- Propos recueillis par Anthony Tejero | Crée le 07.03.2024 à 09h16 | Mis à jour le 07.03.2024 à 09h20ImprimerPhilippe Martin, à la tête de la Direction du travail, de l’emploi et de la formation, et Sophie Garcia, secrétaire générale au gouvernement, ont présenté, mercredi, aux côtés du président Louis Mapou, le plan d’urgence qui sera proposé aux entreprises fr Photo Anthony TejeroAlors que le pays traverse une crise du nickel sans précédent, frappant de plein fouet de nombreux sous-traitants, le gouvernement vient de dévoiler un plan d’urgence pour accompagner les entreprises en difficulté. Parmi les mesures phares, la mise en place prochaine d’une allocation de chômage spécifique au secteur minier, bien plus avantageuse que le chômage partiel actuel. Comment fonctionnent ces dispositifs ? Comment y prétendre ? Et surtout la Nouvelle-Calédonie peut-elle financer de telles mesures, qui se chiffrent en milliard(s) de francs ? Éléments de réponse.
Entretien avec... Philippe Martin, à la tête de Direction du travail, de l’emploi et de la formation (DTEF) et avec Sophie Garcia, secrétaire générale au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Deux dispositifs d’aide devraient bientôt être possibles pour les entreprises. Quelle est la différence entre le chômage partiel classique et l’allocation-chômage spécifique qui devrait être prochainement proposée dans le secteur minier ?
Philippe Martin : Aujourd’hui, il existe le chômage partiel, dit de droit commun, qui permet à des entreprises qui rencontrent des difficultés conjoncturelles ou qui sont confrontées à des circonstances exceptionnelles, de voir financer une partie du salaire de leurs employés par la Cafat. Ce montant est de 66 % du SMG (salaire minimum garanti) sur une période trois mois maximum pour un volume horaire annuel de 1 800 heures par salariés.
Le mécanisme de ce dispositif est le suivant : l’employeur fait une demande à la Direction du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, qui l’instruit, la valide, puis fait l’objet d’un arrêté du gouvernement. L’employeur paye le salarié sur la base de cet arrêté et se fait rembourser ensuite par la Cafat. Ce dispositif est éligible à toutes les entreprises en Nouvelle-Calédonie.
Y compris celles qui sont déjà frappées par la crise du nickel ?
P.M : Oui. La moitié du budget actuel du chômage partiel est d’ailleurs consacré à des entreprises touchées plus ou moins directement par cette crise nickel.
Quel a été le coût de ce chômage partiel en 2023 en comparaison avec le début de l’année 2024 ?
P.M : En 2023, le chômage partiel a coûté 50 millions de francs. Pour 2024, nous avions une enveloppe de 100 millions qui sera consommée d’ici fin mars, début avril*. Donc on voit bien une accélération du recours à ce dispositif.
Les sous-traitants sont aujourd’hui en première ligne des difficultés.
Ce qui est le signe que le Caillou traverse une crise économique, au-delà du seul domaine du nickel…
P.M : Cela montre bien qu’au-delà des entreprises directement touchées par la crise nickel, il y a des effets systémiques de cette crise. Les entreprises ne sont pas toutes directement liées aux métallurgistes, mais évidemment, de proche en proche, de sous-traitant en sous-traitant, cela se diffuse sur l’ensemble des secteurs d’activité : la restauration, l’hôtellerie, la location de biens immobiliers, etc. Sans oublier le BTP, dont la crise est plus ancienne, mais qui se focalise aujourd’hui. On voit donc bien qu’il y a une crise générale et systémique en Nouvelle-Calédonie. Le recours au chômage partiel est ainsi une solution pour amortir le choc et surtout maintenir, si possible, les compétences nécessaires dans les entreprises à une reprise future.
Justement, c’est tout l’intérêt du projet de délibération que vient d’adopter le gouvernement en vue de mettre en place une allocation-chômage spécifique au secteur minier. De quoi s’agit-il ?
P.M : Elle vise le secteur des entreprises de la métallurgie et de l’ensemble des sous-traitants en relation contractuelle avec ces opérateurs. Le périmètre est donc plus restreint que le chômage partiel de droit commun.
Quels seront les critères d’attribution ?
P.M : Les sous-traitants sont aujourd’hui en première ligne des difficultés. Il faudra que ces derniers puissent indiquer qu’ils ont une baisse de leur chiffre d’affaires égale ou supérieure à 50 % par rapport aux trois derniers mois qui précèdent la demande et que cette baisse est liée à des ruptures ou à des suspensions ou à des renégociations de contrats auprès des opérateurs.
En quoi ce dispositif est-il plus avantageux que le chômage partiel ?
P.M : Cette allocation est également spécifique dans ce qu’elle permet d’allouer. Au lieu de 66 % du SMG sur 3 mois pour le chômage partiel, cette allocation peut aller jusqu’à 70 % de 2,5 fois le SMG, soit environ 289 000 francs par mois. Donc ce régime est plus satisfaisant, d’autant plus que les salariés qui étaient déjà au SMG percevront, eux, 100 % de leur salaire.
Pourquoi cette différence ?
P.M : L’objectif est essentiellement de garder des compétences stratégiques auprès des sous-traitants pour qu’ils puissent, soit se reporter vers d’autres activités, soit maintenir leurs compétences au moment de la reprise du secteur qu’on espère tous.
Les ressources de la Nouvelle-Calédonie ne sont pas extensibles, la trésorerie atteint aussi un niveau critique.
Selon vos projections, combien de salariés pourraient être concernés et combien ce dispositif pourrait-il coûter en 2024 ?
P.M : Aujourd’hui, l’hypothèse de travail, ce sont environ 1 000 personnes concernées pour un montant d’un peu plus d’un milliard de francs. Évidemment tout dépendra de la durée de la crise, de si elle s’aggrave, si elle atteint un plateau ou si elle finit par se résorber.
Une autre de vos projections, plus pessimiste, avance le chiffre de 2 milliards de francs…
P.M : En effet. Le coût moyen de ce dispositif par salarié est d’un million de francs sur une période de trois mois, renouvelable. Donc en fonction de l’évolution de la situation, il faudra peut-être corriger ces projections. Ce chiffre de 2 milliards correspond à l’hypothèse selon laquelle près de 2 500 salariés seraient concernés.
Quels sont les leviers pour financer un tel dispositif et faudra-t-il faire appel à l’État ?
Sophie Garcia : Il est vrai que c’est un financement assez conséquent pour le budget de la Nouvelle-Calédonie. Pour cette enveloppe d’un milliard de francs, nous avons commencé à étudier des pistes de financement qui seront posées lors de notre budget supplémentaire. Il sera certainement voté en mai prochain. On a donc quelques solutions à l’étude et qui doivent encore être débattues par la collégialité du gouvernement, mais on pourrait trouver les financements lors de ce budget supplémentaire, avec des dégagements de ressources que l’on pourrait récupérer de ci, de là.
Les entreprises, elles, ne pourront pas attendre le mois de mai. Auront-elles droit à cette allocation-chômage spécifique d’ici-là si le dispositif n’est pas financé ?
S.G : Oui, c’est possible car dans la délibération de cette allocation, nous avons mis en place un dispositif qui permet à la Nouvelle-Calédonie de verser une avance de trésorerie dans l’attente du vote du budget supplémentaire. Effectivement, les ressources de la Nouvelle-Calédonie ne sont pas extensibles, la trésorerie atteint aussi un niveau critique, mais puisqu’il s’agit de mesures d’urgence, nous parviendrons à dégager des ressources pour remédier aux premières demandes de ce chômage en tout cas.
Note
* Une demande a été soumise à la Cafat (dont un conseil d’administration est prévu le 15 mars prochain) visant à obtenir un abondement de 200 millions de francs pour les crédits destinés au chômage partiel, par prélèvement sur le régime du chômage.
Par ailleurs, une sollicitation de 140 millions de francs est en cours auprès de l’Agence sanitaire et sociale (ASS-NC). Ces fonds supplémentaires sont destinés à couvrir les besoins sur une période de deux à trois mois.
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