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    Nouvelle Calédonie
  • Propos recueillis par Anthony Tejero | Crée le 20.03.2025 à 05h00 | Mis à jour le 20.03.2025 à 05h00
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    Myreille Dupont-Rouzeyrol est la responsable de l’unité dengue et arboviroses à l’Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie. Photo Anthony Tejero
    Spop. C’est le nom d’un atelier qui réunit à Nouméa jusqu’à ce jeudi 20 mars, des experts de la santé de plusieurs États du Pacifique. Cette communauté de scientifiques veut monter un réseau régional de surveillance pour mieux se préparer et affronter ensemble la survenue de maladies infectieuses et d’épidémies. Entretien avec Myreille Dupont-Rouzeyrol, responsable à l’Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie.

    Des scientifiques de plusieurs États du Pacifique sont réunis cette semaine à Nouméa pour participer aux ateliers Spop autour de la surveillance génomique des pathogènes dans la région. De quoi s’agit-il ?

    L’objectif de ces quatre jours d’atelier, c’est de rassembler des personnes de la santé animale et humaine du Pacifique, autour de l’intérêt de séquencer des bactéries ou des virus qui causent des maladies.

    Qu’est-ce que le séquençage ?

    Séquencer, c’est regarder la carte d’identité, l’ADN de la bactérie ou du virus. Lorsqu’on fait ce séquençage, on a beaucoup d’informations. On peut identifier d’où est-ce qu’il provient. On peut savoir s’il peut être sévère ou pas. On peut imaginer des vaccins pour combattre ces maladies.

    L’exemple le plus frappant, encore dans toutes les mémoires, c’est la pandémie de Covid…

    Exactement. Pendant l’épidémie de Covid-19, on a pu suivre l’évolution des variants, le nombre de différents sous-types de virus de SARS-CoV-2 grâce au séquençage. Et donc, on a pu voir ces variants émerger, ces variants disparaître, avec certains qui étaient plus infectieux ou d’autres qui provoquaient des sévérités plus importantes.

    Or le Pacifique, aujourd’hui, doit faire partie de cet effort mondial de séquencer les bactéries ou les virus qui causent des maladies dans la région car, justement, on a vu avec la Covid-19 que les virus n’ont pas de frontières.

    Cet atelier sert-il donc à mettre en commun vos connaissances en vue de mieux travailler ensemble en cas d’émergence d’une nouvelle épidémie dans la région ?

    L’idée, c’est de s’y préparer. Aujourd’hui, il y a des capacités de séquençage dans certains pays. Mais ce qu’on veut, c’est mettre en place un réseau qui peut avoir différents niveaux. C’est-à-dire que si un pays a besoin de pouvoir identifier et séquencer la bactérie ou le virus à l’origine du problème qu’il pose, qu’il sache s’il peut le séquencer chez lui ou non. Et alors, qu’il sache vers quel autre territoire peut-il l’envoyer ? Comment est-ce qu’il peut l’envoyer et comment est-ce qu’il va recevoir les informations qui vont l’aider à mieux comprendre et à mieux agir sur son épidémie ?

    C’est une entraide scientifique en quelque sorte…

    C’est un consortium. C’est être ensemble, partager, se faire confiance, trouver des moyens de faire avancer les connaissances pour un appui à la santé publique.

    Le Pacifique est-il soumis ou exposé à des épidémies ou des maladies infectieuses particulières ?

    Bien sûr. Les épidémies d’arbovirus, par exemple comme la dengue ou le Zika parcourent tout le Pacifique. Il ne faut pas oublier que le Pacifique a été l’origine de l’épidémie de Zika. C’est là que ce virus a émergé, avant de diffuser dans le monde.

    Le Pacifique est une zone où l’incidence de la leptospirose est très élevée.

    Par ailleurs, dans de nombreuses zones de la région, il y a également beaucoup de cas de leptospirose. Le Pacifique est d’ailleurs une zone où l’incidence de la leptospirose est très élevée. Il y a donc des particularités, ce qui n’exclut pas qu’on soit soumis aux épidémies qui sévissent dans le monde entier comme la grippe, le SARS-CoV-2, etc.

    Des scientifiques déclarent que le changement climatique pourrait avoir des conséquences sur l’intensité ou la fréquence des épidémies ou des maladies. Pourquoi ?

    Par exemple, les moustiques qui transmettent des maladies vont plus facilement diffuser, notamment dans des endroits où ils n’étaient pas forcément présents, ce qui peut faire émerger des nouvelles épidémies.

    Peut-être que l’augmentation des températures et des précipitations aura un impact sur le fonctionnement des bactéries et virus. On le voit bien, par exemple, sur la leptospirose : c’est quand il pleut beaucoup qu’il y a des cas. Donc s’il pleut davantage dans le futur, cela peut augmenter le nombre de cas.

    En tant que petits États insulaires, la zone Pacifique dispose-t-elle de particularités ou d’avantages pour se prémunir de ces épidémies ?

    On pourrait dire que le fait d’être assez isolé peut nous protéger, mais ce n’est pas tout à fait juste. On a bien vu avec la Covid-19 que le virus est finalement arrivé dans tous les pays du Pacifique ou encore que la dengue circule largement dans tous les pays de la région. Donc sachant cela, avec ce consortium qui se tient à Nouméa, on souhaite mieux se préparer pour aider les pays du Pacifique à avoir les moyens de répondre à ces épidémies.

    Et en cas de pandémie, est-ce que la fermeture des frontières reste, dans l’urgence, une solution efficace ?

    Cela dépend de quel virus on parle. Si c’est un virus qui est transmis par voie orale, pourquoi pas, mais si c’est un virus qui est transmis d’une autre façon, non. On a bien vu (avec la pandémie de Covid-19 N.D.L.R) que c’est une solution qu’on a adoptée dans l’urgence, mais que l’objectif d’isoler complètement un territoire n’est pas une bonne solution. On a bien vu toutes les conséquences que cela pouvait entraîner, notamment sur l’approvisionnement.

    Doit-on s’attendre ou se préparer, dans un avenir assez proche, à la survenue de nouvelles pandémies comme celle que l’on a connue avec la Covid-19 ?

    Ce qui est sûr, c’est que ces maladies qui ont émergé, sont des virus qui viennent de l’environnement, et plus particulièrement de l’animal pour ensuite aller vers l’homme. Donc, avec nos modes de vie contemporains, il y a de plus en plus de contacts qui peuvent favoriser ce franchissement de la barrière entre espèces.

    Quand est-ce que ça arrivera ? Je n’ai pas la réponse. Cela se produira certainement à un moment ou à un autre. L’objectif aujourd’hui, c’est donc de monter ce réseau et nos capacités de séquençage dans le Pacifique. Ce partage de l’information, avec le monde entier, est crucial.

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