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    France
  • A.F.P avec LNC  | Crée le 04.04.2025 à 08h28 | Mis à jour le 04.04.2025 à 08h31
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    Le 2 avril, à la Maison Blanche, Donald Trump a dévoilé sa vision des "aux de douanes dits "réciproques" qui varient significativement selon les pays et les régions. Photo : AFP - Brendan Smialowski 
     Saint-Pierre-et-Miquelon taxé à 50%, La Réunion à 37%, la Polynésie à 10%: les droits de douane spécifiques à l'outre-mer annoncés mercredi par l'administration Trump ont déclenché un mélange d'incompréhension et de colère dans les territoires concernés. La Nouvelle-Calédonie semble, pour l'heure du moins, échapper à cette guerre commerciale.

    Des taux très variables d'un territoire à l'autre

    Alors que la France hexagonale et l'Union européenne (UE) écopent de droits uniformes de 20%, les départements, régions ou collectivités d'outre-mer se voient appliquer des taux sans logique apparente, sans que Washington n'ait clairement expliqué ses critères.

    Parties intégrantes du territoire douanier de l'UE mais considérées fiscalement comme des territoires tiers, la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et Mayotte verront leurs produits imposés à hauteur de 10 % supplémentaires par les autorités américaines, selon nos confrères de France Info. Les produits de La Réunion, qui bénéficie pourtant du même statut légal, seront eux taxés à hauteur de 37%.

    Le gouvernement américain prévoit aussi d'imposer des droits de douane de 50% sur les produits importés depuis Saint-Pierre-et-Miquelon mais de 10% sur ceux arrivant de la Polynésie française, deux territoires qui ne font pas partie de l'Union européenne aux yeux des douanes.

    Par ailleurs, la Nouvelle-Calédonie n'a pas été mentionnée, pour l'heure du moins, par le président Trump et pourrait échapper à cette guerre commerciale. 

    "L'intention initiale de taxer différemment les territoires ultramarins est profondément politique. Elle témoigne surtout du cumul d'incohérences, d'absurdité et d'incompétence", a réagi auprès de l'AFP Manuel Valls, ministre des Outre-mer.

    Une liste jugée incohérente par les élus locaux

    Du côté des élus ultramarins, la stupeur domine. "Il n'y a pas de cohérence", juge la sénatrice (LR) de Saint-Barthélemy Micheline Jacques, à la tête de la délégation sénatoriale aux outre-mer, qui redoute "un impact considérable pour certains territoires", notamment Saint-Pierre-et-Miquelon, dont l'économie repose en partie sur la pêche vers l'Amérique du Nord.

    Le député de ce petit territoire à quelques encablures des côtes canadiennes, Stéphane Lenormand, se dit "inquiet" et dénonce une "forme d'incompréhension qui traduit l'incompétence de l'administration américaine".

    Il s'interroge sur les chiffres avancés par la Maison-Blanche. "On est un petit marché d'un peu plus de 6.000 habitants, je ne pense pas que ce soit nous qui soyons à l'origine du déséquilibre de la balance du commerce extérieur américain", ironise-t-il.

    L'élu appelle à une réponse ferme de la France et de l'UE, comme la présidente de la région Réunion, Huguette Bello. "Donald Trump est un ignorant", cingle-t-elle.

     

    Des territoires peu exportateurs

     

    "Le moins qu'on puisse dire, c'est que les outre-mer ne sont pas des puissances commerciales", tranche Ivan Odonnat, directeur général de l'Iedom-Ieom, la banque centrale des territoires ultramarins français.

    À l'exception de la Nouvelle-Calédonie, qui exporte du nickel - mais vers l'Asie, et qui ne figure pas dans le tableau de Donald Trump -, la quasi-totalité des territoires présentent un déficit commercial massif.

    À La Réunion, les exportations de biens atteignaient en 2022 environ 320 millions d'euros, contre sept milliards d'euros d'importations annuelles, selon Ivan Odonnat.

    Les taux de couverture – le rapport entre exportations et importations – sont très faibles : entre 5% et 15%, contre environ 90% pour la France. "Ce sont des territoires qui n'existent nulle part sur la carte du commerce international", insiste M. Odonnat, doutant de la pertinence de ces mesures.

     

    Une filière exportatrice exposée: la pêche polynésienne

     

    En Polynésie française, les droits de douane suscitent une vive inquiétude. Ivan Odonnat évoque une filière pêche "très structurée", qui exporte beaucoup vers les États-Unis, notamment du thon frais.

    Selon le sénateur de la Polynésie Teva Rohfritsch, près de 1.600 tonnes sont exportées chaque année, soit 92% des exportations polynésiennes en valeur (2,1 milliards de francs Pacifique, soit environ 17,5 millions d'euros). Les perles noires, le monoï et la vanille de Tahiti sont également des produits recherchés.

    "Nos importateurs sont sur le qui-vive depuis l'élection de Donald Trump", affirme Teva Rohfritsch. Si les taux appliqués à la Polynésie restent faibles (10%), les États-Unis représentent le deuxième débouché commercial du territoire, derrière la France hexagonale.

    Autre secteur sous surveillance: le tourisme. Les Américains constituent la première clientèle étrangère du territoire. Or une dépréciation du dollar pourrait rendre les séjours en Polynésie plus coûteux pour ces visiteurs.

     

    Une logique américaine au mépris du droit européen

     

    Sur le papier, les régions et départements ultramarins, comme La Réunion, font partie intégrante du territoire douanier de l'UE. A ce titre, ils devraient être soumis à la même taxation que la métropole. Les collectivités, elles, disposent de plus de souplesse tarifaire.

    Pourtant Washington a visiblement choisi d'ignorer ces subtilités juridiques. "Les Américains ont une vision du monde qui est la leur", glisse le directeur de l'Iedom-Ieom, "pour eux, les territoires français d'outre-mer sont surtout d'outre-mer et à peine français".

    Une vision que l'ancien ministre des Outre-mer et sénateur de la Guadeloupe Victorin Lurel juge "étonnante". "C'est quelque part une contestation de la présence française dans ces territoires", estime-t-il.

    Au-delà des considérations symboliques, ces nouvelles taxes sont surtout "des éléments de perturbation dans l'ordre commercial" mondial, relève Ivan Odonnat. De nature à "compliquer l'équation économique des outre-mer", conclut-il.

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