- Julien Mazzoni | Crée le 24.03.2025 à 16h01 | Mis à jour le 26.03.2025 à 15h10ImprimerRoy Assaya fait partie des trente salariés de l’AFMI qui se retrouvent sur le carreau. Photo Julien MazzoniAprès vingt-quatre ans d’existence, l’Association de formation des musiciens intervenants baisse le rideau, par manque de budget. Un déchirement pour ses trente salariés et ses 2 000 élèves, ainsi que pour le Conservatoire de musique et de danse, qui s’appuyait sur cette structure pour faire vivre ses antennes décentralisées.
C’est une page de l’enseignement musical calédonien qui se tourne. Après vingt-quatre ans d’existence, l’Association de formation des musiciens intervenants (AFMI) a acté sa dissolution, vendredi 21 mars, faute de financement. La structure, qui gérait les antennes décentralisées du Conservatoire de musique et de danse de la Nouvelle-Calédonie depuis plus de quinze ans, en Brousse et dans le Grand Nouméa, fait les frais de la baisse de subventions accordées par les institutions, notamment aux entités culturelles.
Le montant de 53 millions proposé pour 2025 à l’AFMI par le Conservatoire n’aurait pas permis à l’association d’assurer convenablement sa mission. "Le montant diminuait d’année en année, déplore Pascale Doniguian, la directrice du Conservatoire, puisque la Nouvelle-Calédonie réduisait ses budgets." Après avoir déjà dû faire une croix en 2022 sur les subventions de la province Sud, c’est cette année la province Nord qui a annoncé devoir couper le robinet. Une perte de 55 millions qui aura été fatale à l’AFMI, qui a pris la douloureuse décision de se dissoudre.
"Une mise à mort dans l’indifférence"
Ce lundi, les salariés commencent à recevoir leur lettre de licenciement. Un déchirement pour Alain Guarese, le président de l’AFMI : "Il nous reste deux-trois mois pour rassembler le matériel, le vendre et quitter les lieux, soupire celui qui tenait la structure depuis sa création. On avait pourtant une année 2025 qui s’annonçait bien, avec un taux de remplissage plus que convenable. On avait déjà commencé à préparer la rentrée." Car même si la décision semblait inéluctable depuis plusieurs mois déjà, à l’AFMI, on continuait d’entretenir l’espoir qu’une solution sortirait du chapeau au dernier moment pour sauver cet outil. "Mais non, on nous laisse mourir dans l’indifférence", fulmine Alain Guarese, qui voit cette décision de coupe budgétaire comme "une sanction". "Dans un mois, tout le monde aura oublié notre mise à mort et sera passé à autre chose."
Pourtant, le travail de l’AFMI durant ces vingt-quatre années a porté ses fruits : plus de 2 000 élèves chaque année, près de 80 jeunes du pays formés au métier d’intervenant musical, dont certains ont poursuivi des études supérieures. Un vrai succès qui laisse place aujourd’hui à l’incompréhension. "Historiquement, on nous a demandé de former des gens pour les professionnaliser, on a créé un diplôme local [CMIT, certificat de musicien intervenant NDLR], on a fait le job, beaucoup d’argent a été investi pour ça, poursuit le président de l’AFMI. Il y a une vraie rancœur de la part des enseignants."
Alain Guarese, le directeur de l’AFMI, devant les locaux de l’association, à Dumbéa. Photo Julien MazzoniLes antennes de Koné, de Païta et du Mont-Dore conservées
Une amertume qu’espère minimiser Pascale Doniguian, car toutes les antennes ne vont pas fermer. "Avec l’argent que nous devions donner à l’AFMI, nous avons décidé de rouvrir les antennes de Koné, de Païta et du Mont-Dore", annonce la directrice du Conservatoire. Les enseignants de ces antennes devraient donc pouvoir conserver leur poste. "Nous faisons le maximum pour ne pas les laisser partir dans la nature, ça serait du gâchis." Un gâchis également en termes d’éducation, l’art véhiculant des valeurs auprès du jeune public. "Notre pédagogie privilégiait la pratique d’ensemble, détaille Alain Guarese. Jouer en groupe, ça développe la rigueur, l’écoute des autres, la valorisation de soi… "
Ce travail auprès des jeunes constituait le leitmotiv des salariés de l’AFMI. Dans la remise de l’association, dont les locaux sont situés à Auteuil, Roy Assaya, l’un d’entre eux, ne cache pas sa tristesse en rangeant les instruments désormais condamnés au silence : "C’est pour eux qu’on œuvre, pour ceux qui n’ont pas la chance de s’inscrire au Conservatoire. Quand ils attrapent un saxophone ou un violon, des instruments que leurs parents n’ont pas forcément les moyens de leur offrir, tu les vois s’émerveiller, c’est de la magie, souffle-t-il. Participer à ça, ça donnait vraiment un sens à mon activité."
-
-
DANS LA MÊME RUBRIQUE
-
VOS RÉACTIONS
- Les transports aériensà consulter ici