- AFP | Crée le 24.10.2024 à 14h56 | Mis à jour le 24.10.2024 à 14h56ImprimerGisèle Pelicot a pris la parole mercredi pour la seconde fois depuis le début de ce procès hors norme qui a débuté en septembre et qui doit se terminer en décembre. Photo Christophe SIMON / AFP"Je suis une femme totalement détruite", a lancé Gisèle Pelicot mercredi devant la cour qui juge son ex-mari et 50 autres hommes pour l’avoir violée pendant des années alors qu’elle était droguée et inconsciente, affirmant vouloir "changer cette société" face aux violences sexuelles faites aux femmes.
En demandant la levée du huis clos du procès des viols de Mazan (Vaucluse), "je voulais que toutes les femmes qui (sont) victimes de viol se disent 'Madame Pelicot l’a fait, on peut le faire'. Je ne veux plus qu’elles aient honte. La honte, ce n’est pas à nous de l’avoir, c’est à eux. […] J’exprime surtout ma volonté et détermination pour qu’on change cette société", a affirmé mercredi à la barre de la cour criminelle de Vaucluse celle qui est devenue, à 71 ans, une icône de la cause féministe.
"Je veux que mon exemple serve aux autres", a-t-elle asséné plus tard, d’une voix claire mais déterminée.
Mme Pelicot avait été invitée à s’exprimer par le président de la cour, Roger Arata, pour "donner ses impressions" à mi-parcours de ce procès hors norme débuté le 2 septembre et prévu jusqu’au 20 décembre, emblématique de la soumission chimique et des violences sexuelles.
"Je ne sais pas comment je vais me reconstruire, me relever de tout ça. Heureusement, je suis soutenue par un psychiatre et il me faudra encore beaucoup d’années. À bientôt 72 ans, je ne sais pas si ma vie me suffira pour me relever", a-t-elle ajouté.
"Bas-fonds de l’âme"
La septuagénaire s’est ensuite adressée à son mari, assis dans le box des accusés mais sans le regarder, alternant le tutoiement et la troisième personne, pour lui demander "comment" il avait pu, pendant une décennie la droguer aux anxiolytiques, la violer et la faire violer par des dizaines d’inconnus recrutés sur internet. "Je cherche à comprendre comment ce mari, qui était l’homme parfait, a pu en arriver là. Comment ma vie a pu basculer. Comment tu as pu laisser entrer chez nous ces individus alors que tu connaissais mon aversion pour l’échangisme. Pour moi, cette trahison-là, elle est incommensurable. Cinquante ans de vie, je pensais finir mes jours avec ce monsieur…", a-t-elle expliqué. "Personne n’a rien vu. Ma vie a basculé dans le néant, je ne comprends pas comment il a pu en arriver là. J’ai toujours essayé de te tirer vers le haut, toi tu as atteint les bas-fonds de l’âme humaine mais malheureusement c’est toi qui as choisi", a-t-elle poursuivi.
Son ex-mari, 71 ans, est resté sans réaction apparente, baissant les yeux. Les six autres coaccusés, entourés de leurs conseils, dont la cour étudie les cas cette semaine, sont eux aussi restés silencieux.
Cette prise de parole de Gisèle Pelicot est la seconde depuis le début du procès. Mi-septembre, elle était sortie de sa réserve habituelle en exprimant son sentiment d’humiliation mais aussi de colère face aux insinuations de certains avocats sur ce qu’elle a subi, leur lançant : "Un viol est un viol !"
"Ce sont des violeurs"
Comme quasiment tous les jours depuis l’ouverture du procès qui suscite une forte attention internationale, Gisèle Pelicot est arrivée mercredi sous les applaudissements du public au palais de justice d’Avignon. A la pause de midi, son ancien professeur d’art dramatique lui a remis un bouquet, saluant son "courage" et sa "force de caractère", sous les applaudissements et les "bravo" du public. Elle suit assidûment presque toutes les audiences où défilent un à un les accusés de ce procès qui, dit-elle, "n’est pas seulement le mien mais aussi celui de toutes les femmes et hommes victimes de viol". Il lui arrive parfois de lever les yeux au ciel ou d’afficher un rictus moqueur lorsque certains d’entre eux donnent des explications baroques -"par peur", "pour faire plaisir" au couple, "par accident"…- pour justifier leurs actes. Presque aucun n’admet l’avoir violée.
Des explications, parfois ponctuées d’excuses, souvent timides, qu’elle n’accepte pas : "Ces hommes sont en train de me souiller. Ils souillent une femme inconsciente. Ils se dédouanent de toute responsabilité. Mais pour moi il n’y a pas 'viol et viol'. Ce sont des violeurs, ils violent, point. Quand ils s’excusent, en fin de compte, ils s’excusent eux-mêmes".
Tous les accusés encourent jusqu’à 20 années de réclusion criminelle.
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