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  • Anna Malpas/AFP  | Crée le 14.03.2023 à 16h42 | Mis à jour le 15.03.2023 à 08h37
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    Installés en Sibérie, les Vinogradov s'occupent de 16 enfants, dont 5 Ukrainiens. Ils viennent de la région de Lougansk, annexée illégalement par Moscou. AFP
    Depuis le début de l'invasion, des organisations internationales accusent les autorités russes d'orchestrer le "déplacement forcé" de milliers de mineurs ukrainiens, ce que le président Volodymyr Zelensky a qualifié de crimes contre l'humanité. La Russie affirme protéger des "réfugiés".

    Au milieu de la Sibérie, Roman Vinogradov joue avec un groupe d'enfants, tandis que sa femme, Ekaterina, lit une histoire aux plus petits. Des 16 enfants dont ils s'occupent, cinq viennent de territoires ukrainiens occupés par la Russie. Le couple, rencontré à Novossibirsk à 3 000 km de l'Ukraine, dit que leur mission est simple : aider ces "enfants dans le besoin".

    "Je n'ai volé personne", insiste M. Vinogradov, et les enfants "ne pensent pas non plus avoir été volés". Lui et son épouse racontent comment ils se sont retrouvés depuis l'été 2022 en charge de cinq petits Ukrainiens, qui se sont ajoutés à leurs quatre enfants et à sept autres placés dans leur famille. Tous sont originaires de Lougansk, une des régions occupées par la Russie, et où Moscou a parrainé un conflit armé dès 2014 en y soutenant des séparatistes.

    Les services sociaux russes "nous ont appelés pour nous demander : Est-ce que vous voudriez prendre des enfants d'Ukraine ?", se souvient Ekaterina Vinogradova. "On a dit OK", poursuit cette femme de 38 ans. "Quelle différence cela fait-il ? Les enfants restent des enfants. Leur nation n'importe pas", argue-t-elle.

    Transférés en Russie

    Le couple héberge donc depuis six mois cinq enfants ukrainiens, quatre filles et un garçon âgés de 3 à 12 ans. Tous ont la même mère, qui a été privée de son autorité parentale. Selon des documents signés des autorités de Lougansk, territoire dont Moscou revendique l'annexion, les cinq enfants ont été placés dans différentes institutions de la région de Lougansk avant d'être transférés en Russie puis placés chez les Vinogradov. Selon eux, les enfants ne se souviennent plus de leur mère. "Le temps viendra où ils poseront des questions sur leur passé. Alors on entreprendra des recherches. Peut-être que l'on organisera une rencontre", poursuit Ekaterina. Roman explique, lui, que les enfants ont besoin de temps pour se sentir rassurés dans leur nouvelle maison. Au jardin d'enfants, "ils s'inquiétaient de savoir si on viendrait les chercher", raconte-t-il.

    Retour impossible

    Selon le droit international, aucune partie à un conflit ne peut évacuer des enfants vers un pays étranger, sauf temporairement pour des raisons impérieuses de santé ou de sécurité. Dans un rapport publié lundi, l'ONG Human Rights Watch (HRW) a appelé à un "effort international concerté" pour permettre le retour de ces enfants en Ukraine. "Le retour des enfants illégalement enlevés par les forces russes devrait être une priorité internationale", appuie Bill Van Esveld, directeur associé aux droits de l'enfant à HRW.

    De son côté, Kiev accuse Moscou de mentir pour cacher ces mineurs et rendre leur retour impossible. Les Russes "refusent de reconnaître que ces enfants ont été déportés. La Russie cache nos enfants", a martelé encore la semaine dernière Daria Guerassimtchouk, la commissaire ukrainienne à l'Enfance.

    Selon elle, l'Ukraine a identifié 43 centres en Russie accueillant ces mineurs. Les enfants sont "déplacés (de ville en ville) tout le temps", dit-elle, "nous avons des preuves de l'ampleur des efforts entrepris par la Russie pour rendre impossible la réunification des familles".

    REPÈRES

    Un crime de guerre

    La Cour pénale internationale (CPI) veut poursuivre des Russes pour crimes de guerre en Ukraine, a rapporté lundi le New York Times. Selon le média américain, la première affaire concerne l'enlèvement d'enfants ukrainiens qui auraient ensuite été envoyés à l'adoption, ou dans des camps de rééducation. "Les enfants ne peuvent pas être traités comme un butin de guerre", a déclaré le procureur de la CPI, Karim Khan, dans un communiqué le 7 mars. M. Khan a souligné qu'il avait visité un centre de soins pour enfants dans le sud de l'Ukraine qui était "vide, à la suite de la déportation présumée d'enfants d'Ukraine vers la Fédération de Russie" ou d'autres zones occupées.

    Loi modifiée

    L'ONG Human Rights Watch (HRW) a dénoncé lundi les conséquences "dévastatrices" de l'invasion russe sur les orphelins et les enfants placés ukrainiens, dont des "milliers" ont été "transférés de force" vers la Russie ou des territoires sous occupation russe. Le Parlement russe a modifié la législation pour donner la nationalité russe aux enfants ukrainiens et, selon des responsables russes, "des centaines d'enfants ukrainiens ont été adoptés", alors que des normes internationales interdisent les adoptions internationales pendant les conflits armés.

    "Les cacher pour les sauver"


    De jeunes enfants dans un refuge à Uzhhorod, dans l'ouest de l'Ukraine.

    Selon Daria Guerassimtchouk, la commissaire ukrainienne à l'Enfance, c'est "faux de dire que seuls des orphelins ont été emmenés en Russie". Des 16 000 enfants qu'elle accuse Moscou d'avoir envoyés sur son territoire, seuls 138 étaient dans des orphelinats. Elle explique que d'autres ont été séparés de leurs parents par la guerre ou volontairement par les Russes qui mettaient en place des "camps de filtration" dans les territoires fraîchement conquis.

    Moscou assure de son côté ne penser qu'au bien-être des enfants victimes du conflit, à l'instar de sa chargée de l'enfance, Maria Lvova-Belova qui a elle-même révélé en février à la télévision devant un président Vladimir Poutine approbateur avoir adopté un enfant de Marioupol (sud).

    Mme Guerassimtchouk raconte que Kiev s'est donc efforcé de mettre à l'abri les enfants accueillis dans des institutions dans les zones menacées par l'armée russe. "On envoyait ces enfants venant de foyers dans des familles d'accueil pour que les Russes ne puissent pas les identifier et les déplacer, raconte-t-elle. Mais cela n'a pas toujours marché."

    Volodymyr Sagaïdak, directeur d'un foyer de Kherson, ville du sud reprise en novembre par l'armée ukrainienne après près de neuf mois sous contrôle russe, raconte, lui, que les autorités d'occupation l'interrogeaient sur les enfants et ont saisi ses dossiers. "Personne ne disait vouloir prendre les enfants. Mais c'était une forme déguisée de déportation. Ils disaient : on part en excursion, on va s'amuser amuser en Crimée", région ukrainienne sous contrôle russe depuis 2014.

    Une enseignante d'un foyer d'accueil, Oksana Koval, confie qu'après la conquête russe de Kherson, les responsables du centre se sont dépêchés de cacher les enfants chez des proches ou chez le personnel de l'institution. "Les Russes ne savaient pas qu'on avait les enfants. On leur disait que les parents les avaient récupérés, se souvient cette femme de 49 ans. Une seule chose importait pour nous : sauver ces enfants."

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