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    Nouvelle Calédonie
  • Aurélia Dumté | Crée le 25.07.2024 à 11h30 | Mis à jour le 26.07.2024 à 09h31
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    Dans le quartier d’Auteuil, même si la situation s’est apaisée, la tension reste, avec toujours des barrages, des petits feux, et des affrontements avec les forces de l’ordre. Une situation épuisante pour les riverains. Photo Archives LNC /  Anthony Tejero
    Depuis le début des violences le 13 mai, certains quartiers continuent de vivre des moments d’intense tension. Les habitants subissent tantôt des barrages, des incendies, des affrontements entre les forces de l’ordre et les émeutiers… Une certaine fatalité s’est installée, pour tenter de trouver un semblant de normalité. Témoignages.

    L’incendie d’une maison de particulier vendredi 19 juillet à la Vallée-du-Tir. Des affrontements violents entre forces de l’ordre et émeutiers lundi 22 juillet à Auteuil, barrages à La Conception et aux Villages de Magenta, incendie à Portes-de-Fer, explosions de bombes de désencerclement, fumées noires… Dans certains quartiers du Grand Nouméa, alors même que les violences se font plus rares sur l’agglomération, la tension reste. Des zones dans lesquelles les riverains vivent dans la peur depuis des semaines.

    Peu importe leur âge, leur genre, leur ethnie. Tous ont développé des moyens pour se protéger, et tenter de reprendre une vie normale. Comme Annie*, habitante de Portes-de-Fer, qui constate qu’"au début, on sursautait au bruit des explosions, puis ça devient presque normal." Ou Caroline, habitante de la Vallée-du-Tir, qui continue de faire son footing dans le quartier, d’aller au travail. "On arrive à dormir. On essaie de faire comme avant. On avait trouvé le quartier sympa, cette mixité sociale. On a acheté l’année dernière. Aujourd’hui, on résiste parce qu’on n’a pas le choix, on ne peut pas abandonner notre maison."

    "De mon balcon, je vois tout"

    Si Caroline arrive à trouver le sommeil, Christine*, elle, ne dort plus depuis le 13 mai. Elle vit au centre urbain de Koutio. "De mon balcon, je vois tout. On entend les explosions aux Palmiers, aux Collines d’Auteuil, même à La Conception. Ça me fait sursauter, ça me renvoie au début des émeutes." Christine se sent davantage en sécurité aujourd’hui. Elle aussi a repris le travail, mais le retour à la vie normale, ce n’est pas pour tout de suite. Ses deux jeunes garçons ont repris le chemin de l’école mercredi dernier. "L’établissement a brûlé. On a reçu un SMS pour nous dire que l’école reprenait. Mais je préfère toujours dire "peut-être", car je suis très inquiète pour la sécurité de mes enfants. On vit au centre des émeutes", estime cette maman de trois enfants.

    Nous, à La Conception, c’est quand on voit les gendarmes se positionner que l’on sait que ça va péter.

    Arnaud* est lui aussi parfois inquiet pour la sécurité de son fils. Mais pas pour les mêmes raisons. "Nous, à La Conception, nous vivons en tribu. Nous sommes en sécurité. Tout le monde se connaît. C’est quand on voit les gendarmes se positionner que l’on sait que ça va péter." Selon lui, mieux vaut ne pas être en voiture à ce moment-là, au risque de se retrouver dans les explosions des grenades. "On sait quand on part, on ne sait pas toujours quand on rentre", souligne Arnaud.

    Même constat du côté de Sabine*, des Villages de Magenta. "Il y a des barrages, ce sont des militants, mais je ne me suis pas sentie en insécurité, ils ne sont pas radicaux. C’est surtout quand les forces de l’ordre interviennent pour nettoyer que cela provoque des affrontements, et donc des explosions. Mes enfants, eux, ont eu très peur des fumées, des incendies, des explosions. Mais aujourd’hui, ils ne réagissent même plus aux explosions. Je trouve ça inquiétant."


    La salle de sport François-Anewy, à la Vallée-du-Tir, est constamment victime d’incendies volontaires. Des maisons continuent d’être incendiées dans ce quartier, alors qu’un calme relatif est revenu dans de nombreux endroits du Caillou. Photo Archives LNC / Anthony Tejero

    "Au début, ce qui nous fait tenir, c’est l’adrénaline"

    Toutes ces personnes ont traversé différentes émotions, entre colère, peur et tristesse. Aujourd’hui, c’est surtout la fatalité qui semble l’emporter. Annie, de Portes-de-Fer, est passée par plusieurs étapes, "au début, ce qui nous fait tenir, c’est l’adrénaline, mêlée à la peur. On est sur les nerfs en permanence, puis la pression retombe, et là, c’est le ras-le-bol, une irritabilité générale, puis une grande fatigue. On tient parce qu’on n’a pas le choix. Il faut faire avec." Caroline, de la Vallée-du-Tir, est elle aussi fataliste : "On a la chance d’avoir encore nos emplois avec mon conjoint, ma fille a repris le collège. On ne peut pas abandonner notre maison, nous n’avons pas les moyens de prendre une location ailleurs, on vient d’acheter, on n’a pas le choix."

    Nous avons travaillé dur pour obtenir le confort que nous avons aujourd’hui avec mon mari.

    Au centre de Dumbéa, les stigmates des violences s’affichent aux yeux de Christine chaque jour. Les carcasses calcinées de Carrefour, de Décathlon, les barrages, les pillages… "Au début, c’était la panique, se souvient cette maman de trois enfants. Nous avons travaillé dur pour obtenir le confort que nous avons aujourd’hui avec mon mari. J’avais peur de perdre tout ce que nous avons construit."

    Cet abattement ressenti par ces riverains de quartiers encore sensibles se répercute sur leur vision de l’avenir. "Le vivre ensemble, je n’y crois plus", lance, dépitée, Annie, qui affirme "ne plus se sentir en sécurité dans mon quartier."


    La maison du médecin de la Vallée du Tir, à l’angle des rues Paul-Bert et Dumont-D’Urville, a été incendiée dans la nuit du 14 au 15 juillet. Photo Aurélia Dumté

    "Tout le monde me déçoit, la folie a surgi de partout, estime de son côté Caroline. Les politiciens campent sur leurs positions, je ne comprends pas les destructions dans les quartiers, comme le cabinet du médecin à la Vallée-du-Tir, un docteur qui s’occupe des gens du coin depuis des années. En face, les barrages de voisins ne sont pas très sympas non plus." Quant à Christine, la riveraine du centre urbain de Koutio, elle doute sérieusement en l’avenir : "Je ne sais pas si on va retrouver une vie normale."

    Un avenir incertain

    Pourtant, toutes et tous ont constaté cette solidarité que tous les Calédoniens ont ressenti dans leur résidence, leur rue, leur quartier. "Le vivre ensemble, à La Conception, il est là, surtout si tu n’as pas de casquette politique", assure Arnaud, qui vit depuis plusieurs années dans la tribu, en parfaite entente avec ses voisins. Sabine aussi l’a constaté aux Villages de Magenta, "le vivre ensemble est bien là." Pour autant, la jeune maman confesse être "perdue pour demain."

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