- Baptiste Gouret | Crée le 05.12.2024 à 17h30 | Mis à jour le 05.12.2024 à 17h30ImprimerL’AFD a réuni un certain nombre d’élus pour leur présenter l’Observatoire des communes 2024, ce jeudi 5 décembre. Photo Baptiste GouretFrappées de plein fouet par les émeutes, tant en termes de destructions que de budget, les communes ont dû s’adapter pour maintenir leurs services tout en préservant leurs finances. Un exercice délicat que l’AFD a dévoilé, ce jeudi 5 décembre, lors de la présentation de l’Observatoire des communes, devant des maires très inquiets pour l’avenir.
Ça devait être un compte rendu des finances des communes pour l’année 2023. Un rendez-vous annuel donné par l’Agence française de développement (AFD) aux maires et aux équipes municipales. Mais comment analyser une situation financière que la crise insurrectionnelle de mai est venue fracasser ? "Le bilan 2023, je pense que ça n’intéresse pas grand monde", a reconnu Thomas De Gubernatis, directeur de l’AFD, en préambule de la conférence sur l’Observatoire des communes, organisée ce jeudi 5 décembre en présence de plusieurs dizaines d’élus. Pourtant, l’état des lieux 2023 se voulait plutôt flatteur pour les communes. Un taux d’épargne moyen en hausse de deux points (18,1 %), une augmentation des investissements (17,8 milliards)… Des chiffres désormais "complètement obsolètes".
33 % de recettes en moins
Les équipes de l’AFD ont donc dû se plier à un "travail complexe et fragile" et se départir du recul habituel dont elles profitent, en analysant les finances 2024 des communes, dans un contexte encore très instable et avec des données parcellaires. Un bilan anticipé qui laisse déjà apparaître l’ampleur des difficultés pour les municipalités : elles ont perdu, depuis le mois de mai, 33 % de leurs recettes fiscales. L’AFD table même sur une réduction de l’assiette de répartition de 35 %, impactant directement les dotations au bénéfice des communes.
À cela s’ajoutent, pour les quatre villes de l’agglomération, les conséquences financières des dégradations des bâtiments publics (caisses des écoles, postes de police, médiathèques, écoles…), estimées à 9 milliards de francs. Toutes n’étaient pas couvertes par une assurance. Celles qui, comme Nouméa, en bénéficiaient n’ont encore touché aucune indemnisation, retardant les chantiers de démolition et les projets de reconstruction.
En Brousse et dans les Îles, les dégâts ont été très limités, mais les communes ont toutefois dû composer avec d’autres problématiques : axes coupés, activités économiques au point mort, accès aux soins limité… Elles ont également été confrontées à l’arrivée d’une nouvelle population ayant fui l’agglomération, qu’il a fallu loger et scolariser.
Pas de visibilité pour 2025
Pour faire face à cette situation exceptionnelle, les municipalités se sont adaptées pour sauver le peu de trésorerie dont elles disposaient. De nouvelles stratégies d’investissement et d’endettement ont émergé. La masse salariale, premier poste de dépenses des collectivités, a été limitée à travers la non-réduction des contrats temporaires, la suppression de certaines primes, la baisse des indemnités des élus ou encore la réduction du temps de travail des agents. Les programmes d’investissements engagés ont été stoppés net. Une partie du budget d’investissement et les prêts des établissements bancaires ont ainsi été utilisés pour faire fonctionner l’administration.
Devant les maires, l’AFD, premier financeur des communes, a profité de ce moment pour vanter son action depuis le début de la crise insurrectionnelle. L’Agence française de développement a accordé de nombreux reports d’échéances, pour un montant total d’1,6 milliard de francs. Elle a aussi accordé 3,2 milliards de financements supplémentaires pour permettre à une dizaine de communes de conserver une trésorerie correcte.
Rien qui ne suffise, toutefois, à garantir une visibilité aux communes. Le budget de fin de gestion devrait leur garantir 6 milliards versés par l’État pour tenir jusqu’au 31 décembre. Mais l’année 2025 s’annonce périlleuse pour les comptes des collectivités. La censure du gouvernement Barnier et le report du vote du budget 2025 les placent dans une situation critique. Si aucune nouvelle aide n’est allouée en début d’année, une partie d’entre elles préviennent qu’elles ne seront plus en mesure de payer leurs agents dès février.
Des maires très préoccupés
Sonia Lagarde, maire de Nouméa. Photo Baptiste GouretParmi les élus présents ce jeudi 5 décembre à la conférence sur l’Observatoire des communes de l’AFD, plusieurs maires ont pris la parole pour évoquer les difficultés auxquelles sont confrontées leurs municipalités. Tous évoquent avec inquiétude l’année à venir.
Sonia Lagarde, maire de Nouméa : "Je suis très inquiète et pessimiste pour 2025"
"Nouméa est une commune qui a la chance d’être assurée, mais nous attendons toujours le retour de l’assureur, on espère avant la fin de l’année. Ça nous permettra d’engager la démolition et donc la reconstruction. On veut reconstruire deux écoles et le mur d’escalade. Mais je suis très inquiète et pessimiste concernant 2025. Ce qui s’est passé cette nuit à l’Assemblée nationale (le renversement du gouvernement Barnier NDLR) n’est pas bon du tout pour nous. On est également suspendu à un vote du Congrès sur la décision modificative n°6 pour finir l’année. J’espère que nos élus du Congrès ne reproduiront pas le scénario lamentable de l’Assemblée et voteront d’une seule voix ce texte. Si nous n’avons pas cet argent, je ne sais pas comment on fera. Je serai contrainte de rendre les clés du camion. Au mois de février, c’est fini pour les 1 600 agents de Nouméa, je ne pourrai plus les payer."
Alphonse Poinine, maire de Touho : "Nous n’avons pas d’autonomie financière"
Alphonse Poinine, maire de Touho. Photo Baptiste Gouret"La situation est exceptionnelle. On se retrouve confrontés à une crise économique et sociale. Et nos administrés se tournent vers nous, car pour eux, la province ou le gouvernement, c’est trop loin. Leur interlocuteur, c’est le maire. Mais quels pouvoirs avons-nous ? Nous n’avons pas d’autonomie financière, donc on subit la situation. Il va falloir tout repenser. Depuis mai, on s’est posé la question des notions de service public et d’intérêt général, et de la légalité de certaines mesures prises par les communes pour répondre à la crise. Il faut maintenant anticiper 2025."
Florence Rolland, maire de La Foa : "On a besoin de visibilité"
Florence Rolland, maire de La Foa. Photo Baptiste Gouret"La vraie question, c’est qu’est-ce qu’on fait là ? Depuis le 13 mai, on tente d’occuper nos fonctions et c’est quasiment mission impossible. Le projet de loi de fin de gestion va nous permettre de récupérer 6 milliards sur les 27 milliards alloués à la Nouvelle-Calédonie. Ce n’est rien. Et pendant ce temps, on nous demande de construire notre budget 2025. On ne sait plus quoi faire. On nous félicite d’être résilients. Je n’en peux plus de ce mot. Il faut rebondir, et on ne pourra le faire qu’avec l’État et les banques. Il faut créer des programmes spécifiques pour nous accompagner dans la crise, une loi de programmation spéciale à la Nouvelle-Calédonie. On a besoin de visibilité. On ne peut pas se contenter à chaque fois d’une réponse sur les deux prochains mois."
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