "Je ne le cache à personne, rien n’est gagné et le chemin sera difficile", dit-il en évoquant l’avenir de l’usine KNS, à Voh, dont 1 150 de ses salariés seront licenciés fin août. En coulisses pourtant, les discussions pour une reprise du site continuent. "Deux groupes sont toujours intéressés […], un autre l’est mais avec qui les discussions sont moins avancées. Et le projet est bien d’y faire de la métallurgie, pas simplement de l’extraction minière", poursuit-il.
Actionnaire à 51 % de KNS, la SMSP, une entreprise indirectement détenue par la province Nord, est à la recherche d’un nouveau partenaire industriel depuis l’annonce en février du retrait du géant anglo-suisse Glencore, qui détenait les 49 % restant.
Jamais rentable, le site affiche une dette abyssale de 13,5 milliards d’euros (plus de 1 600 milliards de francs), un passif qui repose entièrement sur Glencore. L’échec de KNS symbolise les difficultés du secteur du nickel, qui compte pour 25 % de l’emploi privé du Caillou et la quasi-totalité de ses exportations mais traverse une crise majeure.
Encore "trois à six mois" de discussions
Celle-ci a contraint les acteurs traditionnels (Australie, Japon…) à réduire la voilure voire à fermer des sites tandis que de nouveaux acteurs, notamment l’Indonésie, inondaient le marché avec du nickel à bas coût.
En février, Glencore avait accepté de financer six mois de salaires supplémentaires pour permettre une maintenance "à chaud" des fours et donc une reprise rapide de l’activité si un repreneur se présentait. L’échéance étant arrivée à terme, "1 150 personnes vont faire l’objet d’une procédure de licenciement collectif pour motif économique", a indiqué fin juillet la direction de KNS. Ne resteront que 50 salariés, chargés de la maintenance à froid des immenses fours de l’usine. Mais "la perspective d’une reprise n’est pas enterrée", assure Karl Therby, qui estime que les discussions avec les groupes intéressés prendront encore "trois à six mois".
"Tout à reconstruire"
Une fois les fours arrêtés, "tout est à reconstruire", précise Karl Therby. Une reconstruction qui se comptera en mois, voire en années avec probablement "une réorientation vers une clientèle qui souhaite se départir de l’hégémonie chinoise" sur le nickel. C’est-à-dire délaisser le ferronickel destiné à l’acier, tel que produit actuellement par KNS, au profit d’une production de matte de nickel (produits tirés de la première fusion du minerai) susceptible d’intégrer les filières de production de batteries électriques.
Une stratégie réaliste, selon Karl Therby, car déjà mise en œuvre dans l’usine que codétient la SMSP en Corée du Sud avec le coréen Posco. La SMSP espère aboutir "d’ici à la fin de l’année". Et pour éviter une perte de compétences, celle-ci a sollicité le 25 juillet l’aide de l’État dans un courrier adressé à Emmanuel Macron, pour "un montant estimé entre 25 et 55 millions d’euros, correspondant au coût du maintien de la masse salariale de KNS pour une durée de trois à six mois".
Les syndicats réservés
Dans ce courrier resté pour l’instant sans réponse, la SMSP rappelle que les deux autres usines de nickel de Calédonie, Prony Resources et la SLN, ont "bénéficié de plusieurs centaines de millions d’euros de financement au cours des huit dernières années", à la différence de KNS. De source proche du dossier, on fait valoir que la province Nord, à majorité indépendantiste, "n’a jamais souhaité que l’État intervienne directement ou finance d’une quelconque manière que ce soit […] l’usine KNS".
Les syndicats, eux, sont réservés sur les perspectives d’une reprise. "Bien sûr que l’on veut croire à un repreneur", assure Frédéric Narcissot, du Syndicat général des travailleurs de l’industrie de Nouvelle-Calédonie (SGTI-NC) : "Mais lorsqu’on regarde la réalité de la situation, on se demande qui va venir faire de la métallurgie ici, avec le coût de l’électricité tel qu’il est". "Cela fait partie des questions que […] les entreprises et les institutions ont éludées pendant des années", regrette-t-il.
Fin 2023, Bercy avait proposé un pacte nickel, promettant contre des contreparties de subventionner l’énergie nécessaire aux trois usines calédoniennes mais il n’a pu aboutir, en raison notamment de l’opposition des indépendantistes à la libéralisation des exportations de minerai brut, une des demandes de l’Etat.
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