- Baptiste Gouret | Crée le 20.11.2024 à 07h00 | Mis à jour le 20.11.2024 à 07h00ImprimerPhilippe Blaise (au centre), premier vice-président de la province Sud, a tenu une conférence de presse lundi 18 novembre pour dénoncer le projet de loi relatif au domaine public de l’eau, présenté ce mercredi au Congrès. Photo Baptiste GouretLe texte, qui sera soumis ce mercredi au vote du Congrès, a pour ambition de protéger une ressource qui se raréfie à travers l’élaboration d’un cadre juridique. Mais l’introduction d’une nouvelle redevance sur les prélèvements d’eau irrite la province Sud, qui y voit un danger pour les secteurs de l’agriculture et de la mine.
Dans les tuyaux depuis 2019, année où a été adopté un "schéma de la politique de l’eau partagée", le projet de loi relatif au domaine public de l’eau, présenté ce mercredi 20 novembre au Congrès, est présenté par le gouvernement comme "une grande avancée" pour la préservation de la ressource, menacée par le réchauffement climatique. "Pierre angulaire" de la gestion de l’eau en Nouvelle-Calédonie, le texte vise notamment à définir un "cadre juridique efficace", alors que les dispositions actuellement applicables proviennent d’une délibération de 1968, aujourd’hui complètement obsolète.
Selon l’exécutif, le projet de loi serait le fruit d’une "volonté politique unanime et transpartisane". Pourtant, il n’a pas fallu attendre la séance du Congrès pour que des premières divisions autour de ce texte fassent leur apparition. "La province Sud y est fermement opposée", a dit, péremptoire, Philippe Blaise, premier vice-président de la Maison bleue, lors d’une conférence de presse organisée lundi 18 novembre sur le sujet.
"Maladresse extraordinaire"
Principal reproche adressé à ce texte : l’instauration d’une "redevance sur l’eau", dont devront s’acquitter tous ceux qui prélèvent dans un cours d’eau ou un bassin. La fourchette tarifaire a été fixée par l’exécutif entre 1 000 et 8 000 francs par mois, en fonction de la consommation des utilisateurs. Son entrée en vigueur est prévue deux ans après le vote du projet de loi. L’argent collecté viendra alimenter un Fonds de l’eau, créé en 2022, dont l’objectif est de financer des projets d’aménagements ou d’entretien des cours d’eau relevant du domaine public. Les premiers touchés par cette redevance seront les agriculteurs, qui prélèvent régulièrement dans les cours d’eau pour arroser leurs exploitations. Les sites miniers et industriels seront également concernés.
Une "maladresse extraordinaire", juge Philippe Blaise, qui voit dans cette "redevance vexatoire" une menace pour des secteurs fragiles, contraints de "payer pour l’eau qui tombe du ciel". Selon les projections du gouvernement, la grande majorité des agriculteurs (60 %) paieront le montant minimum de la redevance, "et moins de 5 % atteindront le plafond". Les communes, également soumises à cette future taxe, profiteront quant à elles d’un "bouclier tarifaire" fixé à 200 francs par habitant et par an, un "impact minime" qui devrait éviter une répercussion du surcoût sur les ménages calédoniens. En excluant tous les cours d’eau intermittents du domaine public, l’exécutif veut par ailleurs favoriser le retour d’une partie des captages sous le régime de la propriété privé, exemptant ainsi une partie des agriculteurs du paiement de la redevance.
Pas de quoi satisfaire la province Sud, très remontée contre cette création d’impôt dont elle peine à saisir l’utilité. "Ce qui sera collecté ne sera pas réinvesti dans l’entretien des cours d’eau ni dans de nouveaux aménagements, affirme Philippe Blaise. Les agriculteurs vont payer et n’auront aucun service en retour." "C’est complètement faux, rétorque Jérémie Katidjo-Monnier, membre du gouvernement et porteur du projet de loi. Le Fonds de l’eau est mobilisé sur des projets identifiés par un comité à destination de ceux qui y participent. Chaque utilisation de l’argent est soumise à validation d’un comité, dont font notamment partie les provinces."
Des terres coutumières exemptées
L’autre "fait grave" reproché par la province Sud au gouvernement concerne la notion d'"exception coutumière" que le projet de loi introduit. "Dès le départ, on prévoit deux poids deux mesures", dénonce le premier vice-président. Seuls les propriétaires de terres relevant du droit privé seront concernées par la redevance. "Cela va créer des situations d’inégalité économique avec, côte à côte, des espaces privées qui devront payer et d’autres non. C’est un système pervers et dangereux."
Dans le dossier de presse consacré au projet de loi, le gouvernement relativise la portée de cette exemption : "les prélèvements d’eau sur terre coutumière ne représentent que 15 % des captages." Surtout, il rappelle "le statut spécifique, à valeur constitutionnelle, des terres coutumières" qui "interdit à la Nouvelle-Calédonie d’intervenir d’autorité sur le foncier coutumier". "La loi nous empêche tout simplement d’appliquer cette redevance sur terres coutumières", ajoute Jérémie Katidjo-Monnier.
Si elles veulent bénéficier de l’argent du Fonds de l’eau, les autorités coutumières auront l’obligation de signer une convention avec le gouvernement, ce qui donnera lieu à l’application de la redevance pour les terres concernées.
Les élus vont continuer à discuter du sujet, ce mercredi, en séance publique du Congrès. Nul doute que les débats devraient être longs et houleux.
La gestion de l’eau, une compétence convoitée
Derrière ces débats autour du projet de loi se joue une bataille autour de la gestion du domaine public de l’eau. Philippe Blaise ne cache pas la volonté de la collectivité : "Il faut que la compétence revienne dans le giron des provinces", affirme le vice-président de la Maison bleue, qui y voit une forme de complémentarité avec la politique agricole dont elles ont déjà la charge.
Il s’agirait bel et bien d’un "retour". Car si le gouvernement est désormais seul compétent en la matière, il a longtemps délégué la gestion du domaine public de l’eau aux trois provinces. Celles-ci lui ont rétrocédé en 2021, jugeant ne plus être capables financièrement d’entretenir et d’aménager les cours d’eau. "C’est toujours pareil, le gouvernement délègue la compétence mais ne verse pas l’argent", justifie Philippe Blaise.
La province Sud veut "appliquer sa vision"
En récupérant la gestion du domaine public de l’eau, la province Sud pourrait alors appliquer "sa vision, diamétralement opposée" à celle du gouvernement, lâche le premier vice-président. Celle-ci consisterait à investir massivement dans un système d’irrigation de terres aujourd’hui arides, "à l’image de ce qui a été fait à La Réunion", illustre Philippe Blaise. La valorisation de terres éloignées des cours d’eau aurait également le mérite d’éviter l’inondation des cultures, phénomène accentué par un débordement plus fréquent des rivières.
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