- Baptiste Gouret | Crée le 18.01.2024 à 20h04 | Mis à jour le 18.01.2024 à 20h04ImprimerEn grande difficulté financière, la société de distribution d’électricité a un besoin de trésorerie immédiat d’un milliard de francs. Photo Archives LNC/Niko VincentAlors que l’entreprise publique est menacée par un déficit structurel et un manque de trésorerie, le Congrès a voté en faveur de plusieurs mesures d’urgence pour assurer la survie du système électrique calédonien, dont la création d’une nouvelle taxe supportée par les automobilistes et plafonnée à 20 F/L d’essence ou de gazole.
Comment sauver le soldat Enercal ? La société publique de distribution d’électricité fait face à une situation "d’urgence absolue" : 13,2 milliards de déficit cumulé et un besoin immédiat d’un milliard de francs pour assurer la maintenance de son réseau et régler les prochains arrivages de fioul et de charbon. Sans ça, Enercal pourrait être en cessation de paiements dès le mois de février. Mais où trouver cet argent ?
Pour le gouvernement, la solution réside dans la création d’une taxe pour l’équilibre tarifaire (TET). Censé remplacer la taxe sur la transition énergétique (TTE), cet impôt viendrait ajouter aux taux forfaitaires actuellement appliqués aux carburants une nouvelle part variable. Elle serait plafonnée à 20 F/L d’essence ou de gazole à la charge des automobilistes. Son rendement est estimé entre 3 et 5 milliards de francs par an.
Des mesures d’urgence
Réunis en séance publique, les élus du Congrès avaient déjà largement débattu du sauvetage d’Enercal, jeudi 18 janvier, lorsqu'ils ont abordé le projet de loi du pays portant création de la TET, en fin de journée. Le texte était en effet précédé d’une délibération cadre portée par Calédonie ensemble, l’Uni et l’UC, demandant au gouvernement de mettre en œuvre une série de "mesures d’urgence pour assurer l’équilibre financier du système électrique calédonien". Les trois groupes considèrent en effet que, si la TET est "incontestablement nécessaire", elle n’est pas pour autant "suffisante pour assainir complètement la situation du réseau électrique". Par ailleurs, "elle fait peser l’ensemble des efforts sur les automobilistes" alors qu’il faudrait "faire participer l’ensemble des contribuables", a exposé Philippe Michel (Calédonie ensemble). Ainsi, le document formule plusieurs propositions : élargissement de l’assiette de la TET, exonération fiscale d’Enercal, revalorisation des tarifs de l’électricité, abaissement de la redevance versée par Enercal aux communes…
Christopher Gygès, membre du gouvernement notamment chargé de la transition énergétique, s’est opposé à la création de la taxe pour l’équilibre tarifaire, votée jeudi en séance du Congrès. Photo Baptiste GouretUn texte qui a fait l’objet d’une levée de boucliers des élus des groupes Rassemblement et Loyalistes, opposés autant à la création de la nouvelle taxe qu’aux autres mesures d’urgence de la délibération cadre. "Ces propositions vont impacter de manière significative les contribuables", a réagi Françoise Suve, avant de pointer plus particulièrement la taxe sur l’équilibre tarifaire, jugée "injuste car elle touche principalement les automobilistes et rogne le pouvoir d’achat des Calédoniens".
"On est tous d’accord pour dire qu’il faut sauver Enercal, mais est-ce que la solution, c’est de lui apporter 5 milliards supplémentaires en prenant dans la poche des communes et des citoyens, en tapant sur les automobilistes et les entreprises ?", a interrogé Christopher Gygès, membre du gouvernement ouvertement opposé au projet de taxe.
"Est-ce que quelqu’un croit, ici, qu’on peut sauver notre système électrique sans mettre personne à contribution ? Il faudra des efforts de certains voire de tout le monde", a rétorqué Philippe Michel. Pour Philippe Blaise (Loyalistes), cette délibération cadre est un simple "exercice d’affichage politique", fait de "menaces au monde économique" et de "sornettes".
Le port autonomie mis à contribution
Dans le camp du Rassemblement et des Loyalistes, on considère que seul le besoin de trésorerie d’Enercal doit être réglé dans l’immédiat. "Nous avons déposé un amendement pour prélever un milliard au budget de la Nouvelle-Calédonie pour résoudre ce problème de trésorerie à court terme", a annoncé Virginie Ruffenach, présidente du groupe Rassemblement. Un autre amendement déposé par Milakulo Tukumuli (Éveil océanien) propose d’aller chercher cette somme dans les caisses du port autonome. Ce montant offrirait un sursis à Enercal, en attendant les propositions de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) pour transformer le système électrique calédonien. "C’est seulement à ce moment-là qu’on pourra prendre le temps de faire une vraie réforme de fond", pense Nicolas Metzdorf.
"On se pose quand même des questions sur votre bonne volonté : est-ce que vous ne voulez pas juste retarder les choses, comme pour le Ruamm ?", s’est agacé Jean-Pierre Djaïwé (Uni).
La délibération cadre a été adoptée à 31 voix pour et 18 contre et le projet de loi du pays portant création de la TET a rassemblé 30 voix pour et 16 contre.
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