- Patrick Blain | Crée le 26.11.2023 à 12h58 | Mis à jour le 26.11.2023 à 12h59ImprimerLe récif corallien joue un rôle majeur dans la lutte contre les effets de la montée des eaux. Photo IfremerEntre 1850 et 2020, la température moyenne du monde a crû de 1,2 degré. Cela peut paraître peu, sauf si l’on précise qu’avant le début de l’ère industrielle, la même progression du mercure avait pris 125 000 ans.
Virginie Duvat préfère parler de " crise " plutôt que d'" urgence " climatique. Dans l’assistance de la grande salle de conférences de la CPS où cette experte donnait une conférence jeudi soir, quelques murmures dubitatifs se sont fait entendre. Mais est-ce vraiment important ? Les chiffres et les faits sont là. En matière de climat, crise ou pas, ça urge.
La Nouvelle-Calédonie n’a pas échappé à l’emballement général. Sur le dernier demi-siècle, la température y a gagné 1,3 degré. Plus que la moyenne mondiale, donc. Chaque année, le trait de côte de Tawaadé et Tipinjé, à Touho, a reculé de 1,75 mètre en moyenne. En deux tiers de siècle, deux plages aussi emblématiques que Kanumera (île des Pins) et de la Roche Percée, à Bourail, ont perdu 23 mètres et 72 mètres.
Le rôle majeur du récif corallien
Si la planète s’y met vraiment et limite la hausse du mercure à 1,5 degré, l’élévation du niveau de la mer dans le Pacifique sud pourrait être contenue à 43 centimètres en 2100. Mais même dans ce scénario résolument optimiste, plus des trois quarts des coraux seront perdus à ce moment-là. Et cette perspective n’est pas seulement une catastrophe pour la biodiversité ou la ressource halieutique. Par son action sur les courants, les vagues et les déplacements des sédiments, le récif corallien joue un rôle majeur dans la lutte contre les effets de la montée des eaux. Le " service rendu " à l’humanité par le corail a été valorisé à 405 millions d’euros, soit pas loin de 50 milliards de francs.
Virginie Duvat a dédié sa carrière à l’étude du climat dans les territoires d’outre-mer. Elle a donné une conférence jeudi soir à la CPS. Photo Patrick BlainC’est pourtant là que réside, au moins partiellement, la solution. Ou plutôt les solutions. Car après avoir passé en revue les différentes pistes possible, du laisser faire la nature jusqu’à la radicale relocalisation de villages dont il s’agit de faire un " projet positif ", un " futur désirable ", Virginie Duvat a avancé un pronostic : amortir les effets du changement climatique passe à l’évidence par une combinaison de mesures, prises en fonction des particularités de chaque site concerné. Un avis largement corroboré par l’adjoint en charge du dossier à la mairie d’Ouvéa, qui a détaillé les initiatives de la commune. Avant de préciser, avec humilité, en être encore au stade de l’expérimentation.
Cinq ans de travaux
Professeure universitaire de géographie, Virginie Duvat a dédié sa carrière à l’étude du climat dans les territoires d’outre-mer. Le groupement d’experts (GIEC) lui a confié la responsabilité du chapitre " petites îles " de ses deux derniers rapports, qui font autorité à l’échelle planétaire. Après les Antilles et l’océan Indien, après Tuvalu et la Polynésie, ses travaux vont la mener en Nouvelle-Calédonie lors des cinq années à venir. Ils s’ajouteront à ceux de tous les organismes, services administratifs, associations, ONG, sources de financement, déjà à l’ouvrage afin que soient établis des états des lieux, élaborées des solutions et proposés des plans d’action. Sommé, pour la bonne cause, de concilier les exigences contradictoires du temps long et du temps court, le politique devra alors enfiler le costume du maître d’œuvre de l’ensemble.
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