- Anne-Claire Pophillat | Crée le 20.03.2025 à 17h00 | Mis à jour le 20.03.2025 à 17h09ImprimerYoram Moefana célèbre le premier de ses deux essais marqués lors de la rencontre contre l’Écosse samedi 15 mars, au Stade de France, dernier match du Tournoi des Six Nations remporté par le XV de France. À 17 000 km de là, Taofifenua, a suivi l’aventure d Photos Julien de Rosa / AFP et A.-C.P.Le joueur de rugby Yoram Moefana s’est révélé lors du Tournoi des Six Nations, remporté par le XV de France, notamment lors du dernier match contre l’Écosse, samedi 15 mars, au Stade de France. Le Futunien en a été sacré meilleur joueur, ayant été un des artisans de la victoire en marquant deux essais. Un moment ressenti avec beaucoup d’émotion par son père, Taofifenua Falatea, vice-président de l’Union rugby club de Dumbéa, et sa famille, dont il porte la fierté et les espoirs. Rencontre.
C’est à côté du stade de rugby de Koutio, ou s’entraîne l’URCD (Union rugby club de Dumbéa), qu’il a présidé pendant dix ans et dont il est aujourd’hui le vice-président, que Taofifenua Falatea évoque avec beaucoup d’amour le parcours de son fils dans le rugby, ce sport qui les lie depuis toujours. Yoram Moefana, vainqueur du Tournoi des Six Nations avec le XV de France et, surtout, élu meilleur joueur de la rencontre contre l’Écosse, samedi 15 mars, pendant laquelle le Futunien de 24 ans a marqué deux essais. "Il a réalisé mon rêve", témoigne Taofifenua Falatea, "honoré" la famille et, au-delà, un territoire, son île, Futuna, du royaume de Sigave, d’où vient son père, à celui d’Alo, d’où est originaire sa mère, Odette Moefana.
Parmi les qualités de son fils, analyse Taofifenua Falatea, son père, "son explosivité", et la défense. "Il est vraiment fort, il a une bonne lecture tactique." Photo Stéphane de Sakutin / AFPYoram Moefana commence le rugby à Futuna à 5 ans, coaché par l’emblématique Nisié Feleu dans le club qu’il a fondé, l’Afili Rugby Futuna. C’est lui, aussi, qui a fait découvrir ce sport au père de Yoram dans les années 1990. Taofifenua Falatea, alors volleyeur, délaisse le filet pour le rugby. "J’ai senti qu’il y avait quelque chose, c’est devenu une drogue."
Tao développe des qualités qui lui permettent de partir tenter sa chance dans l’Hexagone en tant qu’amateur en 2000 – Yoram est alors âgé de quelques mois -, avant de venir s’installer en Nouvelle-Calédonie, son diplôme d’éducateur sportif en poche. Sur le terrain, il est centre ou ailier, comme le deviendra son fils. Taofifenua Falatea inscrit ainsi le rugby dans l’histoire familiale. Aîné d’une fratrie de dix, il sera suivi quelques années plus tard par deux de ses frères, Tapu – premier Futunien a signé un contrat dans un club du Top 14 – et Sipili, qui disputera la Coupe du monde 2023 aux côtés de son neveu, Yoram.
"Il s’est battu pour avoir ce qu’il a aujourd’hui"
Yoram Moefana est encore jeune quand il comprend qu’il veut devenir professionnel, lors d’un séjour en Nouvelle-Zélande pour la Coupe du monde 2011, où il rencontre les Bleus. "C’est là qu’il m’annonce son intention de partir", se rappelle son père. Des débuts prometteurs. Pour autant, l’adolescent n’a pas forcément le physique habituel d’un rugbyman. "Il n’était pas si grand et pas très costaud." Mais, "il savait jouer, il avait un peu ça dans le sang". Le Futunien quitte son île deux ans plus tard. Direction Limoges, puis Colomiers. Premier match professionnel à 18 ans, sélection dans les équipes de France U16, U18, U20. Le joueur se construit. "Quand on connaît le parcours de Yoram, on se rend compte que le Tournoi des Six Nations est un accomplissement, parce que ça n’a pas été si facile que ça, il s’est battu pour avoir ce qu’il a aujourd’hui. Sa personnalité, l’homme qu’il est, ont compté aussi."
Yoram Moefana a été bousculé. "On lui a souvent dit qu’il fallait qu’il travaille plus." Et a connu des moments de doute. Comme à ses débuts, en 2019, à l’UBB, Union Bordeau Bègles – où il vient de resigner jusqu’en 2028. Mais, son investissement paye. Yoram Moefana est sélectionné pour son premier Tournoi des Six Nations en 2022 – remporté par la France -, puis pour la Coupe du monde 2023, marquée par la défaite du XV de France en quart de finale contre l’Afrique du Sud. La distance n’empêche pas Taofifenua Falatea d’accompagner son fils. Conseils techniques, messages de soutien, son père regarde tous ses matchs. Et lui qui était "dur", l’encourage davantage, le félicite. Deux ans plus tard, c’est la consécration. "Il y est arrivé, il a fait une énorme compétition, se réjouit son premier fan. C’est aussi ça, le message : continuer, ne pas abandonner. Des choses auraient pu le détourner de son objectif, mais il a persévéré."
Le Futunien joue centre ou ailier avec le numéro 12. Photo F.T."Son essai a fait la bascule"
La rencontre contre l’Écosse est l’apothéose. "Cela faisait cinq matchs que j’espérais qu’il marque, j’avais vu qu’il était en forme en ce moment. Je pense que son essai a fait la bascule, permettant derrière aux Français de dérouler." Taofifenua Falatea l’a sans doute senti. Juste avant le match, il lui envoie un long message, l’incitant à "se laisser aller", à se "faire plaisir", "c’est ton moment". Juste après la victoire, Yoram l’appelle depuis les vestiaires. Un moment hors du temps pour la famille. "C’est un dieu pour ses sœurs. À chaque fois qu’on parle de lui, elles ont mille étoiles dans les yeux." Son père aussi, très ému. "J’étais déjà fier de lui. Ce match m’a rendu encore plus fier et heureux." Ce tournoi marque un tournant, estime Taofifenua Falatea. "Cela confirme que c’est un élément fort et qu’on peut compter sur lui. Il est en train de passer un cap."
L’image de réussite incarnée par Yoram Moefana devrait marquer le rugby à Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie, "qui dispose d’un vivier de joueurs", note le responsable technique de la formation de l’URCD, espérant que cela incite les pouvoirs publics à soutenir ce sport. Taofifenua Falatea aimerait bien voir son fils venir sur le Caillou, bientôt. Présenter sa petite fille et échanger avec les jeunes sur sa passion. Peut-être d’ici la prochaine Coupe du monde, prévue en Australie en 2027, où Taofifenua Falatea projette d’amener des joueurs du club ? Il en profitera pour assister aux matchs du XV de France. Et, pressent-il, voir son fils sur le terrain.
"Tu ne pourras jamais me décevoir"
Le soir du match France-Écosse, Taofifenua Falatea, qui écrit d’habitude "quelques mots", a envoyé un long message à son fils, laissant "parler son cœur". Un mot très émouvant, qu’il partage : "Fais ce que tu peux, laisse-toi aller, tu peux lâcher les chevaux. Il est temps de montrer ce dont tu es capable. Fais-toi plaisir. Soit inspiré, ne réfléchit pas trop. Tu es peut-être attendu par toi-même sur ce match, parce que l’histoire a décidé de t’inviter. C’est un privilège. C’est avec humilité que tu iras. Sois tranquille mon fils, c’est ton moment. Alors sois fier de toi et cours comme tu ne l’as jamais fait auparavant. Toi, le petit prince de mon cœur, tu ne pourras jamais me décevoir, parce que tu m’as offert le meilleur cadeau qu’un papa pouvait espérer. La fierté d’être ton papa. Ton grand-père doit vraiment être aux anges. Aujourd’hui, je me dis que tu l’as rendu fier pour nous tous. Tu es notre étoile. Voilà mon fils, je serai avec toi pendant 80 minutes. Merci à toi de nous rendre fiers, de nous donner la chance de vivre toutes ces émotions. Je ne peux pas rêver mieux. Bon match, mon champion, on t’aime très fort."
Peato Mauvaka en commission de discipline
Peato Mauvaka est convoqué devant une commission de discipline après son geste violente face à l'Ecosse.Le talonneur des Bleus et de Toulouse Peato Mauvaka est convoqué devant une commission de discipline indépendante pour une brutalité lors du match du XV de France contre l'Écosse samedi 15 mars, a annoncé, mardi 18 mars, le comité organisateur du Tournoi des six nations. À la 21e minute de la rencontre, Peato Mauvaka a chargé le demi de mêlée écossais Ben White, alors que le jeu était arrêté par l'arbitre. Il n'a été sanctionné que d'un carton jaune pour ce geste, le corps arbitral estimant après un visionnage vidéo que le degré de danger n'était pas élevé, même si le talonneur toulousain de 28 ans avait percuté le joueur au niveau de la tête.
Le joueur devait passer en commission ce jeudi 20 mars le matin, en visioconférence, précise le comité organisateur. "La raison pour laquelle il n'y a pas eu rouge est l'absence de force excessive. Je ne pense pas que ce soit un critère, alors que ce n'est pas un plaquage", avait déclaré après la rencontre le sélectionneur écossais Greg Townsend. Le co-capitaine écossais et troisième ligne Rory Darge avait également estimé que le talonneur du XV de France "aurait dû recevoir un carton rouge". Mais, avait-il souligné, "ce n'est pas la raison pour laquelle nous avons perdu le match".
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