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    Environnement
  • Marion Durand / Outremers360 | Crée le 18.11.2023 à 14h05 | Mis à jour le 18.11.2023 à 14h04
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    Maina Sage, ex-députée polynésienne et membre du Comité d’orientation de Sea’ties. Photomontage Outrremers360
    Hausse des températures, érosion côtière, événements météorologiques extrêmes, disparition des coraux… Les outre-mer sont en première ligne face au réchauffement climatique et les Ultramarins sont déjà confrontés à l’élévation du niveau des mers. Maina Sage, ex-députée polynésienne et membre du Comité d’orientation de Sea’ties, dévoile à Outremers360 les premières recommandations du programme pour adapter les villes côtières à la montée des eaux.

    Face au changement climatique, les îles sont vulnérables. Même s’il est difficile pour les scientifiques de prévoir la réponse des systèmes insulaires aux pressions associées au changement climatique en raison de la multitude des facteurs en jeu, une chose est sûre : elles ne sortiront pas indemnes des bouleversements qui se profilent.

    En moyenne, à l’échelle globale, le niveau de la mer s’élève aujourd’hui de près de 4 millimètres par an. La Martinique pourrait ainsi perdre 5 % de sa superficie d’ici 2100. Des zones entières de Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Mayotte ou La Réunion pourraient devenir inhabitables dès 2040-2050. En Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, les scientifiques prédisent la disparition de nombreuses îles. " Les îles coralliennes basses qui sont habitées (comme les Iles Marshall, Kiribati, Tuvalu, Maldives) pourraient être submergées sur la totalité ou la quasi-totalité de leur surface à partir de 2060-2090 si le scénario climatique pessimiste se réalise ", indique le dernier rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).

    Que faire pour éviter le pire ? Comment adapter les villes côtières à la montée des eaux ? C’est la question que se posent, depuis quatre ans, les membres du programme Sea’ties. Cette initiative a été lancée par la Plateforme Océan & Climat en 2020. Le but ? Faciliter la mise en œuvre de politiques d’adaptation pour les villes côtières confrontées à l’élévation du niveau de la mer. Après quatre ans d’échange avec la communauté scientifique et les acteurs locaux, les membres de Sea’ties ont présenté, jeudi 9 novembre, leurs premières recommandations. Entretien avec l’ancienne députée polynésienne Maina Sage, membre du Comité d’orientation de Sea’ties.

    Vous faites partie du Comité d’Orientation Sea’ties, pourquoi avez-vous décidé de vous engager dans cette initiative ?

    La menace de l’élévation du niveau de la mer concerne les territoires côtiers du monde entier, de surcroît la Polynésie avec 118 îles, 76 habitées, isolées au milieu du Pacifique, éparpillées sur une surface maritime aussi grande que l’Europe. C’est donc tout naturellement que je soutiens cette initiative depuis quatre ans, car elle vise à mieux comprendre cet enjeu et à accompagner les collectivités concernées dans leurs démarches d’adaptation.

    Dans cette optique, Sea’ties organise des ateliers réunissant différents acteurs du littoral (scientifiques, administrations locales, élus, représentants du secteur privé et de la société civile) autour du monde afin d’identifier les obstacles, les besoins mais aussi partager entre pairs les solutions déjà déployées.

    Que préconisez-vous pour adapter les villes côtières à l’élévation du niveau de la mer ?

    La communauté internationale – dont la France est un des leaders – doit impérativement réduire ses émissions de gaz à effet de serre et respecter l’objectif de 1,5 °C fixé par l’accord de Paris. Les efforts d’atténuation du changement climatique conditionnent notre capacité à nous adapter, et notamment à la hausse du niveau de la mer.


    L’île de Fongafale, la plus grande de l’atoll Funafuti, qui abrite le village principal des Tuvalu, Vaiaku. Photo DR

    Dans le même temps, nous devons d’ores et déjà faire face aux impacts actuels et anticiper leur aggravation. Pour cela, nous appelons à considérer les scénarios d’élévation du niveau de la mer les plus élevés. Nous souhaitons des outils méthodologiques, un soutien technique fort et des financements dédiés. Nous recommandons également la plus large concertation et participation de l’ensemble des parties prenantes aux processus de décision, en premier lieu les populations locales.

    " Des initiatives locales trop faiblement répertoriées "

    Quelles sont les recommandations du projet Sea’ties pour les outre-mer ?

    Il faut approfondir notre niveau de connaissance, à la fois des risques mais aussi des solutions possibles. A ce jour, beaucoup de petits projets de restauration d’écosystèmes sont déployés pour mieux protéger les côtes mais sont faiblement répertoriés, évalués. Un retour d’expérience mieux encadré permettra aussi de valoriser les capacités de recherche locales et les connaissances des communautés qui sont les premières observatrices du changement climatique. Bien souvent l’intervention d’acteurs extérieurs a mené à des solutions inadaptées et qui ne durent pas au-delà du financement. Nous recommandons de promouvoir des actions partagées par les communautés afin que les solutions avancées répondent bien à leurs besoins et aspirations. C’est souvent un gage de réussite.

    De plus en plus, l’adaptation côtière est pensée à l’échelle entière de l’île. Ceci permet de mieux appréhender les liens entre les espaces terrestres et maritimes, les continuités des systèmes économiques, sociaux et écologiques et leur gouvernance. Par exemple, limiter les pollutions liées à l’agriculture a des effets positifs jusque sur les coraux qui seront davantage résistants pour protéger les littoraux de l’érosion et des submersions.


    Illustration Ocean & climate

    Parfois, l’échelle ne sera pas seulement locale mais au niveau interinsulaire voire international. Même si la délocalisation est une solution de dernier recours, Kiribati a développé une stratégie de migration internationale avec la Nouvelle-Zélande et l’Australie.

    Ces recommandations ont été menées en partenariat avec des acteurs locaux de cinq régions du monde. Quels territoires d’outre-mer y ont participé ?

    La Polynésie française ainsi que la Nouvelle-Calédonie ont été impliquées. Des élus locaux de la commune de Puna’auia s’y sont intéressés en rejoignant la déclaration Sea’ties, lors du One Ocean Summit, à Brest en février 2022. Récemment la communauté de communes de Tereheamanu a participé à un des ateliers du projet qui s’est tenu aux Fidji, en juillet 2023. Nous espérons que ce travail pourra se poursuivre auprès d’autres collectivités et territoires, notamment des Caraïbes lors d’un atelier régional en 2024.

    " Soutenir la science et mobiliser nos savoirs ancestraux "

    Concrètement, que faut-il faire pour préparer les territoires d’outre-mer à cette augmentation ?

    Il est impératif d’agir dès aujourd’hui pour anticiper et préparer notre adaptation à la montée du niveau marin, tout en traitant d’autres problèmes urgents tels que les tempêtes, l’érosion et d’autres impacts du changement climatique. Mais bien sûr, les contextes et les besoins sont très différents d’un endroit, d’un territoire à l’autre. Il faut améliorer notre compréhension des changements océaniques et côtiers dans le Pacifique, en soutenant la science, les projets expérimentaux, les innovations, mais aussi en mobilisant nos savoirs ancestraux. Nos écosystèmes marins et côtiers sont également précieux car ils atténuent les effets des tempêtes, de l’érosion, et de l’élévation du niveau de la mer. Nous devons les protéger et les restaurer.

    Vous avez été députée de la Polynésie française, que pensez-vous de l’action politique menée dans le Pacifique en matière environnementale ?

    Les États insulaires du Pacifique font face à des changements rapides et observables sur leurs côtes : dans cette région du monde, le niveau de la mer a en moyenne augmenté deux à trois fois plus vite qu’ailleurs.

    Face à cette situation, les petits États insulaires sont en première ligne dans les négociations internationales sur le climat pour pousser l’action en faveur de l’adaptation, faire reconnaître et financer les pertes et les préjudices. Dès 1989, quatre Petits États insulaires en développement (SIDS) ont signé la Déclaration de Malé sur le réchauffement global et l’élévation du niveau de la mer en appelant la communauté internationale à soutenir leurs politiques d’adaptation.

    La mobilisation se fait aussi au niveau local. Les populations n’ont pas attendu la prise de conscience de la communauté internationale pour mener des projets de restauration ou de plantation d’écosystèmes capables de protéger les littoraux de l’érosion et des submersions. Cependant, il faut absolument que ces initiatives soient aujourd’hui accompagnées scientifiquement, financièrement et politiquement afin qu’elles soient à la hauteur du défi qui nous attendent.

    Dans les Tuamotu, les habitants construisent des digues en béton pour se protéger de la montée des eaux. En tant que Polynésienne, êtes-vous inquiète au sujet de l’avenir de ces petites îles ?

    Bien sûr que nous sommes inquiets mais il ne faut pas tomber dans le défaitisme en concentrant tous nos efforts sur les pertes et préjudices car l’atténuation et l’adaptation sont souhaitables, faisables et doivent être entreprises immédiatement !

    Par ailleurs, il n’y a pas qu’une seule situation de risque concernant les petites îles mais plutôt une grande diversité de capacité de résilience face à l’élévation du niveau de la mer. Il existe une grande diversité de typologie d’îles (atolls, îles volcaniques etc.) qui n’évoluent pas de la même façon face à la montée des eaux, de même qu’il existe différents schémas de réponses selon l’échéance. D’où la nécessité de mieux connaître et comprendre ce phénomène et surtout de prendre des mesures les plus adaptées possibles.

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