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  • Etienne BALMER / AFP | Crée le 06.01.2024 à 14h00 | Mis à jour le 06.01.2024 à 14h00
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    Un siècle après la destruction de Tokyo lors du grand tremblement de terre du Kanto en 1923, la capitale japonaise ne ressemble plus aujourd’hui à la ville rasée par ce tremblement de terre de 7,9, qui a tué 105 000 personnes. Photo Richard A. BROOKS / AFP
    Le pays du soleil levant est un habitué des séismes majeurs, à l’image de celui du Nouvel An dont le bilan provisoire affiche déjà 94 morts et 222 disparus. Mais à Tokyo, Takashi Hosoda, installé dans un gratte-ciel, n’est "pas spécialement inquiet". Cet architecte de formation sait que les constructions japonaises modernes sont conçues pour protéger leurs occupants.

    L’apparence de la capitale nippone n’a plus grand-chose à voir avec le Tokyo de 1923 disparu dans une autre catastrophe majeure, le grand tremblement de terre du Kanto (magnitude 7,9), l’un des dix séismes les plus meurtriers de ces cent dernières années dans le monde (105 000 morts).

    A cette ville horizontale et essentiellement bâtie en bois, anéantie une seconde fois par les bombardements incendiaires américains durant la Seconde Guerre mondiale, a succédé une mégapole où le béton armé est roi.

    Le désastre du 1er septembre 1923 a marqué "la naissance des structures parasismiques au Japon", souligne Yoshiaki Nakano, un expert de l’Institut national de recherche sur les sciences de la terre et la résilience aux catastrophes (NIED).

    Des normes très strictes

    Le premier code japonais de construction parasismique est introduit dès 1924. Ces normes n’ont cessé d’être étoffées depuis, en tirant les enseignements d’autres tremblements de terre majeurs survenus par la suite dans l’archipel, qui subit à lui seul environ 10 % des secousses de la planète.

    Les règles japonaises de construction antisismique "sont parmi les plus strictes au monde", rappelle M. Nakano. "Nous devons fournir une robustesse des structures relativement plus élevée" qu’ailleurs, et le minutieux contrôle du respect des normes, des plans à la construction finale, est aussi un "facteur clé".

    Le séisme de magnitude 9,0 en 2011 a entraîné un tsunami très meurtrier dans le nord-est du pays, mais les dégâts ont été limités à Tokyo : ses tours ont fortement et longtemps oscillé, mais sans rompre.

    Des tours truffées d’amortisseurs

    Aux structures renforcées de base se sont greffés plus récemment des mécanismes anti-vibrations pour les gratte-ciel : des coussins en caoutchouc sous les fondations pour les isoler du sol, des amortisseurs répartis dans les étages, ou même des pendules de plusieurs centaines de tonnes installés au sommet.

    Construite en 2014, la Toranomon Hills Mori Tower (247 mètres) est truffée de systèmes anti-vibrations, dont 516 amortisseurs à huile, d’épais vérins de 1,7 mètre de long.


    Kai Toyama, responsable de l’ingénierie structurelle du géant de l’immobilier Mori Building, devant un amortisseur à huile à la Toranomon Hills Business Tower à Tokyo. Les constructions de la capitale japonaise répondent aujourd’hui à des normes antisismiques particulièrement drastiques. Photo Yuichi YAMAZAKI / AFP

    "Au moment des secousses le dispositif répète un mouvement élastique et se met à chauffer. Il convertit l’énergie libérée par le séisme en énergie thermique", permettant de réduire les vibrations, explique Kai Toyama, un responsable de l’ingénierie des structures chez le géant immobilier japonais Mori Building.

    Après le séisme de Kobe en 1995 (plus de 6 000 morts), l’accent a aussi été mis sur le renforcement des normes parasismiques pour les nouvelles habitations en bois et la mise à niveau des bâtiments anciens, datant d’avant la dernière révision majeure du code en 1981.

    "Prise de conscience"

    Le grand tremblement de terre de 1923 a aussi provoqué une "prise de conscience" de l’ensemble de la société japonaise, relève M. Nakano.

    Depuis 1960, le 1er septembre est la journée nationale de prévention des désastres. Ce jour-là, d’innombrables écoliers, salariés et fonctionnaires – jusqu’au gouvernement au grand complet – procèdent à des exercices de simulation d’un séisme majeur.

    Beaucoup de Japonais gardent constamment des provisions d’urgence chez eux, tout comme les entreprises et les pouvoirs publics. Au 1er avril 2023, les autorités locales à Tokyo stockaient ainsi 9,5 millions de repas instantanés (riz, nouilles, biscuits secs) dans quelque 400 entrepôts.

    Une capitale toujours vulnérable

    Ces mesures de précaution ont été intensifiées après le séisme de 2011, qui avait provoqué des embouteillages monstres à Tokyo et la suspension des transports en commun, empêchant des millions de personnes de rentrer chez elles, souligne Takashi Hosoda, responsable de la gestion des désastres chez Mori Building.

    En dépit de tous ces efforts, Tokyo reste une ville vulnérable aux séismes, et encore davantage à d’autres catastrophes naturelles comme les inondations.

    Les arrondissements de l’est de la capitale reposent sur des sols instables et inondables, et la concentration de vieilles habitations en bois accolées les unes aux autres y persiste.

    "Construction anarchique"

    La reconstruction de Tokyo dans l’après-guerre a été "anarchique" et a "priorisé le développement économique et non la réalisation d’une ville résiliente", a déploré lors d’une récente conférence de presse le sismologue Masayuki Takemura.

    Il a aussi pointé du doigt une "concentration excessive de gratte-ciel" et la construction de zones résidentielles sur des îles artificielles, augmentant leur risque d’isolement en cas de catastrophe naturelle.

    Il y a une probabilité de 70 % qu’un séisme majeur frappe Tokyo au cours des 30 prochaines années, selon les experts.

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